« Quand j’ai trop froid, je marche », explique Kamel, 62 ans, qui dort dans les rues parisiennes depuis six mois. Il n’a pas réussi dernièrement à joindre le 115, la ligne téléphonique dédiée aux sans-abris, débordée en ce début d’hiver.
Assis seul à un Abribus, dans une rue quasi-déserte du VIIe arrondissement, il accepte que les bénévoles de la Croix-Rouge, en maraude en cette soirée hivernale, appellent pour lui le service d’hébergement d’urgence.
« Les délais d’attente au téléphone sont longs, ça peut aller de 20 minutes à une heure, ce qui peut décourager les personnes », explique Jean Garcin, 31 ans, qui parcourt ce soir-là, avec deux autres bénévoles de la Croix-Rouge, les rues de ce quartier cossu de la capitale.
Il parvient à joindre le service, qui dispose d’une place dans un centre vers la Porte d’Orléans, dans le sud de Paris. « Bonne nouvelle, tu es enregistré, ils t’attendent avant minuit », annonce-t-il à Kamel qui se réchauffe les mains autour d’un gobelet de café.
Les maraudeurs, qui font le tour de l’arrondissement deux soirs par semaine, discutent avec lui encore un moment avant de rejoindre leur camionnette, dont le coffre est rempli de thermos, produits d’hygiène mais aussi de paquets cadeaux colorés.
« On cherche à répondre aux besoins d’urgence et à créer du lien social », explique à l’AFP Margot Malpel, 21 ans, en charge de la maraude de ce soir.
« En ce moment, on rencontre beaucoup de monde, des habitués et des nouvelles personnes », ajoute-t-elle.
Comme Oliver, assis sur son sac, adossé à un immeuble du boulevard de La Tour-Maubourg.
Coiffé d’un béret, ce trentenaire anglophone accepte avec reconnaissance le pull en polaire que lui tend Margot. « Il est vraiment bien », approuve-t-il en l’enfilant directement avant de remettre sa veste légère. Il profite également d’une soupe fumante pendant que les bénévoles appellent le 115 pour lui.
Au bout du fil, on prend note de son identité et de son emplacement. On assure qu’une équipe du Samu social viendra à sa rencontre cette nuit pour évaluer sa situation et l’amener éventuellement à un centre d’hébergement, mais sans indiquer d’ici combien de temps.
Quelque 200.000 places d’hébergement d’urgence sont ouvertes pour pallier les besoins en France cette année, dont près de la moitié en Île-de-France.
Le gouvernement a récemment réquisitionné des lieux, notamment à Paris, pour créer des places supplémentaires et a appelé les chefs d’entreprise à mettre à disposition leurs locaux inutilisés.
Mais toutes les personnes sans domicile ne cherchent pas une place au sein d’un hébergement d’urgence. Certains y ont notamment renoncé à la suite d’une mauvaise expérience.
C’est le cas par exemple de Nando, qui préfère dormir avec plusieurs connaissances, à l’entrée du RER de la gare du musée d’Orsay, alors qu’il fait environ 7 degrés dehors.
« Lorsque les températures étaient autour de zéro, c’était difficile, là, on s’en sort, même si ce n’est pas évident », confie cet homme coiffé d’un bonnet noir, dans l’attente d’un logement social depuis trois ans.
Les passants sont encore nombreux, il patiente avant de pouvoir s’installer pour la nuit.
En cette période de fêtes de fin d’année, les bénévoles de la Croix-Rouge lui remettent l’une des boites cadeaux, contenant une gourmandise, un loisir (magazine, jeu de cartes…) et un vêtement chaud. « Super, c’est gentil, je vais partager avec les copains », dit-il avec un sourire.
Au cours de cette soirée, les bénévoles rencontreront une quinzaine de personnes, principalement des hommes seuls, mais aussi deux couples.
Dans certaines villes, les associations constatent également la présence dans la rue de familles avec enfants, parfois en bas âge.
« La situation est assez préoccupante, les besoins sont grandissants », commente auprès de l’AFP Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française.
« Toutes les solutions qui permettent de passer l’hiver sont les bienvenues, mais il faut aussi conduire un travail de moyen-long terme, construire une politique sociale à partir du logement d’abord », estime-t-il.
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