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« Nous sommes isolés, traités comme des prisonniers »: un ouvrier de l’hôpital de campagne de Wuhan témoigne

avril 16, 2020 19:08, Last Updated: avril 16, 2020 19:08
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Partout dans le monde, les employés des services indispensables sont reconnus comme des héros pour avoir contribué au bon fonctionnement de l’économie au milieu de la pandémie, mais ce n’est pas le cas en Chine.

Leishenshan, un hôpital de campagne de 1 600 lits à Wuhan, le point zéro de l’épidémie en Chine, a été construit en moins de deux semaines, un temps record, grâce à des dizaines de milliers d’ouvriers du bâtiment qui ont risqué leur vie en y travaillant jour et nuit.

Cependant, dès que la construction de l’hôpital a été achevée, ces travailleurs ont été rapidement chassés de la ville par la force, et beaucoup d’entre eux n’ont pas pu obtenir leur salaire de base.

Zhang Xiongjun, un ouvrier de Guangzhou qui travaille sur un échafaudage, en est un exemple. Il a raconté son expérience pénible sur la plateforme chinoise de microblogage Weibo.

Une fois la construction de Leishenshan terminée, les ouvriers ont été mis en quarantaine, certains comme lui ont été « escortés comme des prisonniers » vers la province voisine du Hunan, a déclaré M. Zhang. M. Zhang n’a reçu aucun contrat et 500 yuans (65 €) en espèces pour chaque jour de travail. En parlant avec ses collègues du bâtiment, il a découvert qu’il avait reçu qu’une fraction du salaire auquel il avait droit.

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Le 8 avril, M. Zhang et son groupe sont retournés à Wuhan pour exiger que l’entreprise de construction, le Troisième Bureau d’ingénierie de Chine, leur verse leur plein salaire.

Ils se sont rendus au bureau de pétition provincial situé à Wuhan et ont prévu de déposer des plaintes auprès des autorités gouvernementales au sujet de leur indemnisation. Mais avant qu’ils n’aient pu le faire, une vingtaine de personnes du Troisième Bureau d’ingénierie de construction de Chine les ont encerclés et leur ont ordonné de s’accroupir sur le sol.

M. Zhang a affirmé qu’il n’était pas sûr de savoir comment la compagnie avait eu vent de leurs plans, mais pendant les neuf heures qui ont suivi, ils ont intimidé M. Zhang et son groupe, leur refusant l’accès aux repas ou à l’eau. Une personne s’est évanouie sous le soleil brûlant.

La société a fait pression sur eux pour qu’ils signent une lettre dans laquelle ils se sont engagés à ne jamais mentionner l’incident ou leur participation à la construction de Leishenshan. Le personnel de la société a également exigé qu’ils effacent de leurs téléphones toutes les photos ou vidéos prouvant qu’ils ont travaillé sur Leishenshan. Ils ont reçu l’ordre de quitter Wuhan.

Comme le groupe s’était rendu à Wuhan, où l’épidémie est toujours aussi grave, aucun hôtel des environs n’était disposé à les accueillir. Ils ont donc dormi dans leur voiture.

Pendant des jours, « nous avons été soit chassés, soit repoussés, soit mis en quarantaine », écrit-il. « Nous ne sommes plus que des réfugiés maintenant ». Ils n’ont pas pu non plus trouver de nouveaux emplois dans le secteur de la construction.

À la suite de l’échec rencontré pour obtenir une indemnisation appropriée, M. Zhang a écrit : « Je n’irai plus jamais à Wuhan de ma vie. »

Zhang Xiongjun et d’autres travailleurs du bâtiment à l’hôpital de Leishenshan. (Zhang Xiongjun/Weibo)

Comment les « héros » sont-ils devenus des sans-abri ?

Basé à Wuhan, ce Troisième bureau d’ingénierie de la construction en Chine est l’une des plus grandes entreprises de construction au monde et figure depuis huit ans sur la liste du Fortune’s Global 500.

Dans une interview accordée le 28 mars, Chen Weiguo, le président de la société et vice-secrétaire du Parti communiste, a déclaré à la chaîne de télévision publique CCTV que la société avait recruté plus de 31 000 personnes de tout le pays pour travailler sur le projet Leishenshan. Il a qualifié les travailleurs de « héros » et a promis de remettre un certificat honorifique à chacun d’entre eux.

Mais M. Zhang, qui a mis des combinaisons de protection intégrale pendant ses heures de travail et qui s’est tenu sur l’échafaudage pour installer des tuiles d’acier de couleur, a expliqué qu’il n’avait rien vu de tout cela.

« Tout ce que nous avons, c’est une preuve de notre surveillance médicale », a-t-il écrit. « Il n’y avait pas de certificat, pas d’honneur, rien. » Une fois l’hôpital terminé, les travailleurs ont dû être isolés – généralement dans des hôtels locaux transformés en centres de quarantaine – pendant 14 jours et subir des tests de diagnostic pour le virus du PCC*, communément appelé le nouveau coronavirus. Ils ont souvent dû payer eux-mêmes les frais correspondants.

Zhang Xiongjun et d’autres travailleurs du bâtiment à l’hôpital de Leishenshan. (Zhang Xiongjun/Weibo)

Après avoir lu le message de M. Zhang, quelques internautes sympathiques ont tenté de lui faire parvenir de l’argent : de petites sommes allant de 20 (2,6 euros) à 100 yuans (13 euros). Mais M. Zhang les a tous retournés. Selon lui, seule la justice lui importait.

Ces derniers jours, M. Zhang a erré dans les environs, espérant avoir des nouvelles de l’entreprise de construction. Il a passé ses dernières nuits au bord d’une pelouse du parc. « Le ciel est ma couverture et la terre, mon lit », a-t-il écrit dans un message du 12 avril, ajoutant qu’il avait été « privé de sommeil pendant des jours. »

« C’est ce que nous, les travailleurs de première ligne, recevons pour avoir mis notre vie en danger. »

Les plaintes concernant le manque de rémunération ne viennent pas uniquement des travailleurs du bâtiment. En mars, un hôpital de la province du Shaanxi a révélé avoir payé certains cadres trois à quatre fois plus que les professionnels de la santé de première ligne, à la suite d’une fuite en ligne d’un document de paie. Cette disparité a suscité l’indignation en ligne, et le directeur et le vice-directeur de l’hôpital ont fini par démissionner.

Dans une enquête de Dingxiangyuan, un forum médical chinois en ligne, seuls 12 % des 1 900 professionnels de la santé du pays ont déclaré avoir reçu la compensation spéciale que les autorités chinoises avaient promis de verser au personnel médical contribuant à la lutte contre l’épidémie.

M. Huang, un habitant de la ville de Guizhou qui a rejoint l’équipe de travail de Leishenshan à la mi-février, a déclaré avoir été mis en quarantaine pendant plus d’un mois à Wuhan après l’achèvement des travaux. Sur le chemin du retour, il est passé par la ville de Shenzhen, dans le sud du pays, et a de nouveau été mis en quarantaine pendant deux semaines.

« Lorsque nous avons cherché du travail, ils nous ont demandé où nous travaillions avant. Ils ont immédiatement refusé quand nous avons dit que c’était à Wuhan », a-t-il déclaré au journal Epoch Times. N’ayant aucun projet en vue, il a expliqué qu’il « allait procéder étape par étape ».

*Epoch Times qualifie le nouveau coronavirus, à l’origine de la maladie Covid-19, de « virus du PCC » parce que la dissimulation et la gestion déplorable du Parti communiste chinois ont permis au virus de se propager dans toute la Chine avant d’être transmis dans le monde entier.

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