ASIE / PACIFIQUE

L’horreur de la répression des Ouïghours : Cartographie des lieux de détentions de masse au Xinjiang

décembre 30, 2018 18:29, Last Updated: décembre 30, 2018 18:34
By JENNIFER ZENG

Le monde entier commence à se convaincre qu’une catastrophe humaine se produit dans la province du Xinjiang, dans l’ouest de la Chine, où un grand nombre d’Ouïghours et d’autres musulmans sont entassés dans des prisons et des camps de rééducation.

Comment documenter l’ampleur de ces détentions ?

Un dissident chinois a pu localiser 19 prisons et 15 camps de rééducation possibles dans la préfecture de Kashgar (officiellement connue sous le nom de préfecture de Kashi), dans le Xinjiang, grâce à des recherches et à l’exploration d’images satellites Google Earth, avec une capacité totale d’incarcération d’un demi million de personnes.

Li Fang, qui vit en exil en Finlande, a passé environ un mois à effectuer minutieusement une « recherche générale » et à « peigner » des images de Kashgar sur Google Earth, cherchant à étayer les allégations selon lesquelles plus d’un million de personnes pourraient être détenues dans les camps et les prisons de rééducation du Xinjiang, dans le cadre d’une répression massive lancée par le parti communiste chinois (PCC).

Près de 80% des Ouïghours du Xinjiang vivent dans le sud de la province. Parmi eux,  38%, soit plus de 4,2 millions, vivent dans le Kashgar, dans le sud-ouest du Xinjiang.

Ainsi, anticipe Li, l’étude approfondie de cette zone doit pouvoir donner au monde extérieur un angle de vue important sur la situation de tout le Xinjiang.

À l’aide de la fonction d’historique des données de Google Earth, Li a initialement constaté que plusieurs prisons des comtés de Shule et de Kargilik (ou Yecheng) avaient été considérablement agrandies depuis 2017.

Ensuite, il a décidé de « parcourir’ tous les comtés de Kashgar et a découvert 19 autres prisons. Si l’on compte également les sous-ensembles reliés à un établissement principal, le nombre monte à 27.

En cherchant et en étudiant ces prisons, Li a également découvert des anomalies dans certains bâtiments, groupes de bâtiments ou certaines écoles et constaté par exemple la présence de clôtures et de barbelés autour de ces endroits.

Après une étude minutieuse, Li a conclu qu’il devait s’agir de camps de rééducation. Il a trouvé environ 20 installations de ce type à Kashgar et a estimé que 15 d’entre elles étaient des camps possibles.

Li Fang. (Twitter)

Observation des prisons

Les critères utilisés par Li pour localiser les prisons ont été :

• Présence de murs épais, droits et fermants la zone;

• Présence de tours de guet plus hautes que les murs d’enceinte sur au moins deux des quatre coins de l’enceinte;

• Présence visible de chemins de ronde à l’intérieur et à l’extérieur des murs d’enceinte.

• Disposition très uniforme, et à distance des murs extérieurs, des bâtiments situés à l’intérieur des murs d’enceinte

• Absence de véhicules à l’intérieur des murs.

Grâce à ces critères, Li a non seulement été capable de localiser 19 prisons, mais aussi de voir le processus d’extension de certaines d’entre elles à l’aide des données historiques de Google Earth.

Par exemple, à environ 8km à l’ouest du comté de Yarkant (grille géographique: N: 38 ° 24’47 ”. E: 77 ° 08’54”), une prison construite avant 2007 est visible, couvrant une superficie d’environ 1,6 hectares et avec des bâtiments ayant une capacité estimée à 7500 m2.

L’image de la même prison donnée par Google Earth en 2014 montre que celle-ci a été agrandie, doublant de surface. Dans les zones ajoutées, les nouveaux bâtiments ont une capacité de 12 000 m2 ; deux nouveaux bâtiments ont aussi été créés dans l’ancienne zone, avec une capacité de 3000 m2.

Le 21 octobre 2017, une image Google Earth montre une superficie supplémentaire de 4 hectares et des bâtiments d’une capacité de 24 000 m2, tandis qu’une image du 8 mai 2018 montre l’ajout d’une nouvelle zone de 1,5 hectares, avec un nouveau bâtiment d’une capacité de 10 000 m2.

Ainsi, en mai 2018, la superficie totale de cette prison était de 8,5 hectares, dont les bâtiments avaient une capacité estimée à 58 000 m2.

Et les images de Google Earth indiquent que l’installation est toujours en cours d’agrandissement.

Observation des camps de rééducation

Les critères utilisés par Li pour localiser les camps de rééducation ont été :

• Zone entourée par des murs de clôture et des barbelés ;

•  Présence de barbelés ou de clôtures en fer à l’intérieur des camps, qui divisent le groupe de bâtiments en plusieurs zones distinctes;

• Existence d’installations semblables à des centres de surveillance dans les zones;

• Absence ou quasi-absence de véhicules;

• Apparition des caractéristiques sus-mentionnées après 2017.

En utilisant ces critères, Li a pu localiser 15 camps de rééducation possibles à Kashgar.

Un possible camp de rééducation de la préfecture de Kashgar, province de Xinjiang, 4km à l’est de la ville de Shule, identifié par Google Maps. (Google Maps via Li Fang’s Twitter)
Par exemple, à environ 4 km à l’est de la ville de Shule (grille géographique: N: 39 ° 24 ′ 27 « . E: 76 ° 05 ’38 »), il existe un camp de rééducation possible.

Une image satellite de février 2016 montre que la zone ressemble à une école, qui couvre une superficie d’environ 3,5 hectares, avec une capacité de construction estimée à 12 000 m2.

Lorsqu’on suit l’historique des données cartographiques, une expansion du site est visible à partir d’août 2016. En juillet 2017, certains bâtiments au toit bleu ont été ajoutés et la densité de bâtiments devient assez élevée. En novembre 2017, l’expansion dans la zone périphérique commence et de nombreuses maisons autour du site sont démolies.

L’agrandissement a été achevé en septembre 2018. À ce stade, la superficie totale était d’environ 5 hectares, avec une surface de bâtiments estimée à 50 000 m2.

M. Li explique que cette soudaine expansion a commencé après l’intronisation du secrétaire actuel du PCC du Xinjiang, Chen Quanguo – l’homme considéré comme responsable de l’intensification de la répression contre les Ouïghours.

Les bâtiments à l’intérieur de la zone sont très proches les uns des autres. Il y a non seulement des murs de clôture à l’extérieur du camp, mais de nombreux murs de séparation à l’intérieur. De nombreuses installations ressemblant à des vigies peuvent également être vues à l’intérieur, ce qui laisse fortement penser que le lieu est devenu un camp de rééducation.

Une production de ciment en hausse

Les chiffres de la production de ciment corroborent l’hypothèse de la construction de prisons et de camps de rééducation dans le Xinjiang : Selon le Bureau national des statistiques chinois, la production de ciment en Chine a diminué de 0,2% en 2017 par rapport à 2016. Cependant, la production de ciment dans le Xinjiang a augmenté d’environ 13% la même année, ce qui représente le taux de croissance le plus élevé parmi les 31 provinces et villes sous contrôle direct du gouvernement central.

Alors que la production mensuelle de ciment chutait de 2,2% pour l’ensemble de la Chine, elle bondissait d’environ 65% au Xinjiang, plus forte croissance nationale, loin devant la province du Liaoning, deuxième avec 17% de croissance.

Soudaine augmentation de la production d’acier

La production d’acier au Xinjiang suit une courbe similaire, explique Li. Alors qu’elle était en baisse depuis que Xi Jinping a pris le pouvoir en 2012 (à l’exception de 2016, année où il a connu une légère hausse),  la production d’acier du Xinjiang a bondi de près de 28% en 2017, avec une croissance d’environ 43% en décembre.

Selon Li, les augmentations soudaines et concomitantes de la production de ciment et d’acier sont les marqueurs directs de l’expansion et de la construction à grande échelle de prisons et de camps de rééducation dans le Xinjiang.

Conclusions

En additionnant la capacité totale de renforcement des prisons et des camps de rééducation, Li est parvenu aux conclusions suivantes:

• La capacité totale estimée des bâtiments dans les 19 prisons est de 1 400 000 mètres carrés, dont plus d’1 million ont été construits après 2017, ce qui représente 75% du total.

• La capacité de construction totale estimée dans les 15 camps de rééducation possibles est de 1,1 million de mètres carrés. Et, à l’exception d’un camp, ils sont tous apparus après octobre 2016, deux mois après l’entrée en fonction de Chen Quanguo au Xinjiang.

• Les critères ci-dessus ne permettent pas de localiser les prisons plus discrètement cachées à l’intérieur d’ensembles immobiliers. Par conséquent, le nombre réel de prisons pourrait être beaucoup plus élevé.

• Les camps de rééducation cachés à l’intérieur de grands bâtiments fermés, tels que les grands marchés, les bâtiments pré-fabriqués, les installations souterraines ou les abris anti-bombes, ne peuvent pas être détectés avec les moyens décrits ci-dessus. Par conséquent, le nombre réel de camps de rééducation pourrait être beaucoup plus élevé.

• La capacité totale des 19 prisons et des 15 camps de rééducation est de 2,5 millions de mètres carrés. Selon les normes de Hong Kong, la surface mobilisée pour chaque prisonnier est de 4,66 mètres carrés. Le standard chinois est inconnu. Cependant, en utilisant une superficie moyenne de cinq mètres carrés, les 2,5 millions de mètres carrés de bâtiments pénitentiaires de la seule préfecture de Kashgar peuvent contenir un demi-million de personnes.

• Si un demi-million de personnes sont emprisonnées à Kashgar, cela signifie que 12% de la population totale de cette région se trouvent dans des prisons ou des camps de rééducation. Si 12% de la population du Xinjiang se trouvent dans des prisons ou des camps de rééducation, cela équivaudrait à 1,36 million de personnes en détention.

Tableaux d’information sur les prisons dans la Préfecture de Kashgar. (Screenshot/Li Fang Facebook)
Tableaux d’information sur les camps de rééducation dans la Préfecture de Kashgar. (Screenshot/Li Fang Facebook)

Version originale

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