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A Cannes, Ken Loach vise juste et frappe fort

mai 17, 2019 0:30, Last Updated: juillet 13, 2019 12:27
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Inlassable combattant, Ken Loach n’en a pas fini avec la lutte contre l’ultralibéralisme, comme le démontre « Sorry We Missed You », implacable constat des dérives de l’uberisation de la société, qui pourrait permettre au réalisateur double-palmé de décrocher un prix à Cannes.

Si le strass et les paillettes étaient logiquement de rigueur pour la montée des marches d’Elton John venu défendre son biopic « Rocketman », le Festival était aussi en mode combat social jeudi, avec outre le film du cinéaste britannique, la présence sur la Croisette des « GM&S », ces salariés qui ont tenté de sauver leur entreprise au cœur du documentaire « On va tout péter », présenté à la Quinzaine des Réalisateurs.

Film coup de poing comme il n’en a peut-être plus fait d’aussi fort depuis « My name is Joe », « Sorry We Missed You » se penche sur Ricky et Abby, parents de deux enfants, qui travaillent dur sans parvenir à se désendetter. Lassé d’enchaîner les jobs mal payés, Ricky achète une camionnette afin de devenir chauffeur-livreur à son compte, tout en étant embauché par une agence. Un nouvel emploi sur la base d’un « contrat zéro heure » qui va avoir des répercussions sur sa sphère familiale.

« Aujourd’hui, ces travailleurs sont les plus exploités de tous », estime Ken Loach qui ne veut pas employer le terme « esclave » à leur endroit. « Esclave invoque l’image de l’individu attaché aux chaînes. Dans le cas présent, l’employeur peut exploiter tant qu’il veut son employé, sans que celui-ci ne soit esclave de ces conditions. C’est tout le côté pervers de ce fonctionnement. » 

Chantre de l’anticapitalisme, Loach fait de la classe ouvrière le personnage récurrent et principal de son cinéma depuis cinquante ans. Cette fois, c’est la classe moyenne qu’il ausculte en tant que victime du système.   Bien que soudée, la cellule familiale encaisse difficilement le choc du bouleversement professionnel vécu par Ricky, censé améliorer son quotidien mais qui va au contraire le faire aller de mal en pis.

Des scènes fortes traduisent le désespoir qui grandit en chacun, portées par des interprétations d’une grande justesse des quatre acteurs non professionnels qui composent la famille, avec une mention particulière pour Katie Proctor qui incarne la fille du couple.     En résulte un « Ken Loach kenloachien », comme l’avait annoncé le délégué général du Festival Thierry Frémaux, mais qui impressionne par la capacité du réalisateur, éternel défenseur des classes laborieuses, à conserver à 82 ans son acuité d’observation d’une société en pleine évolution.

Dans la matinée, c’est un autre britannique, Lech Kowalski, qui a présenté dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs son documentaire consacré aux ex-salariés de GM&S, équipementier automobile d’une région ouvrière française, dont la lutte pour la sauvegarde de leur usine avait fait la Une de l’actualité pendant plusieurs mois, en 2017.  Pour l’occasion, une quarantaine d’entre eux a fait le déplacement depuis la Creuse (centre) grâce notamment à l’argent récolté avec une cagnotte lancée sur internet.

Pendant sept mois, Kowalski les a suivis dans leur lutte pour sauver les 277 emplois de leur usine en décrépitude. Caméra à l’épaule, il suit le groupe de salariés qui, jusqu’au bout, fait pression sur le gouvernement et les constructeurs automobiles qui ont délocalisé une partie de la production.  « On ne lâche rien, on n’y arrivera qu’ensemble », lance a plusieurs reprises l’un des leaders du mouvement, après les blocages des entrées des usines automobiles. L’annonce d’un repreneur n’offre que peu de répit aux métallurgistes, qui doivent ensuite se battre pour obtenir des indemnités supplémentaires pour les 157 licenciés.

Si pour les salariés le couperet est rude, le film montre aussi des scènes cocasses avec les forces de l’ordre, comme lorsque l’un d’eux se met à parler de sa passion pour la pêche à la carpe avec celui qui l’a délogé. Chaudement applaudis à la fin de la projection, les ouvriers, qui avaient revêtu leur blouse de travail, sont montés sur la scène, la gorge nouée d’émotion. Après avoir remis une palme confectionnée en boulon au cinéaste, ils en ont profité pour dire que « rien n’avait été fait » pour les licenciés et qu’ils se battraient pour ces derniers.

D.C avec AFP

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