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L’Etat reconnaît le lien entre les cancers de la prostate et l’exposition au chlordécone

décembre 30, 2021 10:22, Last Updated: décembre 30, 2021 10:22
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Mercredi 22 décembre, un décret a été publié au Journal Officiel : les cancers de la prostate liés à l’exposition professionnelle aux pesticides sont désormais reconnus comme maladie professionnelle.

Cette décision était « attendue, particulièrement aux Antilles », souligne le ministère de la santé dans un communiqué.

En effet, ce pesticide reconnu comme toxique dès les années 1960 et interdit en France en 1990, a pourtant été largement utilisé dans les bananeraies antillaises de 1972 jusqu’en 1993 pour lutter contre la propagation du charançon.

Le chlordécone s’est donc répandu dans les sols, puis, par infiltration, dans les cours d’eau jusqu’au littoral marin, contaminant la population pour une période probable de 600 ans…

Santé Publique France estime que 90% de la population en Guadeloupe et en Martinique est victime de cette contamination par ce pesticide.

Un tableau pour une indemnisation dans le monde agricole

Le décret publié permet d’établir un « tableau des maladies professionnelles relatif au cancer de la prostate provoqué par les pesticides », déterminant les conditions de prise en charge ainsi que la liste des activités susceptibles de provoquer cette pathologie en milieu agricole.

Il fait suite aux travaux engagés depuis plusieurs mois par les membres de la Commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (COSMA) qui avait statué le 12 octobre sur la création de ce tableau, en lien avec les derniers avis scientifiques provenant de l’Anses et de l’Inserm.

Il est aussi précisé que « le terme ‘pesticides’ se rapporte aux produits à usages agricoles et aux produits destinés à l’entretien des espaces verts (produits phytosanitaires ou produits phytopharmaceutiques) ainsi qu’aux biocides et aux antiparasitaires vétérinaires, qu’ils soient autorisés ou non au moment de la demande ».

Tout exploitant ou salarié agricole, s’il a travaillé pendant au moins dix ans au contact du chlordécone, et que moins de quarante ans se sont écoulés entre sa dernière exposition et le diagnostic de cancer de la prostate, pourra avoir recours à ce statut.

Quant au nombre de personnes concernées, le gouvernement ne le précise pas encore.

Pourtant, les montants d’indemnisation alloués dépendront du nombre de dossier déposés, précise le ministère de l’Agriculture. Au niveau individuel, l’indemnisation dépendra du taux d’incapacité généré par la maladie, du salaire antérieur… Ce montant pourrait varier de 900 à 19 000 euros par an selon les cas.

Une reconnaissance incomplète

Si ce décret constitue un début de reconnaissance des effets de ces pesticides sur la population, il demeure encore incomplet pour beaucoup.

L’avocat écologiste Harry Durimel, aujourd’hui maire de Pointe-à-Pitre, a été l’un des premiers à dénoncer ces contaminations. Il explique ainsi que « c’est une avancée, mais elle est encore incomplète », car « l’empoisonnement à la chlordécone n’est pas seulement le fait des professionnels de la banane, mais de l’ensemble des populations ».

Olivier Serva, député de la majorité et président de la délégation outre-mer à l’Assemblée nationale, a tenu à rappeler l’implication d’Emmanuel Macron, qui a « été le premier à reconnaître la responsabilité de l’État dans ce scandale, en septembre 2018 ».

Mais le député souligne tout de même sur Guadeloupe La 1ère, que ce décret est « une petite avancée, mais insatisfaisante », au regard des dispositions nécessaires pour bénéficier de l’indemnisation, qui entretiennent « le flou » sur les personnes éligibles et concernent un « spectre réduit ».

Jean-Marie Flower, docteur en écologie et vice-président de l’association Vivre qui s’implique dans ce dossier depuis trois ans, demeure sceptique, rappelant que cette contamination touche la population entière.

« C’est une reconnaissance en trompe-l’œil qui exclut la majeure partie de la population », dénonce-t-il sur France-Antilles.

« Ce ne sont pas que les agriculteurs de sexe masculin qui sont victimes mais c’est l’ensemble de la population. Les femmes aussi sont touchées. Il n’y a pas que le cancer de la prostate comme effet délétère du chlordécone, mais toute une série de cancers. Il y aussi une cardio-toxicité reconnue par exemple. Dans tous les cas de figure, ce n’est qu’une timide avancée et c’est très très loin d’être un aboutissement. »

 


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