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Les médias officiels chinois mobilisés pour discréditer un activiste des droits des citoyens emprisonné

juin 4, 2015 11:00, Last Updated: octobre 18, 2015 11:07
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Le célèbre militant des droits des citoyens Wu Gan a été arrêté le 19 mai pour avoir protesté devant un tribunal dans la province de Jiangxi, où les avocats étaient rassemblés pour exiger des documents d’une vieille affaire qu’ils souhaitaient rouvrir. Le 27 mai, M. Wu a été transféré au Fujian pour une détention criminelle et accusé d’être « provocateur de querelles et semeur de troubles », ainsi que de diffamation.

Son arrestation et sa détention – comme la couverture négative ultérieure des médias publics sur la personnalité de M. Wu – ont suscité la crainte d’une prochaine répression contre les activistes des droits des citoyens en Chine.

Malgré l’absence des liens étroits avec des groupes de citoyens spécifiques ou de plateformes en ligne, Wu Gan est devenu une figure bien connue dans les milieux des droits humains en Chine depuis 2009. Ce militant est surnommé le « boucher ». S’exprimant sur le blog « Sinosphere » du New York Times, l’avocat de M. Wu, Me Ge Wenxiu, a expliqué que ce surnom lui a été donné parce qu’il se moque de la vulgarité des fonctionnaires de l’État d’une manière sarcastique suggérant qu’il veut les « tuer » à cause de leur corruption et mauvais comportement.

Au cours des derniers jours, les médias contrôlés par l’État ont couvert l’arrestation de M. Wu avec un parti-pris manifeste à son égard. Le 25 mai, CCTV, la télévision officielle chinoise a utilisé des images d’une caméra de sécurité placée à l’extérieur de la Haute Cour populaire du Jiangxi comme une preuve de la conduite désordonnée de M. Wu. Trois jours plus tard, le journal du parti communiste le Quotidien du Peuple a dépeint M. Wu comme un individu divorcé et irresponsable, fauteur de troubles et escroc dont le père et le frère étaient aussi des délinquants. L’article a cité une connaissance anonyme de M. Wu, alléguant que son activisme social était motivé par l’intérêt personnel.

Wu a fait partie du premier groupe d’internautes à dénoncer l’enquête controversée de la police sur le cas de Mme Deng Yujiao, une serveuse qui a poignardé et tué un fonctionnaire qui avait tenté de la forcer à avoir des relations sexuelles avec lui. M. Wu s’est même déplacé de Pékin jusqu’à la province du Hubei pour rendre visite à Mme Deng et persuader sa famille de demander l’aide d’avocats de Pékin pour faire appel. Finalement, Mme Deng a été reconnue coupable de « légitime défense excessive » mais exemptée de sanction pénale en raison de son état psychologique. L’affaire a été considérée comme un grand succès pour l’activisme en ligne en Chine.

Depuis lors, M. Wu a continué à aider les gens ordinaires à défendre leurs droits. Récemment, il s’est impliqué dans l’affaire d’un homme tué par balles par la police à la gare ferroviaire de Qing’an. Il a formé une équipe d’enquête citoyenne et exigé que la police de la gare rende publiques les images de la caméra de surveillance.

Comme M. Wu Gan a aidé beaucoup de citoyens à faire des pétitions pour le respect de leurs droits, de nombreux internautes lui ont apporté leur appui sur différentes plates-formes de médias sociaux. Étant donné que Weibo, l’équivalent chinois de Twitter, est fortement censuré, certains d’entre eux ont publié leurs messages sur Twitter.

De nombreux utilisateurs des réseaux sociaux ont été outrés par la distorsion par les médias publics de la vie privée de M. Wu. Le professeur et militant des droits humains Liushui a soutenu que les commentaires des médias publics faisaient partie d’une campagne de propagande coordonnée :

« C’est la première fois que je vois les autorités faire l’usage des différents pouvoirs de l’État, y compris CCTV, l’agence Xinhua et le Quotidien du peuple [ces trois médias sont sous le contrôle de différentes autorités : le Parti communiste, les représentants des autorités et les services de propagande] pour monter une histoire falsifiée contre un militant des droits de base « le Boucher Wu Gan ». Même le [prisonnier politique] Liu Xiaobo ne jouissait pas de ce genre de traitement à l’époque. Les États autoritaires utilisent souvent les médias pour punir les gens d’une manière dont la loi ne pourrait pas. Ils transforment en noir ce qui était blanc et noircissent la justice. L’action pour les droits civiques est un moyen d’améliorer la société. Nous devrions avoir plus de gens comme Wu Gan. »

Le dissident chinois Wen Yunchao, basé aux États-Unis, a estimé que c’étaient les autorités nationales de sécurité qui orchestraient cette campagne de dénigrement :

« À en juger par la détention criminelle du Boucher, les reportages rapides et coordonnés de Xinhua, du Quotidien du peuple et de CCTV et la coordination inter-provinciale entre la province du Jiangxi et celle du Fujian pour mettre M. Wu Gan en détention criminelle, seul le Comité de sécurité de l’État pouvait mobiliser à la fois les autorités judiciaires et la propagande. Quelque chose de louche se cache certainement ici. Une telle répression vise à terrifier et à disperser le noyau dur des activistes des droits des citoyens. La propagande visant à pointer du doigt un individu avec une tentative d’éliminer la cible est similaire aux actes anti-terroristes [snipers], [cette répression] est scandaleuse. »

L’utilisateur de Twitter Beidaijin croit que cette dernière vague de répression ne s’arrêtera pas à un seul cas : « Le fait que l’État-Parti ait mobilisé les trois organes officiels signifie que son objectif ne se limite pas au Boucher. Il s’agit juste de l’avant-spectacle, les spectacles suivront. Le Boucher est une partie – le symbole d’une espèce de « mouvement » [que les autorités veulent écraser], il sert de prélude et il y aura plusieurs cibles identifiées. »

Certains utilisateurs ont défendu l’intégrité de M. Wu, comme @shangguanluan qui a rappelé que : « L’agence d’informations Xinhua a déployé tant d’efforts pour salir Boucher afin de sévir contre le noyau dur des défenseurs des droits. Ils ont décrit les défenseurs des droits civils comme une « foule » qui cause des ennuis. Eh bien, Boucher aime suivre les dossiers chauds. Je l’ai rencontré à plusieurs reprises depuis 2009. Chaque fois, il était impliqué dans une action pour les droits civiques. Il est très curieux. Il m’a posé des questions sur la situation de la famille de Chen Yunfei [Chen Yunfei a été arrêté début mai sous l’accusation « d’incitation à la subversion » et de « semer le trouble »]. Il voulait faire un don pour aider sa famille. »

@Zodiac4698 a commenté : « Maintenant, les personnes mauvaises ont pris le pouvoir tandis que les bonnes personnes sont en prison. J’avais pris tôt l’habitude d’utiliser Weibo, mais j’ai dû abandonner la plate-forme. Boucher a parlé au nom des victimes. Il a été expulsé du site chinois de microblogging Sina Weibo suite au cas de M. Xu Chunhe [la victime de la fusillade de la police au Qing’an]. Maintenant, il est arrêté. J’ai été témoin de ce qu’il a fait au cours des dernières années. M. Wu est un homme juste qui a une volonté forte et peut élever la voix ! »

 

Version française : Les médias officiels chinois mobilisés pour discréditer un activiste des droits des citoyens emprisonné 

Article original : Chinese Authorities Leap to Discredit Detained Citizens’ Rights Activist

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