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Akoya, la petite perle sacrée du Japon

avril 9, 2019 6:47, Last Updated: avril 9, 2019 6:48
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Dans un cabanon posé sur l’eau, des filets d’huîtres gisent au sol. Patiemment, un couple d’aquaculteurs japonais nettoient les coquilles, une par une, avant de les remettre à la mer. Dans quelques mois, ils les récolteront, à l’affût d’une belle perle nacrée. 

La baie d’Ago au Japon compte des dizaines de fermes spécialisées dans ces joyaux. Vue du ciel, c’est une succession de radeaux, entre littoral escarpé et chapelet d’îlots. C’est là qu’est née, à la fin du 19e siècle, la technique d’invention de la « perle de culture » qui essaimera ensuite dans le monde entier.

A cette époque, un natif de la région, Kokichi Mikimoto, s’inquiète de l’extinction des huîtres perlières, avidement ramassées pour tenter d’y trouver le rarissime trésor. Il a l’idée d’introduire un corps étranger dans la coquille du mollusque, pour imiter le processus naturel, quand un fragment de roche ou un grain de sable s’immisce à l’intérieur avant d’être recouvert, au fil des mois, par des couches de nacre finissant par former une perle.

Après de nombreux revers et une « marée rouge », prolifération d’algues toxiques qui décime ses bancs, apparaît un jour de juillet 1893 une perle semi-sphérique, attachée à la coquille. Malgré des critiques initiales, certains ne voyant là que de vulgaires répliques des perles naturelles, Mikimoto bâtit un empire mondial, et c’est son nom qui restera, même si d’autres Japonais, Tatsuhei Mise et Tokichi Nishikawa, sont crédités de l’invention des perles rondes, au début des années 1900.

Un siècle plus tard, le Japon est devenu une référence incontournable pour ses perles de petite taille (diamètre de 3 à 10 mm), baptisées Akoya. Depuis trois générations, la famille Sakaguchi vit de ce métier. Kusuhiro et Misayo, respectivement 73 et 68 ans, sont maintenant épaulés par leur fille, Ruriko. « Notre travail est de s’occuper au mieux des huîtres pendant 3 à 4 ans depuis l’élevage des jeunes coquilles, l’introduction du greffon, jusqu’à l’extraction de la perle », explique cette énergique petite femme de 43 ans, tablier et fichu sur la tête.

La récolte intervient en décembre, quand « la température de l’eau descend autour de 15 degrés ». Le labeur est ingrat: sur les 100.000 huîtres Akoya cultivées chaque année, la moitié meurent après l’opération, et sur la quantité restante, beaucoup ne produiront que des perles médiocres ou pas de perle du tout.  Au final, à peine 5% des perles produites, jugées de première qualité, seront en mesure de rejoindre les rayons des bijouteries haut de gamme.

De couleur blanche, crème et rosée ou bien vert clair, bleu et argent, les Akoya du Japon dominent le marché des perles d’eau de mer, avec une part d’un peu plus de 30% dans le monde (en valeur), face à des rivaux comme Tahiti, l’Indonésie, l’Australie, les Philippines ou la Birmanie. Au cours des dix dernières années, la production tournait autour de 20 tonnes par an, toutes régions de l’archipel confondues, pour un montant de 16,6 milliards de yens (environ 133 millions d’euros, au cours actuel) à la sortie des fermes, et un objectif officiel de 20 milliards à horizon 2027 (environ 160 millions d’euros).

« La clé réside dans l’existence d’une saison hivernale au Japon: c’est ce qui fait une meilleure brillance et la différence avec les perles du reste du monde », selon Yuichi Nakamura, vice-président du conseil de promotion des perles de la préfecture de Mie. Un temps, l’archipel a cru être menacé par l’arrivée de la concurrence chinoise. « Mais les Chinois se sont focalisés sur la quantité à travers les perles d’eau douce, tandis que nous avons mis l’accent sur la qualité pour rester dans la course », dit M. Nakamura.

A quelques centaines de kilomètres de là, dans le quartier huppé de Ginza, le magasin amiral de l’enseigne Mikimoto cultive sur plusieurs étages une ambiance feutrée. Sur un mannequin est exhibée une parure de perles hors de prix, mais la gamme de perles proposée est large, allant de plusieurs centaines d’euros à des millions.

Les perles de culture, « accessoires familiers que l’on a coutume d’offrir aux femmes qui vont se marier, sous forme de collier, de boucles d’oreille ou de bague », accompagnent aussi tous les grands moments de la vie au Japon, souligne le président de l’enseigne, Hitoshi Yoshida.

Une élégance et un savoir-faire nippons qui attirent des clients du monde entier, des Etats-Unis à la France en passant par la Russie, et surtout la Chine, qui fournit la moitié de la clientèle étrangère. Dans sa ferme de Shima, Ruriko Sakaguchi est bien loin de cet univers. Dans un archipel vieillissant, souffrant d’un exode vers les villes, les perliculteurs ne sont plus que quelques centaines: 680 en 2013, contre 3.760 au début des années 1960, selon les statistiques de l’Agence des pêches.

D.C avec AFP

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