DONALD TRUMP

Les affaires judiciaires contre Trump décryptées

août 4, 2023 11:33, Last Updated: août 4, 2023 16:03
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L’ancien président Donald Trump est candidat à la Maison-Blanche alors qu’il fait l’objet de trois inculpations et d’une enquête pénale supplémentaire. Jamais auparavant un ancien président n’avait fait l’objet d’une inculpation pénale – et encore moins un candidat de premier plan dans une nouvelle course à la présidence.

Alors que l’enquête en cours se rapproche d’une éventuelle inculpation et que les personnes inculpées sont proches d’un procès, M. Trump a promis à plusieurs reprises qu’il poursuivrait sa campagne même s’il était condamné.

Les documents de la défense



L’affaire la plus étayée à ce jour concerne la conservation par M. Trump de documents relatifs à sa présidence. Le procureur spécial Jack Smith a inculpé M. Trump et deux de ses employés de 37 chefs d’accusation, notamment de rétention illégale d’informations relatives à la défense nationale, d’obstruction au gouvernement et de mensonge au gouvernement.

Le procès est prévu pour mai 2024, mais certains observateurs juridiques s’attendent à d’autres retards.

L’affaire remonte au départ de M. Trump de la Maison Blanche en janvier 2021. Ses affaires et certains documents datant de son mandat ont été emballés dans des cartons et expédiés à sa résidence de Mar-a-Lago, à West Palm Beach, en Floride.

L’acte d’accusation affirme que c’est à ce moment-là que M. Trump s’est rendu coupable de 31 chefs d’accusation de rétention illégale d’informations relatives à la défense nationale, puisqu’il a « initié » le transfert des cartons. Bien que ce crime, en vertu de la loi sur l’espionnage, nécessite une intention criminelle, aucune preuve n’a été apportée jusqu’à présent que M. Trump savait que les 31 documents en question se trouvaient dans les cartons.

Il semble que M. Trump pensait pouvoir examiner le contenu des boîtes à son rythme et conserver ce qu’il jugeait personnel. Cependant, la National Archives and Records Administration (NARA) était d’un avis différent ; elle a exigé la restitution de tous les documents présidentiels dans les plus brefs délais.

Documents saisis lors du raid du 8 août par le FBI dans le domaine Mar-a-Lago de l’ancien président Donald Trump à Palm Beach, en Floride, sur une photo publiée le 30 août 2022. (FBI via Epoch Times)

En vertu de la loi sur les archives présidentielles (Presidential Records Act), tous les documents officiels du président doivent être remis à la NARA, et les anciens présidents ne sont autorisés à emporter que des objets personnels tels que des journaux et des objets qui n’étaient pas destinés aux affaires officielles du gouvernement. Le problème est que la loi ne prévoit pas de mécanisme d’application.

En 2012, lorsque Judicial Watch a tenté d’obliger l’ancien président Bill Clinton à remettre des dizaines d’enregistrements d’entretiens qu’il avait conservés pendant sa présidence, M. Clinton a prétendu qu’il s’agissait d’enregistrements personnels, et le tribunal lui a donné raison. La juge Amy Berman Jackson, nommée par le président Barack Obama, a fait valoir que la Cour n’avait aucun moyen de remettre en question le point de vue d’un président sur ce qui est ou n’est pas personnel.

« Étant donné que le président est entièrement chargé de la gestion et même de la destruction des dossiers présidentiels pendant la durée de son mandat, il serait difficile pour cette Cour de conclure que le Congrès a voulu qu’il ait moins d’autorité pour faire ce qu’il veut avec ce qu’il considère comme ses dossiers personnels », a écrit la juge Jackson.

M. Trump a cité à plusieurs reprises cette affaire et la décision de justice pour justifier le fait qu’il avait le possibilité de conserver tous les documents qu’il souhaitait en tant qu’ancien président. Cependant, il fait face aux accusations en Floride, où l’affaire ne constitue pas un précédent déterminant.

M. Trump a envoyé 15 boîtes de documents au NARA en janvier 2022. Le NARA a alors saisi le ministère de la Justice (DOJ) après avoir constaté que certains des documents portaient des marques de classification. Peu de temps après, le DOJ a ouvert une enquête.

Le 11 mai 2022, le DOJ a obtenu une citation à comparaître qui a contraint M. Trump à remettre tous les documents portant des marques de classification, y compris les fichiers électroniques, de Mar-a-Lago.

Certains avocats de la défense et d’anciens procureurs ont fait valoir que M. Trump aurait dû contester la citation à comparaître, la jugeant trop large. L’assignation ne précisait pas si elle concernait uniquement les originaux ou également les copies et si elle couvrait les documents manifestement déclassifiés. Il existe des millions de documents déclassifiés en ligne qui portent encore des marques de classification visibles. Localiser ces documents en possession de Trump à Mar-a-Lago – toutes les copies physiques jamais imprimées et tous ces fichiers sur tous les ordinateurs et supports de stockage qu’il possède — aurait été une tâche monumentale.

Le procureur spécial Jack Smith s’adresse à la presse dans les locaux du ministère de la Justice à Washington le 1er août 2023. (Saul Loeb/AFP via Getty Images)

M. Trump n’a pas procédé à une telle recherche exhaustive. Il a laissé son avocat inspecter certains des cartons rapportés de la Maison Blanche.

La plupart des accusations d’obstruction se concentrent sur ce point, alléguant que M. Trump a demandé à son assistant, Walt Nauta, de déplacer des cartons hors d’un local de stockage à Mar-a-Lago afin qu’ils ne puissent pas être examiné par l’avocat.

M. Smith a ajouté quelques autres accusations le 27 juillet, affirmant que M. Trump avait demandé à son gestionnaire immobilier à Mar-a-Lago, Carlos de Oliveira, de faire effacer les enregistrements des caméras de sécurité après que le DOJ ait assigné certaines des images en juin 2022. Selon M. Smith, ces images montraient M. Nauta en train d’entrer et de sortir des cartons de la salle d’entreposage. L’acte d’accusation mis à jour ne cite pas de preuve directe attestant que M. Trump a fait une telle demande – uniquement l’allégation de M. de Oliviera affirmant l’avoir fait.

L’ajout de nouvelles charges et d’un accusé supplémentaire par le procureur Smith à ce stade pourrait déplaire à la juge qui supervise l’affaire, Aileen Cannon, nommée par M. Trump. Il y a quelques semaines à peine, M. Smith a demandé que l’affaire soit jugée en décembre – un délai plutôt court si ce dernier savait à l’époque que de nouvelles accusations pourraient être portées.

En théorie, M. Trump pourrait rendre toute l’affaire sans objet s’il remportait les élections et s’octroyait une  grâce pour lui-même, bien que certains juristes remettent en question le droit des présidents à agir de la sorte.

Jack Smith, ancien chef de la section « Intégrité publique » du DOJ, a été nommé procureur spécial par le procureur général Merrick Garland le 18 novembre 2022, pour enquêter sur la conservation des documents par M. Trump ainsi que sur son implication dans la manifestation et l’émeute du 6 janvier 2021 au Capitole à Washington.

L’affaire du 6 janvier

Le 1er août, Jack Smith a révélé l’inculpation de M. Trump dans le cadre de l’enquête du 6 janvier. Il a accusé l’ancien président de « complot en vue de frauder les États-Unis, complot visant à priver les électeurs de leur droit de vote et complot en vue d’entraver une procédure légale ».

M. Trump a déclaré avoir été informé le 16 juillet qu’il faisait l’objet d’une enquête du grand jury en rapport avec l’incident du 6 janvier.

L’affaire est centrée sur les allégations de M. Trump concernant la fraude et d’autres irrégularités lors de l’élection de 2020 et sur la manière dont elles ont joué un rôle dans les événements survenus au Capitole, où une partie de la manifestation massive contre les résultats de l’élection a dégénéré en violence, certaines personnes faisant irruption dans le bâtiment et se battant avec les forces de l’ordre.

Des manifestants se rassemblent sur la façade ouest du Capitole le 6 janvier 2021. (Brent Stirton/Getty Images)

L’acte d’accusation allègue que Trump savait que ses critiques sur les résultats des élections étaient mensongères, en grande partie parce que certaines personnes, y compris des représentants des États et des autorités fédérales, lui ont signalé que ces affirmations étaient erronées et, qu’il n’a eu de cesse de les répéter.

L’acte d’accusation de 45 pages met également l’accent sur les pressions répétées de Trump auprès du vice-président Mike Pence pour qu’il rejette les votes électoraux des États où Trump avait contesté les résultats.

Il est en outre stipulé que Trump a incité à la violence le 6 janvier en disant aux manifestants qu’il espérait que M. Pence « renverrait les votes électoraux aux États pour qu’ils les rectifient », alors qu’il savait que M. Pence avait rejeté cette idée à plusieurs reprises.

Il existe de nombreuses preuves d’irrégularités durant l’élection, notamment des modifications illégales portées aux règles électorales sous prétexte de la pandémie de Covid-19 et certains cas de fraude. Toutefois, aucune de ces allégations n’a fait l’objet d’une procédure judiciaire visant à annuler le résultat des élections dans un quelconque État. De nombreuses affaires ont été rejetées pour des raisons de procédure, plutôt que sur la base des preuves.

M. Trump a fait valoir qu’en cas d’inculpation, la procédure lui donnerait l’occasion de révéler des informations sur des irrégularités commises lors de l’élection.

L’affaire des élections en Géorgie

Le procureur du district du comté de Fulton, Fani Willis, a commencé à enquêter sur M. Trump peu de temps après sa prise de fonction dans le plus grand comté de Géorgie en janvier 2021.

Le 24 janvier 2022, la Cour supérieure du comté de Fulton a accédé à la demande de Mme Willis de constituer un grand jury spécial qui n’avait pas la capacité de porter des accusations, mais pouvait citer des témoins à comparaître. Ce jury a travaillé pendant environ huit mois, interrogeant environ 75 témoins à partir de mai 2022, ont rapporté les médias locaux.

Mme Willis a récemment déclaré qu’elle était « prête à y aller », faisant suite à ses promesses précédentes de porter des accusations d’ici le 1er septembre.

ATLANTA, GA – 6 NOVEMBRE : Le secrétaire d’État de Géorgie, Ben Raffensperger, tient une conférence de presse sur l’état du dépouillement des bulletins de vote le 6 novembre 2020 à Atlanta, Géorgie. La course à la présidence de 2020 entre le président américain sortant Donald Trump et le candidat démocrate Joe Biden est encore trop serrée pour être tranchée, car des bulletins de vote restent en suspens dans un certain nombre d’États, dont la Géorgie. (Photo by Jessica McGowan/Getty Images)

Selon les médias locaux, l’élément central de l’enquête est un appel téléphonique de M. Trump au secrétaire d’État de l’État, Brad Raffensperger, le 2 janvier 2021.

Le contenu de cet appel a fait l’objet de fuites sélectives dans les médias afin de créer le narratif selon lequel M. Trump a demandé à M. Raffensperger de lui « trouver » suffisamment de voix pour annuler l’élection.

Lorsque la transcription de l’appel a été publiée, il s’est avéré que M. Trump a déclaré qu’il pensait que des centaines de milliers de bulletins de vote avaient été déposés illégalement dans l’État, en particulier dans le comté de Fulton, qui comprend le bastion démocrate d’Atlanta. Il a abondamment critiqué M. Raffensperger pour ne pas avoir suffisamment enquêté sur les allégations de fraude.

« Pourquoi ne voullez-vous pas trouver la bonne explication ? » a demandé M. Trump.

M. Raffensperger et son équipe ont réfuté certaines des allégations au cours de l’appel, affirmant qu’elles avaient déjà fait l’objet d’une enquête.

À plusieurs reprises au cours de la conversation, M. Trump a fait remarquer qu’il n’avait besoin d’identifier qu’environ 11.000 votes illégaux, puisque c’est avec cette marge qu’il a perdu l’État.

« Si vous vérifiez dans le comté de Fulton, vous en trouverez des centaines de milliers parce qu’ils ont déversé des bulletins de vote dans le comté de Fulton et dans l’autre comté voisin », a déclaré M. Trump.

« Qu’est-ce qu’on va faire ? Je n’ai besoin que de 11.000 voix. Les gars, j’ai besoin de 11.000 voix. Laissez-moi respirer. Vous savez, nous en avons déjà à profusion. »

Une autre partie de l’enquête du procureur Willis semble se concentrer sur un groupe de grands électeurs qui se sont réunis au Capitole le 14 décembre 2020 pour voter en faveur de M. Trump, bien que le décompte officiel des voix ait donné la victoire à l’adversaire de M. Trump, l’ancien vice-président Joe Biden.

Le candidat républicain à la présidence, l’ancien vice-président Mike Pence, prononce un discours lors du sommet des Chrétiens unis pour Israël (CUFI) à Arlington, en Virginie, le 17 juillet 2023. (Anna Moneymaker/Getty Images)

Mme Willis a informé ces grands électeurs qu’ils étaient visés par son enquête, et au moins huit des seize électeurs se sont vu accorder l’immunité en échange de leur témoignage, a rapporté le Washington Post en mai.

Le 31 juillet, le Parti républicain de l’État a lancé un site web qui critique l’enquête de Mme Willis pour avoir ciblé les grands électeurs. Le site affirme que les « grands électeurs » ont voté en reconnaissant expressément que leur vote ne serait pris en compte qu’au cas où le procès intenté par M. Trump pour contester les résultats de l’élection dans l’État aboutirait.

Le site web fait référence à un incident similaire survenu en 1960, lorsque John F. Kennedy a intenté une action en justice pour faire annuler les résultats de l’élection à Hawaï. Un groupe de grands électeurs démocrates avait voté pour M. Kennedy alors que l’État avait déjà certifié le décompte des voix, qui donnait Richard Nixon vainqueur. L’action en justice a abouti et les votes alternatifs ont été comptabilisés.

Dans le cas de M. Trump, l’action en justice n’a été entendue que le 8 janvier 2021, deux jours après le décompte des voix des grands électeurs. L’action a été rejetée pour des raisons de procédure et n’a jamais fait l’objet d’une audience sur les preuves qu’elle contenait.

Un juge a interdit à Mme Willis d’engager des poursuites contre l’un des grands électeurs suppléants, le nouveau lieutenant-gouverneur de Géorgie, Burt Jones, après qu’elle eut organisé une collecte de fonds pour l’adversaire de M. Jones dans la course de 2022, Charlie Bailey.

L’affaire des pots-de-vin

Les premières accusations relevant du pénal contre M. Trump ont été portées en mars par le bureau du procureur de Manhattan, Alvin Bragg, à New York.

M. Bragg a affirmé que M. Trump avait commis 34 délits parce que les paiements indiqués dans ses livres comptables comme des frais juridiques étaient en fait des remboursements à son avocat de l’époque, Michael Cohen, pour des paiements à l’actrice de films pour adultes Stormy Daniels (nom véritable :  Stephanie Clifford).

Le procureur de Manhattan, Alvin Bragg, s’exprime lors d’une conférence de presse après la mise en accusation de l’ancien président américain Donald Trump, à New York, le 4 avril 2023. (Kena Betancur/Getty Images)

Mme Daniels a fait savoir à M. Trump, avant l’élection de 2016, qu’elle avait l’intention de vendre à la presse sa liaison présumée en 2006 avec M. Trump ; elle a affirmé être disposée à tenir l’histoire secrète contre paiement. M. Trump a effectivement demandé à M. Cohen de payer environ 130.000 dollars en échange d’un accord de non-divulgation, que Mme Daniels a fini par rompre. La société de M. Trump a ensuite remboursé M. Cohen.

M. Bragg considère les écritures comptables relatives aux paiements à M. Cohen comme des violations de la loi new-yorkaise concernant la falsification de registres commerciaux. Ces infractions ne seraient que des délits mineurs si elles n’étaient pas commises dans le cadre d’un autre délit. M. Bragg a soutenu que c’était effectivement le cas, bien que l’acte d’accusation ne précise pas quel était l’autre crime supposé. Les médias ont spéculé sur le fait que l’autre crime était une violation de la loi relative aux campagnes électorales. L’argument serait que les pots-de-vin versés à Mme Daniels étaient en fait une contribution illégale à la campagne électorale.

Le procès est prévu pour le 25 mars 2024.

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