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Au Canada, le crime organisé infiltre les organes du gouvernement, alertent les services de renseignement

avril 22, 2022 21:18, Last Updated: avril 22, 2022 21:25
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Trente et un groupes du crime organisé (GCO) ont des membres qui travaillent dans divers organes du secteur public canadien ou dans les ministères. Six de ces GCO sont connus pour avoir une influence importante, selon un rapport récent du Service canadien de renseignements criminels (SCRC).

Le Rapport public de 2021 sur le crime organisé au Canada recense plus de 2 600 GCO dont on sait ou suppose qu’ils opèrent au Canada, et indique que 14 d’entre eux constituent des menaces de haut niveau à l’échelle nationale. Sept opèrent en Ontario, trois au Québec et en Colombie-Britannique, et un en Alberta.

Les GCO présentent des tendances communes, certains se constituent en bandes de motards hors la loi (BHML) ou en gangs de rue. Ils font la promotion des armes à feu, cultivent leurs réseaux mafieux, font du trafic de fentanyl ou de méthamphétamine, du blanchiment d’argent ou se spécialisent dans la cybercriminalité. Deux de ces GCO ont fait de l’infiltration du secteur public leur activité principale.

Le rapport prévient que le Canada figure parmi les pays les plus touchés par les ransomwares. Les entreprises, les hôpitaux, les services de police et les services publics à tous les niveaux en sont victimes.

« Les organismes d’application de la loi deviennent sont toujours plus ciblés. Le fait que les opérations policières sont divulguées, y compris certaines enquêtes criminelles, peut avoir des répercussions importantes sur la sécurité publique », indique le rapport.

La corruption, le blanchiment d’argent, le détournement de fonds, l’ingérence dans les enquêtes, le trucage des procès et les liens dissimulés avec les sphères judiciaires et politiques sont autant de sujets de préoccupations liées à l’infiltration du secteur public.

« Bien que l’infiltration du secteur public semble se produire principalement au niveau local et régional, les GCO peuvent en tirer profit pour des activités criminelles interprovinciales ou internationales », indique le rapport.

Sur les plus de 2 600 GCO recensées, 11 % sont impliqués dans l’infiltration du secteur public à des degrés divers, mais le SCRC soupçonne que le problème dépasse largement ses connaissances.

« Cela représente une vraie lacune en termes de renseignements et la proportion réelle est probablement plus élevée, car l’implication de près des deux tiers des GCO évalués dans ce secteur est inconnue. Parmi ceux qui le sont, certains ont des liens avec les municipalités grâce à des associés ou des relations personnelles dans les grandes villes canadiennes », indique le rapport.

Selon Vanessa Iafolla, directrice chez Anti-Fraud Intelligence Consulting, le gouvernement a pris plusieurs mesures qui aideront le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) à établir la coopération indispensable entre les organes gouvernementaux pour que la loi soit appliquée. Il s’agit notamment de l’Agence canadienne des crimes financiers que le gouvernement est en train de mettre en place, ainsi que le Registre de renseignements sur la propriété privée, qui sera accessible au public d’ici 2023.

« Un très bon point de départ, c’est l’amélioration des liens entre les provinces et le gouvernement fédéral pour les données du CANAFE. Je trouve curieux qu’un organisme qui se consacre spécifiquement au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme ne soit pas en mesure de communiquer avec d’autres organismes qui pourraient avoir les mêmes préoccupations. Et moi, ça me posait vraiment un problème », a déclaré à Epoch Times Mme Iafolla, qui est également professeur adjoint de criminologie à l’Université Saint Mary’s.

Selon Matthew McGuire, spécialiste de la lutte contre le blanchiment d’argent, le rapport expose un problème largement sous-estimé.

« Le Canada est bien classé dans les enquêtes sur la corruption et cela m’a toujours surpris, étant donné l’ampleur de la corruption que j’ai observée, en particulier dans des secteurs tels que la construction, les transports », a déclaré McGuire.

« C’est le premier de ces rapports à ma connaissance qui se focalise autant sur l’infiltration publique et privée. »

Exploités pour obtenir des contrats gouvernementaux

Selon le rapport du SCRC, les principales industries visées par l’infiltration du secteur public sont « les transports, la construction, les soins de santé, les produits pharmaceutiques, la gestion des déchets, l’application de la loi, la défense et les affaires internationales ». Le rapport fait mention à titre d’exemple d’accusations de corruption, de fraude et d’abus de confiance portées contre des entreprises de dépannage en Ontario en lien avec l’infiltration du secteur public.

Le rapport indique également que « les activités de corruption dans les processus gouvernementaux peuvent augmenter les coûts des projets jusqu’à 50 % », et que ce problème « augmente les coûts des biens et services publics, entraîne une mauvaise répartition des ressources publiques, affaiblit l’élaboration et la mise en œuvre des politiques, et mine la confiance du public dans le gouvernement et l’application de la loi. »

Mme Iafolla dit avoir vu des informations confidentielles sur une entreprise nationale s’occupant de la gestion des déchets, du recyclage et des ordures, qui illustrent comment la corruption peut affecter les opérations.

« Ils ont pu obtenir des contrats grâce à ce qui est suspecté, mais non prouvé, des liens de corruption via les marchés publics. Et donc, ils continuent à obtenir ces contrats. Même s’ils opèrent en tant qu’entreprise légitime, les procédures restent, à bien des égards, illégales. »

« En créant des décharges illégales, et en gérant les déchets de manière inadéquate, tout le processus pour que les déchets soient éliminés correctement n’existe pas. C’est donc très rentable pour cette entreprise. »

Le rapport dénombre 81 GCO associés à des entreprises logistiques et de transport, 71 à des entreprises de construction, et 25 liés à des services techniques, scientifiques et professionnels. Il avertit que les activités criminelles associées à ces industries font courir à ces entreprises « le risque d’être exploitées pour obtenir des contrats gouvernementaux » ou pour acquérir des informations privilégiées et sensibles.

Le rapport ajoute que « les relations familiales/romantiques et les avantages monétaires semblent être les principaux facteurs motivant la corruption et l’infiltration dans le secteur public au Canada ».

Selon M. McGuire, un membre d’un GCO ayant intégré un organisme public identifiera sans peine les personnes sur lesquelles il pourra faire pression grâce à des pots-de-vin, le chantage ou la menace. Il n’hésitera pas à donner l’avantage à certaines entreprises lors des appels d’offres du gouvernement en révélant des informations confidentielles sur les concurrents.

« C’est le moyen le plus sûr d’obtenir l’influence dont vous avez besoin. Avec un salaire de 80 000 dollars par an, vous pouvez manipuler les offres et comprendre les faiblesses de ceux qui lancent les appels d’offres. »

Les sanctions doivent être à la hauteur du crime

Le rapport indique que deux GCO qui ont infiltré le secteur public représentent une menace de haut niveau. Selon M. McGuire, documents du CANAFE à l’appui, ses deux enquêtes et les sanctions qui en découlent ne tiennent pas compte de l’ampleur des infractions.

« Lorsqu’ils imposent des pénalités, comme ils l’ont fait avec la Taiwanese Credit Union et récemment avec la Industrial Commercial Bank of China, le préjudice réel n’est pas lié à l’infraction ou à l’ampleur du blanchiment d’argent. Il s’agit bien plus d’un problème de respect des règles. »

« Les peines ne sont pas proportionnelles. On peut condamner un trafiquant de drogue à payer un demi-million de dollars, tout comme on condamnera une organisation criminelle transnationale à payer la même somme. Le [personnel du CANAFE] peut revoir les chiffres à la hausse de tout un tas de dossiers simples afin de donner l’impression que vous êtes un bon citoyen. »

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