L’écart entre classes s’agrandit et menace la société chinoise

17 juin 2015 17:27 Mis à jour: 27 octobre 2015 11:13

 

Au tournant du 20e siècle, la Chine était encore un empire, dirigé par une petite élite qui contrôlait l’écrasante majorité des richesses et du pouvoir et maintenait la foule de paysans au seuil de la subsistance. Récemment, l’intellectuel chinois Zi Zhongyun faisait observer : « C’était il y a 100 ans et il n’y a pas d’amélioration depuis – Cixi est toujours au sommet et les Boxers à la base. » Il faisait ainsi référence à l’Impératrice douairière Cixi, qui dirigeait la Dynastie Qing et aux millions de Chinois démunis qui ont à un moment tenté de se révolter.

L’observation est pertinente : en dépit des promesses fondatrices du Parti communiste chinois, aucune transformation véritable de la structure sociale en Chine n’a eu lieu et l’élite contrôle toujours la vaste majorité des richesses, tandis que la classe moyenne est relativement minuscule.

La transformation sociale entend une transformation de la politique, de l’économie et de la structure des classes sociales et doit s’accompagner de modifications des schémas de consommation et de production, des comportements culturels, des valeurs et ainsi de suite. Les économies développées reposent sur une classe moyenne large – qui n’existe justement pas en Chine.

Au début de la période de réforme et d’ouverture, Deng Xiaoping avait promis au peuple une société modérément prospère. Jusqu’à 10 ans avant le début de ce siècle, le but du régime était de construire une société en forme d’olive avec la classe moyenne au centre. De nombreux projets nationaux ont été fondés sur cette perspective. Mais toutes ces propositions ont lentement disparu de la propagande officielle en moins d’une décennie.

Selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2013, près de 300 millions de Chinois dépensent 1 dollar (0,89 euro) ou moins par jour. Ajouté aux 303 millions de personnes de la classe moyenne inférieure (selon les estimations de la Banque asiatique de développement), les pauvres de Chine comptent pour presque la moitié de la population (qui inclut les 200 millions de chômeurs, selon l’ancien Premier ministre Wen Jiabao). La situation empire aussi. Avec le retrait des capitaux étrangers et une récession de plus en plus marquée de l’économie réelle, 124 millions de personnes supplémentaires perdront probablement leur emploi. es pauvres de la « classe moyenne inférieure » de Chine représenteront lors plus de 60 % de la population.

Lorsque les gens mentionnent le nombre de milliardaires en Chine, il est important de garder ces chiffres à l’esprit qui démontrent brutalement l’échec du projet de restructuration des classes.

La raison derrière cela est simple : l’absence totale de répartition équitable des bénéfices de l’extraordinaire croissance économique extraordinaire. Ceci est lié aux problèmes enracinés du système juridique, de la structure régulatrice et la manière dont tous les coûts et profits dans la société sont répartis. Dans les économies de marché modernes, la distribution des revenus se fait entre les travailleurs, les employeurs et l’État-Parti.

Le double problème de la Chine

Pour commencer, la part des richesses revenant aux travailleurs a décru. Cela est connu depuis des années. Zhang Jianguo, un responsable de la Fédération nationale des syndicats de Chine a déclaré dans un enregistrement que la rémunération du travail chinois a chuté depuis qu’elle avait atteint un pic de 56,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 1983. Elle représentait 36,7 % du PIB en 2005, une chute de près de 20 % en deux décennies. Le ministère des Finances conteste ces données et l’Académie chinoise des sciences sociales a déclaré en 2013 que les chiffres étaient proches de 50 % en 2004 et de 45 % en 2011 (en comparaison, aux États-Unis, le taux était de 58 à 60 % ces dix dernières années). Cette proportion est un déterminant direct de la richesse relative des travailleurs.

Ensuite, les rendements dus aux capitaux ont dépassé la norme. Lors du même entretien, Zhang Jianguo a déclaré que le retour sur capital de 1978 à 2005 a été de près de 20 % (bien qu’il n’existe pas de données complètes pour ces chiffres). Le Centre chinois pour la recherche économique de l’Université de Pékin estime qu’entre 1998 et 2005, le retour sur capital est passé de 6,8 à 17,8 %.

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Les chercheurs pensent généralement que cela est dû au fait que les dépenses du régime ont été déployées pour améliorer le retour du capital, l’allocation initiale des capitaux ayant été lourdement déterminée par la politique des autorités et un capitalisme de copinage qui a permis aux personnes proches du pouvoir de s’attribuer des profits massifs, tandis que les bénéfices des petites et moyennes entreprises ont lourdement diminués.

Tout le monde en Chine sait comment cela fonctionne : le nombre de fonctionnaires corrompus augmente chaque année, les pots-de-vin deviennent énormes et les projets, les promotions et les actions dans les entreprises sont utilisés pour acheter les responsables. Ces responsables utilisent ensuite leur pouvoir politique pour protéger les profits excessifs des industries dont ils reçoivent de l’argent. À côté de cela, les hommes d’affaires ordinaires et respectueux de la loi rencontrent des difficultés, diminuant l’efficacité entière de la société, ce qui biaise encore la distribution des richesses.

Les données du Rapport sur les moyens d’existence des Chinois publié en 2014 par le Centre chinois de recherche sur les sciences sociales de l’Université de Pékin sont révélatrices. En 2012, le coefficient Gini – une mesure de distribution des richesses – des richesses nettes des ménages en Chine était de 0,73. Cela signifie que 1 % des foyers contrôle plus d’un tiers des richesses du pays entier alors qu’à la base, 25 % en contrôlent seulement 1 % environ.

De toute évidence, la classe moyenne a été supprimée. Deux conditions sont requises pour changer ce fait : des emplois développés doivent être créés (la fluctuation des travailleurs migrants à faibles revenus a peu d’impact sur la population de la classe moyenne) et les salaires doivent augmenter. Rien de cela ne s’est produit. Au lieu de cela, les plans de carrière prometteurs sont de plus en plus rares et difficiles à obtenir et l’élite est sélectionnée en fonction de la lignée. Ce manque de dynamisme corrompra inévitablement la qualité de la classe sociale dominante, créant davantage d’injustices sociales.

Ces tensions se sont récemment révélées publiquement lorsqu’un agent de police a abattu un homme appelé Xu Chune dans une gare de la ville de Qing’ an, dans le nord-est de la Chine. Avant que les faits de l’affaire ne soient éclaircis, la majorité du public s’est positionné instinctivement aux cotés de Xu Chune, révélant leur rage envers la privation généralisée des droits civils en Chine et plus encore l’écart entre les classes qui siège au cœur de la société.

He Qinglian et une auteur et économiste chinoise. Vivant actuellement aux États-Unis, elle a écrit China’s Pitfalls, qui révèle la corruption dans la réforme économique de Chine des années 1990 et The Fog of censorship : Media control in China, qui parle de la manipulation et de la restriction de la presse. Elle écrit régulièrement sur les questions sociales et économiques de la Chine contemporaine.

 

Version originale : China Has a Massive Class Problem, and It’s Not Getting Any Better

 

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