Polémiques autour du bicentenaire de Napoléon : « Il s’agit d’éradiquer le passé »

3 mars 2021 ACTUALITÉS

Diplômé en droit et en études politiques, spécialiste du Consulat et de l’Empire auxquels il a consacré de nombreux ouvrages, Thierry Lentz est le directeur de la Fondation Napoléon depuis 2000.

L’année 2021 marque le bicentenaire de la disparition de Napoléon Ier, mort le 5 mai 1821 en exil à Sainte-Hélène, et sera l’occasion de commémorations.

Alors que de nombreux évènements sont prévus en France, notamment des expositions, des conférences, des colloques ou des publications, des voix se sont élevées pour protester contre les commémorations du bicentenaire de la mort de l’Empereur.

Certains reprochent notamment à l’une des figures historiques préférées des Français d’avoir rétabli l’esclavage, d’avoir été un despote sanguinaire ou encore d’avoir consacré le fonctionnement patriarcal de la société dans le Code civil.

Des polémiques qui reviennent fréquemment et dont certains militants décoloniaux, racialistes ou féministes n’hésitent pas à s’emparer sous couvert de cancel culture, un phénomène venu des États-Unis qui consiste entre autres à dénoncer le comportement de personnalités à l’aune de valeurs et de mœurs contemporaines avant de réclamer leur disparition pure et simple du paysage public.

Pour Thierry Lentz, l’action de Napoléon doit être replacée dans son contexte historique et ne peut pas se résumer aux critiques qui lui ont été adressées dans le cadre de la commémoration du bicentenaire de sa mort.

« On ne peut pas réduire l’œuvre napoléonienne au rétablissement de l’esclavage, à quelques opérations policières un petit peu musclées, etc. »

« Napoléon est un personnage complexe, il a des côtés ensoleillés, il a aussi des côtés sombres que personne n’a jamais niés. »

« Napoléon est un chef d’État comme la France n’en a pas eu beaucoup. »

« Napoléon a incarné la fin d’un vieux rêve français qui était de faire de la France l’État prépondérant en Europe, celui qui dirigerait un système européen très organisé dans lequel la France ne serait pas hégémonique, mais serait la principale puissance. Il est le dernier élément de ce rêve français que nous n’avons jamais abandonné, mais qui n’a plus jamais pu être réalisé après lui. »

« Napoléon est responsable de la fondation de la société dans laquelle nous vivons, qu’il s’agisse des institutions, de l’urbanisme, du Code civil. »

« Cette science de l’organisation de l’État, de l’organisation de l’administration a été la grande force de ce pays pendant deux siècles, puisque nous nous sommes payé le luxe de changer de régime à peu près tous les vingt ans et que l’État est resté grâce à cette structure très puissante qui correspondait aussi à un besoin, à une attente, à une sorte de consensus national qui a duré jusqu’au début des années 80. »

Et le président de la Fondation Napoléon de regretter que l’Empereur ait « quitté le domaine de l’histoire pour entrer dans le domaine des sensibilités contemporaines, c’est-à-dire la concurrence victimaire, le postcolonialisme, la détestation de l’autorité, de l’État, de la France, de la nation et de tout ce qu’elle peut représenter. »

« Les sensibilités contemporaines viennent se mêler à tout ça, ce qui fait que le débat s’enflamme et devient parfois irraisonnable, irraisonné, irrationnel et échappe finalement à l’historien. »

« Il s’agit d’éradiquer le passé, y compris de le changer, de nier un certain nombre de choses. Or ça, ce n’est pas le travail de l’historien, c’est le travail du militant, de celui qui veut absolument faire triompher sa cause. »

« C’est comme si ces gens étaient profondément agacés qu’il y ait quelque part des gens qui soient heureux, à qui ça puisse faire plaisir, des gens qui aiment leur pays, qui aiment leur mode de vie. »

« Avant Napoléon cela a été Colbert, avant cela Jeanne d’Arc. Ce n’est pas l’objectif principal, ils s’en fichent complètement. C’est un symbole, c’est le symbole de la nation, le symbole de la France, ils essaient de ronger, de grignoter ce symbole. »

« Avec Napoléon, ils s’attaquent à un gros morceau. Ce qui est très triste, c’est qu’il se trouve des autorités parfois très haut placé pour tolérer ce genre de choses, qui ne prennent pas part au débat en disant : ‘Écoutez, cela va bien comme cela’. »

« Je suis très frappé de voir que nos dirigeants, pas seulement les actuels mais aussi des dirigeants passés – y compris à l’époque de M. Chirac qui a gâché complètement les commémorations d’Austerlitz par exemple –, n’ont pas cette profondeur de réflexion historique. C’est bien gentil de faire plaisir à tout le monde mais en fait on ne fait jamais plaisir à tout le monde, on fait toujours plaisir à celui qui parle le plus fort. »

« En donnant toujours raison à des minorités, on va finir par mécontenter les majorités et il ne faudra pas s’étonner s’il se passe quelque chose après. »

Pour Thierry Lentz, il est essentiel de faire la part des choses et de conjurer les postures manichéennes.

Le directeur de la Fondation Napoléon déplore également le besoin qu’éprouvent certains militants de souffler sur les braises de l’amertume et du ressentiment en accusant de grandes figures historiques de tous les maux : « L’histoire pourrait servir à réunir les gens, là on essaye de s’en servir pour les diviser. »

« Les amateurs de Napoléon sont extrêmement nombreux et tout à fait conscients du blanc et du noir dans le règne de Napoléon. Ils demandent seulement à pouvoir exprimer leur passion et éventuellement à en tirer quelque chose qui les attache à leur pays, à leur nation. »

« Je ne vois pas pourquoi on a le droit de détruire un pays et pourquoi on n’aurait pas le droit d’essayer de le défendre. »

En évoquant le destin hors du commun de Napoléon, M. Lentz entend également rappeler l’importance du mérite, de la persévérance et du goût de l’effort qui ont rythmé la vie et l’action du petit Caporal. Des valeurs dont le modèle français s’est longtemps fait l’écho, mais qui semblent en passe d’être oubliées aujourd’hui.

« Ce que montre Napoléon dans son parcours, mais aussi dans la façon dont il récompense, dont il promeut, c’est l’importance du mérite. »

« Le mérite, qui sous-entend un peu d’effort, un peu de conscience, d’amour du métier, aujourd’hui est totalement dévalorisé. On en vient pour des raisons raciales ou pour des raisons de provenance sociale à gommer le mérite dans la façon dont la République promeut ses enfants. »

« Plutôt que de casser un système en y ajoutant une petite dose d’injustice avec les sélections que l’on veut faire maintenant, peut-être faudrait-il restaurer, réinventer, remettre en marche cette machine de la promotion sociale qui a superbement bien fonctionné dans la France des années 50 ou 60. »

« Le mérite ne servira plus à rien, il suffira d’avoir été victime ou de se sentir injustement condamné à un déclassement social ou à je ne sais quoi d’autre pour avoir droit à quelque chose. Or, le mérite est quand même ce qui fait qu’une société avance et qu’elle est meilleure. »

Au cours de sa longue et riche histoire, la France a connu plusieurs sauveurs qui ont surgi à des moments critiques afin de préserver notre pays et son héritage.

Si Napoléon Bonaparte fut l’un de ceux-là, comme l’a brillamment souligné l’historien Jean Tulard, les temps ont changé et l’émergence prochaine d’un nouvel homme providentiel, si elle ne peut pas être écartée, apparaît toutefois ardue, voire incertaine selon Thierry Lentz.

« La France se cherche souvent, même presque toujours, un sauveur. »

« Le sauveur, il doit éclore ; de nos jours, il doit faire attention à toutes les implications judiciaires, à la chasse médiatique. Si un sauveur venait, il serait nécessairement un démocrate car nous ne sommes plus à l’époque où l’on fait des coups d’État pour installer un régime autoritaire. Il devra être prudent, il devra être blanc comme neige et il devra susciter une adhésion assez large. Donc vous voyez que ce sauveur-là a quand même beaucoup de travail avant d’éclore. »

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