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Bras de fer pour la préservation de la biodiversité

juin 28, 2016 17:00, Last Updated: juin 29, 2016 10:39
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Le 23 juin dernier, le projet de loi « pour la reconquête de la biodiversité » a été adopté par les députés de l’Assemblée nationale. Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, a déclaré lors de cette troisième lecture : « La biodiversité est non seulement essentielle à notre qualité de vie, mais désormais tout simplement à la survie de l’humanité ». Cette nouvelle loi doit encore être votée par le Sénat mi-juillet et ne devrait plus subir de changements majeurs. Plusieurs points ont largement transcendé le cadre du législateur. « La conscience de l’importance des pollinisateurs, par exemple, s’est imposée dans le débat public, et nous devons nous en réjouir », a ajouté la secrétaire d’État.

Une loi pour protéger et valoriser la biodiversité

Le projet de loi est articulé essentiellement autour de six titres. Le premier ambitionne de renouveler la vision de la biodiversité. En introduisant de la solidarité écologique, l’accent est mis sur la prévention des risques écologiques et l’affirmation du « préjudice écologique » de « pollueur-payeur ». Une des notions clés est la modification du code de la propriété intellectuelle avec l’autorisation d’échanges de semences non-inscrites au catalogue officiel. La notion de nuisances lumineuses a également été introduite.

Le deuxième axe propose la création du Conseil national de protection de la nature. Le troisième prévoit la mise en place d’une agence française pour la biodiversité qui sera parrainée par Hubert Reeves, astrophysicien et militant écologiste franco-canadien, président d’honneur de l’association « Humanité et Biodiversité ». Promesse électorale tenue par François Hollande, l’agence va œuvrer en faveur d’une meilleure préservation des espaces naturels. Selon Hubert Reeves : « Nous avons réussi à précipiter ce projet […] qui avait été constamment remis par le gouvernement ».

« En Europe, 60% des abeilles sauvages sont menacées d’extinction. »

-Étude Romina Rader

Dans le quatrième titre, l’accès aux ressources génétiques est garanti par l’introduction du dispositif d’accès et de partage de ressources. Les deux derniers articles sont entièrement consacrés aux espaces naturels, la protection des espèces et la protection des paysages.

Préservation des pollinisateurs trop tardive

Hormis la fondation d’Hubert Reeves, l’Union nationale des apiculteurs français (UNAF) ainsi que d’autres associations et organisations non gouvernementales (ONG) ont fait parvenir à la ministre de l’Écologie Ségolène Royal, une pétition pour l’interdiction des pesticides « tueurs d’abeilles ». Après avoir recueilli plus de 660 000 signatures, la pétition pour l’arrêt de l’utilisation des néonicotinoïdes, nocifs pour les insectes pollinisateurs, a reçu l’appui de la ministre qui a déclaré sur Europe 1 vouloir « mettre tout son poids dans la bataille ». Le ministère de l’Écologie avance en effet que 35% de la nourriture humaine nécessite l’intervention des pollinisateurs.

Les députés ont adopté l’interdiction des insecticides néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018 avec une possibilité de dérogation de portée générale jusqu’en 2020. Ségolène Royal a qualifié cette interdiction de « geste fort, avec du réalisme ». Ce qui n’est pas de l’avis de l’association Agir pour l’environnement, pour qui « la pression du lobby a une nouvelle fois payé ». Pour eux c’est « une décision qui revient à simuler une interdiction qui dans les faits n’adviendra que dans quatre longues années ». L’association Générations Futures déplore également que « ce sont un million deux cent mille colonies d’abeilles dont l’Assemblée nationale vient de décider froidement la disparition ».

D’ailleurs, d’après l’étude de Romina Rader de l’université d’Illinois, les autres pollinisateurs sont cruciaux pour la pollinisation. L’Europe compte à peu près 1 000 espèces d’abeilles sauvages dont plus de 60% sont menacées d’extinction, sans parler des guêpes et autres insectes vecteurs de pollinisation.

Les semences vectrices de la biodiversité

L’association Kokopelli qui œuvre pour la « libération de la semence et de l’humus » a déploré la modification de l’article 4 du 1er titre de la loi. Celui-ci devait à l’origine permettre l’échange et la vente entre jardiniers amateurs, de semences de variétés non inscrites au catalogue officiel. Après le passage à l’Assemblée, seul l’échange à titre gratuit a été retenu par les députés.

Aujourd’hui, le catalogue officiel des espèces et variétés propose des variétés qui répondent aux critères DHS (distinction/homogénéité/stabilité) qui détermine leur éventuelle commercialisation. Pour certaines associations, ce critère a réussi à évincer un grand nombre des variétés comestibles développées localement par les paysans. Selon l’ONU, 75% des variétés comestibles ont disparu en moins d’un siècle. Les variétés retenues sont souvent issues de l’ingénierie des semenciers et souvent infertiles par l’hybridation ou la modification génétique, ce qui oblige les agriculteurs à les racheter chaque année au lieu du replantage habituel.

Malgré cela la dépénalisation de l’échange des semences va permettre d’agir localement. Hubert Reeves explique son initiative « Oasis Nature ». Le militant écologiste propose le raisonnement suivant : « Bien sûr, vous ne pouvez rien faire pour la forêt d’Amazonie ou du Congo. Mais vous pouvez faire quelque chose si vous avez, à vous, des terrains, des territoires, sur lesquels c’est vous qui décidez ce que vous allez faire ». Pour Reeves, « on peut créer une Oasis Nature sur n’importe quelle surface que vous possédez : que ce soit un balcon, ou un grand domaine ». En utilisant l’image du petit colibri qui se bat contre le feu de forêt, chacun peut contribuer à sauvegarder un bout de biodiversité.

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