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Orpaillage illégal en Guyane : des acteurs chinois sabotent les efforts militaires de la France

septembre 14, 2023 8:46, Last Updated: septembre 14, 2023 17:21
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En Guyane française, dix tonnes d’or sont extraites illégalement chaque année par des orpailleurs clandestins brésiliens, les garimpeiros, dont les activités illicites sont rendues possibles par des acteurs chinois, qui jouent un rôle clé bien qu’indirect, établit une note de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Ce trafic représente un préjudice économique considérable, estimé à 500 millions d’euros pour l’économie locale et les finances publiques, tandis que l’opération Harpie, visant à lutter contre le pillage des ressources aurifères de ce département français, se chiffre à un coût annuel de 70 millions d’euros, a minima. De quoi inciter les auteurs de l’étude à appeler les autorités à adopter une « réponse adaptée » pour répondre à cet enjeu de souveraineté.

L’orpaillage illégal en Guyane : un fléau qui occasionne des conséquences économiques, environnementales, sécuritaires et sanitaires. L’État français tente de l’enrayer. C’est ce qui a motivé le gouvernement de Nicolas Sarkozy à déclencher l’opération Harpie en 2008, dont la mise en œuvre a tragiquement coûté la vie à cinq militaires français depuis 2019. Si le travail mené par les militaires français a porté quelques fruits, les efforts pour réprimer l’activité des garimpeiros, ces chercheurs d’or venus pour l’essentiel du Brésil, par ailleurs présents en situation irrégulière sur le territoire français, sont néanmoins fortement mis à mal par un système de logistique sophistiqué constitué principalement d’acteurs chinois. Ce sont les conclusions d’une étude de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), parue le 7 septembre et réalisée par les chercheurs Simon Menet et Antoine Bondaz.

Les comptoirs chinois, au cœur de la machine logistique de l’orpaillage illégal

Les activités illégales d’extractions de l’or, très polluantes pour l’environnement et nuisibles pour la santé de la population locale en raison du recours au mercure en quantité, sont menées à 95% par environ 6500 orpailleurs clandestins brésiliens, qui détruisent sans vergogne des milliers d’hectares de forêts afin d’installer leurs sites d’exploitation. Pour approvisionner quotidiennement ces chantiers alluvionnaires, les garimpeiros se reposent sur quelque 120 comptoirs chinois établis sur la rive surinamaise du fleuve Maroni, la frontière du département français. Ces magasins, qui peuvent compter sur un ancrage local robuste et ancien des communautés chinoises, jouent « un rôle-clé dans la logistique de l’orpaillage ». En outre, autour de ces commerces, « des réseaux transnationaux facilitent le recel et le blanchiment de près de 10 tonnes d’or extraites illégalement chaque année », « contribuant ainsi à leur résilience face à la pression exercée par les forces de sécurité françaises », développe la FRS.

Outre un système de fonctionnement flexible, qui permet par exemple aux orpailleurs de régler les équipements achetés avec tout type de devises, or compris, la force des comptoirs chinois tient aussi à leur système pyramidal : employés locaux recrutés sur place, gérants chinois des magasins, chef chinois supervisant ces commerces et les réseaux logistiques depuis Paramaribo, capitale du Suriname. Ces comptoirs installés le long du Maroni interagissent avec les réseaux chinois implantés dans ce pays voisin.

Dans leur note, Simon Menet et Antoine Bondaz soulignent que leurs recherches, basées sur des entretiens, des sites officiels ou encore des articles académiques, les ont amenées à conclure que ces commerçants chinois étaient issus de la région de Putian (Fujian), qui jouerait un rôle majeur dans cet écosystème commercial. Les autorités locales de cette province chinoise entretiendraient ainsi des liens étroits avec ces commerces. De la même façon, il existe une grande proximité entre ces échoppes et les autorités surinamaises, pays « en proie à des pratiques notoires de corruption et de clientélisme », indique l’étude.

Repliés au Suriname, ces magasins s’organisent autour de deux « hubs », Albina et Albina 2, localisés en face des communes de Saint-Laurent-du-Maroni et de Maripasoula. « Un chef coutumier à Albina 2, nommé sous l’administration Boutersé, qui rencontre individuellement les commerçants chinois, a même été invité par l’ambassadeur chinois au Suriname par le passé, ce qui suggère que les autorités chinoises ont au moins connaissance de l’implication de ressortissants chinois dans des activités liées à l’orpaillage illégal, voire les soutiennent tacitement », interpellent M. Bondaz et M. Menet.

Des liens avec les autorités chinoises et surinamaises

L’implication de ces comptoirs chinois dans l’orpaillage illégal en Guyane ne laisse pas de place au doute. En 2022, le bilan de la lutte contre ce pillage s’est soldé par des saisies records d’équipements dont l’écrasante majorité sont d’origine chinoise. En lisant les informations inscrites sur ce matériel, on constate par exemple que les 132 moteurs de hors-bord confisqués ont été produits par une entreprise à capitaux publics, Zhejiang Sifang Group, basée dans la province du Zhejiang. Des pièces exportées par l’entremise de Zhejiang Sifang Import-Export, plus grand exportateur de machines agricoles de Chine et filiale de Sifang Group, qui commerce avec le Suriname. De fil en aiguille, ce matériel termine ensuite dans les comptoirs chinois, avant d’être utilisé sur les sites d’orpaillage illégaux. Un transit rendu possible par la grande porosité des frontières entre le Suriname et son voisin du fait, notamment, de la superficie du territoire guyanais, grand comme l’Autriche. Ce qui complique la tâche de la police aux frontières.

Ce n’est pas tout. En plus d’alimenter les activités des garimpeiros, les comptoirs chinois capteraient également la majeure partie des dix tonnes d’or soustraites illégalement à la France, des intermédiaires rachetant le précieux métal aux orpailleurs sur les sites dans l’ouest guyanais pour les revendre dans les échoppes chinoises. Il serait ensuite transporté notamment à Paramaribo afin d’être blanchi et exporté, un travail effectué par des magasins de rachat d’or basés dans cette capitale et tenus par des individus de la diaspora locale chinoise : Century Mining NV, Suriname Natural Stone N.V., Cactus NV ou Dennis Lee Jewellery.

Le PCC impliqué ?

Le Parti communiste chinois prend-il part à ce trafic qui nuit aux intérêts français ? « Nous ne disons pas que l’orpaillage illégal relève d’une politique du gouvernement chinois », explique Antoine Bondaz au journal Le Monde : « Le problème se nourrit de l’opportunisme d’acteurs chinois sous l’œil de gouvernements locaux. »

Pour autant, dans son étude, le chercheur rappelle que l’implication d’acteurs chinois dans l’orpaillage illégal n’est pas un fait nouveau : « Le cas guyanais s’inscrit dans un phénomène global de prédation de ressources minières par des acteurs chinois. Au Ghana, au Mali, en Colombie ou encore au Suriname, des ressortissants chinois participent directement à l’exploitation illégale d’or, parfois encouragés, voire soutenus, par les autorités chinoises », écrit-il. Et d’insister en conclusion du document : « La situation de l’orpaillage illégal en Guyane française est indissociable de la prédation de ressources minières par des acteurs chinois dans d’autres pays d’Amérique latine ou d’Afrique, facilitée ou soutenue tacitement par les autorités chinoises. »

En dehors de l’opportunisme économique, cette activité, selon lui, prend sa source dans la volonté de Pékin d’étendre ses réserves aurifères en vue de renforcer la stabilité du yuan et amoindrir sa dépendance au dollar dans un contexte de tensions croissantes avec Washington : « Une stratégie de captation des ressources minières orchestrée au plus haut niveau ». Un enjeu économique donc, mais aussi un impératif de sécurité, puisque la sécurité des ressources représente l’un des seize piliers du « concept global de sécurité nationale » promu par Xi Jinping.

Participation avérée ou non du régime communiste, l’orpaillage illégal en Guyane française par des acteurs chinois porte atteinte aux intérêts et à l’action de l’État français. Non seulement le développement des comptoirs vient alimenter l’insécurité ambiante par l’émergence d’activités criminelles annexes (prostitution, narcotrafic, trafic de jaguars…), mais il cause également des dégâts environnementaux et sanitaires alarmants : dégradation des cours d’eau découlant de la pollution engendrée par les chantiers d’exploitation, déforestation chaque année de près de 500 hectares de forêt ou encore apparition de foyers infectieux en raison de l’imprégnation mercurielle. Indépendamment du manque à gagner résultant du vol de 10 tonnes d’or chaque année, évalué à 500 millions d’euros, les opérations de répression contre ce fléau écologique et sécuritaire coûtent annuellement au contribuable français 70 millions d’euros.

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