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« C’est comme si on m’avait enterrée vivante » : une journaliste australienne révèle sa vie dans une prison chinoise

La journaliste australienne Cheng Lei a passé près de trois ans en Chine pour avoir enfreint une clause de confidentialité.
octobre 20, 2023 1:26, Last Updated: octobre 20, 2023 1:26
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La journaliste australienne d’origine chinoise, Cheng Lei, a été emprisonnée pendant près de trois ans en Chine, accusée de ne pas avoir respecté une clause de confidentialité. Elle a donné sa première interview, accordée à son retour à Melbourne, le 11 octobre dernier

Mme Cheng, 48 ans, était journaliste économique pour la chaîne de télévision publique chinoise en langue anglaise CGTN lorsqu’elle a été arrêtée le 13 août 2020, puis accusée d’avoir transmis des secrets de sécurité d’État à l’étranger. Les médias d’État chinois ont prétendu qu’une institution étrangère l’avait recrutée.

Mme Cheng a nié les allégations portées contre elle.

« Communiquer des secrets d’État à l’étranger » fait partie d’une des trois accusations vagues auxquelles le Parti communiste chinois (PCC) a souvent recours pour arrêter et poursuivre en justice toute personne qu’il considère comme une menace contre le régime.

Dans le cas présent, Mme Cheng a révélé que son arrestation et sa détention étaient dues au fait qu’elle n’avait pas respecté les conditions d’une clause de confidentialité médiatique de quelques minutes seulement.

Ce type d’accord entre un journaliste et un gouvernement ou une entreprise prescrit toute publication d’informations jusqu’à une date convenue.

« En Chine, c’est un gros péché. Vous avez fait du tort à la patrie. Et l’autorité de l’État s’est érodée à cause de vous », ironise-t-elle lors de son entretien avec Sky News Australia le 17 octobre, ajoutant que « ce qui nous semble inoffensif ici ne l’est pas en Chine ».

Elle a expliqué que le jour de son arrestation, une personne « très haut placée » de son entreprise l’a convoquée à une « réunion cruciale », au cours de laquelle un fonctionnaire a montré son badge et lui a dit : « Vous êtes recherchée. »

« Immédiatement, on m’a pris mes affaires et on m’a escortée jusqu’à mon appartement », a-t-elle déclaré.

Là, elle s’est préparé un sandwich au fromage grillé et à l’avocat ; sans le savoir, elle n’aurait plus jamais le droit d’en manger pendant les trois années suivantes.

Enterrée dans le silence

Cette femme de Melbourne (sud de l’Australie), mère de deux enfants, a ensuite été détenue dans une prison chinoise pendant deux ans et onze mois. Elle a expliqué avoir été incarcérée pendant les six premiers mois dans un « centre de surveillance résidentiel en lieu désigné » (RSDL), où elle était détenue seule dans une pièce et surveillée 24 heures sur 24.

Les RSDL sont des réseaux de prisons où les personnes secrètement « disparues » par le PCC sont emmenées sans décision de justice ; à l’intérieur, les victimes sont souvent soumises à des interrogatoires et à des privations de sommeil.

« C’est pour que vous vous sentiez isolé, sans rien à faire, mal en point et au bout du rouleau », a-t-elle déclaré.

Au cours des cinq premiers mois d’isolement, elle a pu lire des livres et même écrire ; mais ces dispositions ont été supprimées lors de son dernier mois, si bien qu’elle est restée assise dans sa petite pièce sombre tous les jours.

« Ils prétendent m’avoir donné 15 minutes d’air frais tous les hours, mais tout ce qu’ils ont fait c’est ouvrir une fenêtre au niveau du plafond avec les rideaux toujours tirés », a déclaré Mme Cheng.

« Il n’y avait que le silence. J’avais l’impression d’être enterrée vivante. »

Pour s’en sortir, elle a traduit des poèmes, échangé avec son compagnon, Nick Coyle, et s’est inventé une station de radio qu’elle a appelée « Cercueil FM » dans son esprit.

Mais au bout de six mois, elle a été transférée dans une autre prison, cette fois-ci avec des codétenus, dont l’un avec lequel elle a amélioré son cantonais.

« J’ai également essayé d’apprendre l’italien, l’espagnol et un peu de japonais », explique-t-elle.

« J’ai accumulé une réserve de plus de 200 livres. J’avais l’habitude de me dire : « Wow, c’est un livre que Nick a choisi avec amour pour moi et qu’il a tenu dans sa main ».

« Je caressais le livre et le gardais près de moi. Et quand il y avait des mots sages ou encourageants, j’avais l’impression que c’était lui qui les avait écrits ».

Elle ajoute que la nourriture était basique et qu’à son retour en Australie, elle s’est « empiffrée » et s’est laissée tenter par du champagne. « J’apprécie tout de manière si intense et je savoure ».

« Chaque fois que je regarde le ciel, je n’en reviens pas… il est à 360 degrés, et non plus un simple petit bout de lumière en haut de la cellule », dit-elle.

Parfois, elle se sent « faible, comme un nouveau-né et très fragile, alors qu’à d’autres moments, j’ai l’impression de pouvoir voler et de vouloir tout embrasser ».

Avec le recul, elle pense que son traitement en prison a changé à partir du moment où le nouveau gouvernement australien a été élu, en 2022 et après qu’il a stabilisé les relations du pays avec la Chine, qui étaient jusque-là très difficiles.

L’Australie a réclamé à plusieurs reprises le retour de Mme Cheng

Sa libération intervient après que le gouvernement australien a soulevé l’affaire à plusieurs reprises lors de réunions ministérielles avec des responsables du PCC.

Le premier ministre australien, Anthony Albanese a déclaré :

« Elle a passé trois ans dans des circonstances difficiles. Je lui ai parlé de son récent message au peuple australien. C’est une personne puissante et résistante. Lorsque je lui ai parlé, elle était ravie d’être de retour à Melbourne ».

Mme Cheng a publié un court message en ligne le 11 octobre : « Des étreintes serrées, des cris déchirants, en tenant mes enfants dans les bras sous le soleil du printemps. Les arbres frémissent sous l’effet de la brise. Je peux voir l’intégralité du ciel maintenant ! Merci l’Australie ».

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