« Il y a un manque d’humanité chez ceux qui nous gouvernent » – Ivan Rioufol

19 avril 2025 Esprit de Liberté

Ivan Rioufol est journaliste, éditorialiste et essayiste. Il a passé l’essentiel de sa carrière au Figaro et intervient régulièrement sur CNews et Europe 1.

Au cours de notre entretien, il a évoqué plusieurs sujets comme la guerre en Ukraine, l’état de la démocratie et des libertés publiques en France, la crise franco-algérienne, l’immigration, le radicalisme islamique, le communautarisme et les risques de séparatisme.

S’il se « désole du sort des Ukrainiens qui ont été vaillants et tout à fait héroïques dans leur défense », Ivan Rioufol juge toutefois qu’« Emmanuel Macron et l’Europe jouent un jeu dangereux en mettant des bâtons dans les roues » du processus de paix « lent et compliqué » amorcé par la nouvelle administration américaine.

Un État régalien défaillant

D’après lui, le chef de l’État tire d’ailleurs habilement parti du conflit entre l’Ukraine et la Russie pour occulter la situation intérieure en France, notamment l’incapacité de l’État à protéger ses citoyens en proie à une insécurité grandissante ou à réguler l’immigration.

« Les Français sont abandonnés par un État qui brandit son sabre de bois pour faire des guerres à l’extérieur, mais qui laisse faire ceux qui se sont installés sur notre sol, souvent sans y être invités, et qui nous font la guerre, qui nous font la guerre même à travers leurs enfants », estime ainsi l’essayiste.

Selon Ivan Rioufol, en renonçant à lutter contre l’expansion du communautarisme sous couvert d’antiracisme et « au prétexte de ne pas faire le jeu du Rassemblement national », les pouvoirs publics font preuve d’une faiblesse et d’un « aveuglement volontaire » qui fragilisent la cohésion nationale.

Une analyse qui fait d’ailleurs écho au discours du vice-président américain J.D. Vance, qui a récemment mis en garde le Vieux Continent contre le risque de « suicide civilisationnel » qui le menacerait désormais.

Partageant le constat du bras droit de Donald Trump, Ivan Rioufol considère que le multiculturalisme « affaiblit les cultures » et « devient multi-conflictuel ».

« Nous vivons dans les désastres de cette société ouverte, de cette société à la Soros, de cette société qui nous a été vendue, parce que multiculturelle, comme étant l’aboutissement de l’enrichissement de toutes les cultures », souligne-t-il.

Baigné de nostalgie au souvenir de la France des années 1960 et 1970, l’éditorialiste estime que le pays a depuis connu un déclin considérable.

« On ne parle du vivre-ensemble que depuis que l’on ne vit plus ensemble. J’ai connu cette période bénie où la liberté d’expression était totale et où les Français se sentaient encore chez eux, où ils apprenaient l’histoire de France, où les écoles transmettaient une culture commune, déclare-t-il. Aujourd’hui, même l’Éducation nationale se demande si elle doit transmettre la culture française ou la culture des minorités, si c’est bien le français qu’il faut apprendre ou la langue des nouveaux arrivants. »

Un délitement progressif des libertés publiques

Très investi dans la préservation des libertés publiques lors de la crise du Covid, période durant laquelle il avait vigoureusement dénoncé la mise en place du passe sanitaire, Ivan Rioufol s’inquiète d’un délitement progressif de notre démocratie et fustige une « dérive totalitaire » au pays des Droits de l’homme.

« Nous assistons de plus en plus à un étatisme envahissant et à une diabolisation des oppositions. Voyez quand même la manière dont des chaînes très populaires, C8 et NRJ12, ont été éjectées du réseau parce qu’elles déplaisaient au pouvoir, c’est quand même un truc ahurissant », observe l’ancien chroniqueur du Figaro.

« À chaque fois, à chaque pas, la démocratie française, qui devrait être exemplaire, non seulement recule mais laisse la place aujourd’hui à des discours autoritaires, autoritaristes en tout cas, parce que malheureusement l’État manque singulièrement d’autorité, c’est-à-dire qu’il est autoritaire contre le peuple ordinaire mais manque d’autorité envers cette contre-société qui essaie de s’établir avec ses normes, ses cultures et ses idéologies singulièrement son idéologie islamiste et qui cherche à subvertir la France et sa culture millénaire », poursuit-il.

Le « coup d’État des réalités »

S’il se dit « désespéré de voir l’état dans lequel se trouve la France aujourd’hui, désespéré également de la passivité d’un peuple qui a été terrorisé » par un pouvoir qui n’a pas hésité à instrumentaliser les crises survenues ces dernières années pour renforcer sa mainmise sur la société, Ivan Rioufol se veut néanmoins « très optimiste » pour l’avenir, estimant que les idéologies à l’origine des maux qui frappent la France depuis cinquante ans sont sur le point d’être balayées par « le coup d’État des réalités ».

« Je vois advenir cette révolution du réel, cette révolution du bon sens qui oblige aujourd’hui, par la force des choses, par la force des évidences, à faire le procès de tous ces idéologues, ces vendeurs de nuages qui n’ont pas vu quels étaient les désastres de leurs idées, peut-être très généreuses et très brillantes sur le papier mais qui, appliquées dans la réalité, sont des désastres, tout simplement des désastres. »

Et Ivan Rioufol de conclure: « Nous sommes aujourd’hui dans ce monde faux qui est sommé par les réalités de reconnaître ses fautes. »