« Les banques centrales sont devenues de dangereux pompiers pyromanes » – Marc Touati

3 octobre 2022 EPOCH TV

Économiste et président du cabinet de conseil Aux commandes de l’économie et de la finance (ACDEFI), Marc Touati a commencé sa carrière comme enseignant-chercheur au sein de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. 

Il a par la suite exercé les fonctions de directeur de la recherche économique et financière des groupes Banques populaires et Natixis, et de directeur général chargé de la recherche économique et financière du courtier Global Equities, avant de fonder son cabinet en 2007. 

Dans son dernier essai Reset II – Bienvenue dans le monde d’après, Marc Touati analyse les dérives politiques, économiques, monétaires et financières qui ont conduit la France et la zone Euro « au bord du gouffre ». 

Pour Marc Touati, la forte inflation que connaissent la France et la zone Euro aujourd’hui est en effet le fruit de la politique monétaire « excessivement accommodante » menée par la Banque centrale européenne (BCE) ces dernières années à travers son programme de rachat des dettes publiques des pays membres de l’Union européenne (également appelé quantitative easing) et de l’explosion des dettes publiques de plusieurs États membres.

« Lorsqu’une banque centrale actionne la “planche à billets”, cela signifie qu’elle crée de la monnaie sans contreparties préalables. Elle imprime des billets “sur la base de rien”. Mieux, avec cette “monnaie de singe”, la banque centrale monétise la dette publique, c’est-à-dire qu’elle finance directement le déficit public », souligne Marc Touati dans son ouvrage. 

Selon le président de l’ACDEFI, ce sont bien l’incurie de nos dirigeants ainsi que « la gabegie de dettes publiques, elle-même financée par une “planche à billets” irresponsable par son ampleur et sa durée » qui sont à l’origine de la flambée inflationniste que les pays de la zone Euro connaissent aujourd’hui, et non la guerre en Ukraine, celle-ci ayant aggravé la situation en ajoutant une tension supplémentaire sur le prix des matières premières. 

« La guerre en Ukraine a bon dos, c’est un peu le bouc émissaire idéal, on met tout dessus, mais si seulement la moitié des centrales nucléaires fonctionne, ce n’est pas la guerre en Ukraine, c’est une décision française. Si les Allemands n’ont plus du tout de nucléaire, c’est une décision allemande. Et ainsi de suite. »

« Ce qui me gêne aujourd’hui, c’est que l’on nous fait culpabiliser. Il faut se serrer la ceinture, il faut se rationner, etc. Mais attendez, tout ça c’est lié à une erreur de stratégie politique, économique, monétaire de nos dirigeants. » 

« Prise à son propre piège » et « complètement dépassée » par les conséquences de sa politique monétaire, la Banque centrale européenne n’a eu d’autres choix que d’augmenter ses taux directeurs à deux reprises ces derniers mois pour tenter d’enrayer la progression de l’inflation et de lutter contre la dépréciation de l’euro face au dollar, celle-ci venant accroître les tensions inflationnistes en augmentant le prix de nos importations. 

Si ces mesures tardives font planer le spectre de la récession sur la zone Euro, le changement de politique monétaire de la Banque centrale européenne risque également de peser sur les finances publiques françaises, alors que l’État tente de soutenir le pouvoir d’achat des Français confrontés à la flambée des prix de l’énergie via le bouclier tarifaire et prévoit d’emprunter 270 milliards d’euros sur les marchés en 2023. 

« Comme la BCE ne finance plus et comme l’État continue de s’endetter, qui va payer ? Il ne faut pas se leurrer, c’est nous qui allons payer, c’est le contribuable, ce sont nos enfants, nos petits-enfants au travers d’une récession, au travers d’une augmentation des impôts », observe Marc Touati. 

Et l’économiste de conclure : « Le quoi qu’il en coûte commence à nous coûter très cher, mais malheureusement, comme on n’a pas dit la vérité aux Français, ils ne comprennent pas. On leur a dit il y a quelque temps : “Ne vous inquiétez pas, tout va bien !”. On masque la réalité, mais ça a un coût énorme. »

Retrouvez l’analyse intégrale de Marc Touati dans la vidéo