Avec six millions de Français sans médecin traitant et une progression des déserts médicaux des campagnes jusqu’aux centres-villes, l’idée d’imposer une meilleure répartition territoriale des médecins revient dans le débat, en l’absence de politique d’aménagement sanitaire contraignante.
« Contrairement à la présence postale, la présence médicale n’est pas vue comme un service public par l’État, qui considère qu’elle relève de l’initiative privée puisqu’il s’agit d’une profession libérale », observe le député Guillaume Garot (PS), pour qui « on ne peut pas s’en remettre uniquement au marché ».
En 1945, la création de la Sécurité sociale marque la volonté de permettre un accès égalitaire aux soins, tandis que la Constitution garantit « la protection de la santé ».
Aujourd’hui pourtant, l’Eure-et-Loir concentre trois fois moins de généralistes que les Hautes-Alpes, la Seine-Saint-Denis 2,5 fois moins de généralistes libéraux que la Savoie, la Creuse 18 fois moins d’ophtalmologues que Paris, selon les statistiques de la Drees.
De fortes disparités entre les régions
La faute notamment au « numerus clausus », instauré en 1971, qui a drastiquement restreint l’accès en deuxième année de médecine pour freiner les dépenses de santé et éviter une concurrence médicale débridée. C’était sans compter l’augmentation et le vieillissement de la population.
En cause également, la liberté d’installation des médecins, maintenue depuis 1921, quand d’autres ordres ont accepté une régulation. « Étant libres de s’installer, les médecins préfèrent aller dans les beaux quartiers, sur les littoraux et dans le Sud », constate Emmanuel Vigneron, professeur des universités, géographe et historien de la santé.
Si cette disparité entre Nord et Sud n’est pas nouvelle, étant déjà visible au XIXe siècle, elle s’accroît, estime Xavier Desjardins, professeur en urbanisme à Sorbonne Université.
Pour rééquilibrer l’offre, l’État a relevé le nombre de médecins diplômés dans les régions déficitaires. Des mesures jugées insuffisantes, d’autant que les étudiants s’orientent moins vers la médecine générale.
« Manque de courage politique »
Alors que les attaches familiales sont l’un des premiers critères de choix d’installation, les étudiants en médecine sont « majoritairement issus de métropoles et de milieux sociaux favorisés », relève la Drees. A contrario, les jeunes qui grandissent dans les zones dites « sous-denses » (de difficultés d’accès aux soins) « sont freinés, dans leur accès aux études de médecine, par leur éloignement des facultés et par le coût des études ».
Face aux déserts médicaux, l’État a longtemps misé sur des incitations financières contre l’engagement de s’installer en zone sous-dotée. « On sait aujourd’hui que ça coûte cher pour des résultats décevants », analyse le géographe Guillaume Chevillard, chercheur à l’Irdes.
Le développement récent des maisons de santé, regroupant médecins et paramédicaux, semble en revanche « bien fonctionner », poursuit M. Chevillard.
Des élus dénoncent un manque d’anticipation. « Il n’y a plus de grand organisateur national du système de santé. Vous doublez cela d’un manque de courage politique et vous avez un système qui se désarticule », juge Emile-Roger Lombertie, maire LR de Limoges.
Renforcer l’attractivité des zones rurales
Des élus s’inquiètent aussi d’une concurrence entre collectivités. « Certaines communes offrent des loyers gratuits, une bourse, une femme de ménage, c’est indécent », condamne Isabelle Dugelet, maire de La Gresle (Loire), réfutant le terme « désert médical », hérité « d’une vision des campagnes d’après-guerre, à l’heure de la fibre ».
Gilles Noël, membre de l’Association des maires ruraux de France, reconnaît qu’on a « besoin de renforcer l’attractivité des zones rurales » mais interroge : « Les médecins vont-ils tous les soirs à l’opéra ? On n’est pas en Australie, on trouve une école, un club de sport et des activités culturelles à moins de 40 km ».
M. Noël accuse aussi « la politique de métropolisation, qui, depuis une quarantaine d’années, a favorisé les grandes villes au détriment du reste, avec des transferts d’unités de soins et de maternités vers les villes ».
Interrogé, le vice-président du Conseil national de l’ordre des médecins Jean-Martial Mourgues estime qu’« il n’y a pas eu de politique d’aménagement sanitaire du territoire, pas d’évaluation des besoins ». Pour autant, des mesures coercitives reviendraient aujourd’hui, selon lui, « à déshabiller Pierre pour habiller Paul ».
À l’Assemblée, l’idée de mesures contraignantes fait toutefois son chemin. Le budget de la Sécu prévoit une quatrième année d’internat avec un stage « en priorité » dans les zones sous-dotées, mais les internes de médecine générale craignent d’être envoyés au casse-pipe.
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