«Tu ressasses»: en Turquie, le trauma des rescapés du séisme

Par Epoch Times avec AFP
7 avril 2023 13:25 Mis à jour: 7 avril 2023 14:31

Certains dorment à peine ou redoutent les intérieurs. D’autres ont développé une peur intense de la montagne qui leur apportait auparavant bien-être et réconfort.

Dans le sud de la Turquie, accrochés au pied des falaises qui dominent Antakya, les rescapés du tremblement de terre qui a fait au moins 50.000 morts en février souffrent, deux mois plus tard, d’une anxiété et d’un malaise persistants. Ce sentiment d’angoisse ne les quitte plus depuis qu’ils ont tout perdu – leur toit, leurs proches et souvent leur emploi – dans la nuit du 6 février.

Cuma Zobi connaît bien ce sentiment : cet agent de sécurité, âgé de 38 ans, a été réveillé par d’énormes rochers dévalant sur sa maison. La petite bâtisse en briques offre désormais un vaste trou en guise de porte. Sa voiture a été enterrée sous la roche et ses trois enfants, en sang, ont dû ramper pour s’extraire de leur chambre lorsque la secousse, survenue peu avant l’aube, a dévasté des pans entiers du sud-est de la Turquie. Des rochers plus massifs encore se sont détachés sous l’effet des pluies et des répliques qui ont suivi la première. « Plus personne n’ose entrer dans une maison », explique Cuma Zobi devant la sienne, éventrée. « Mais même si tu dors dans une tente, tu y repenses, tu ressasses tout, tu en rêves. Il sera difficile de se débarrasser de cette peur. »

Stress aigu, affliction et réactivation d’anciens troubles

Le psychiatre Eralp Turk tente de guérir les traumas en parcourant bénévolement la zone sinistrée, armé d’un bloc-notes sur lequel il couche les angoisses de ses patients et d’une coffre de médicaments. Eralp Turk est l’un de ses milliers de volontaires qui se sont précipités à Antakya – autrefois Antioche – après qu’elle eut été anéantie comme nulle autre ville par la pire catastrophe qu’a connue la Turquie moderne. Le trentenaire rend visite à une quinzaine de personnes par jour à partir d’une liste fournie par les services sociaux de la province.

(OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

Certains sinistrés le chassent, trop renfermés sur eux-mêmes pour se livrer à un inconnu. « Je n’insiste pas. Je propose seulement », explique-t-il au volant de sa berline. « Les symptômes les plus courants sont le stress aigu, l’affliction et la réactivation d’anciens troubles psychiatriques », développe-t-il. « Mais chaque catastrophe est différente. Chaque région et ses habitants ont leurs spécificités. La culture et les traditions jouent également un rôle. »

« Je garde tout pour moi »

La montagne que Nuriye Dagli chérissait tant est devenue source de stress depuis que « des rochers plus gros qu’une tente » ont manqué de lui ôter la vie la nuit du séisme. « Nous étions une famille heureuse », explique la dame de 67 ans, sous l’une des tentes dans lesquelles vivent désormais la plupart des habitants de la région. « On s’asseyait au pied de la montagne, les enfants y jouaient, il y avait l’odeur des fleurs, des arbres », soupire-t-elle. « Même quand j’étais seule, je n’avais pas peur. » Ce temps est révolu. « Un psychiatre est venu une fois. Je pense que ça a aidé », confie-t-elle, sans conviction.

Aysen Yilmaz, travailleur social, arpente lui aussi les villages de tentes de la région. Son constat est amer : toutes les personnes qui le consultent présentent les symptômes d’un état de stress post-traumatique. « Certains disent avoir des problèmes de sommeil ou d’appétit, d’autres être devenus très colériques ou agressifs », rapporte le quinquagénaire. « Tous ces symptômes sont ceux de troubles de stress post-traumatique ».

(OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

Sevgi Dagli canalise toute son énergie en s’occupant de son bébé, né 15 jours avant la catastrophe. La jeune mère, âgée de 22 ans, dit ne pas parvenir à confier ses émotions. « Je garde tout pour moi », lâche-t-elle en regardant son nourrisson. Elle dit penser à quitter la région, car « plus les décombres sont déblayés, plus l’air devient poussiéreux ». « J’imagine que ce n’est pas bon pour notre santé », glisse-t-elle après avoir marqué une pause. « Je crois qu’on ne sait plus vraiment ce que l’on fait ».

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