« Trois phénomènes extraordinaires suggèrent que la conscience ne meurt pas » – Christophe Fauré

20 février 2024 Esprit de Liberté

Christophe Fauré est psychiatre et psychothérapeute. Spécialiste de l’accompagnement des ruptures de vie et du deuil, il a travaillé plusieurs années dans des unités de soins palliatifs à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif, au service des maladies infectieuses de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière ou encore à la maison médicale Jeanne Garnier à Paris. 

Il est également conférencier et auteur d’une dizaine d’ouvrages aux éditions Albin Michel.

Dans le livre « Cette vie… et au-delà : enquête sur la continuité de la conscience après la mort », Christophe Fauré s’intéresse à plusieurs phénomènes extraordinaires autour de la mort tels que les Expériences de mort imminente (EMI), les Expériences de fin de vie (EFV) et les Vécus subjectifs de contact avec un défunt (VSCD). 

Étudiés depuis plusieurs décennies par des universitaires, des médecins, des psychiatres ou des psychologues, ces phénomènes étranges qui défient les postulats actuels au sujet de la nature de la conscience ont fait l’objet de nombreuses publications dans des revues scientifiques renommées.

« Nous ne sommes plus dans le domaine de la croyance sur la nature de la conscience mais bien dans celui de la connaissance scientifique. Une connaissance qui découle de centaines de milliers de témoignages collectés depuis plus de soixante ans », souligne Christophe Fauré. 

Des expériences qui induisent de profonds changements

Dans le cadre de son activité de psychiatre, Christophe Fauré a d’ailleurs lui-même recueilli de nombreux récits d’EMI, d’EFV ou de VSCD de la part des personnes qu’il accompagnait ces dernières années. 

« C’était en soi très déroutant. Mais plus encore, je ne pouvais que constater l’effet extrêmement positif de l’immense majorité de ces expériences sur les personnes qui les avaient vécues. Beaucoup en ressortaient profondément transformées, apaisées, jetant sur leur vie un regard différent. C’est cette dimension qui m’a interpellé. Car je suis avant tout médecin », explique le praticien.

Selon Christophe Fauré, les transformations les plus notables concernent généralement les personnes ayant vécu une EMI. 

« On observe une diminution nette, voire une disparition de la peur de la mort », remarque-t-il, mais aussi « davantage de sérénité, de joie de vivre, de capacité à vivre plus intensément dans le présent, en relativisant les petits tracas du quotidien ».

Les changements induits par les EMI peuvent aussi comprendre « une plus grande capacité d’amour et d’empathie », une considération accrue accordée aux relations avec autrui, la tolérance, la compassion et l’entraide devenant particulièrement importantes. 

« Les personnes qui font une EMI comprennent que deux critères sont déterminants au moment de faire le bilan de leur vie : la façon dont elles ont aimé dans les petites et les grandes choses ; et ce qu’elles ont appris d’elles-mêmes, du monde et des autres. Ces personnes comprennent que leurs actes, leurs paroles et leurs pensées ont une incidence profonde. »

Christophe Fauré souligne également que les personnes ayant vécu une EMI manifestent souvent une meilleure estime d’elles-mêmes et une plus grande confiance tandis que le jugement des autres « perd considérablement de son emprise » sur elles.   

Il insiste aussi sur la modification de l’échelle de valeurs, l’attachement aux biens matériels, à la compétition, à la réussite professionnelle et financière ou au statut social tendant à diminuer. 

Si les témoignages d’EMI et les transformations profondes qu’elles entraînent peuvent paraître fascinants et laisser « penser que ces expériences ne sont qu’amour et félicité », Christophe Fauré souligne toutefois qu’il existe aussi des EMI négatives. 

Des expériences désagréables, parfois effrayantes – certains témoins rapportant une impression de néant, de peur, de désolation ou la perception d’êtres menaçants  qui restent relativement mystérieuses. 

« On ignore ce qui détermine la survenue d’une EMI négative. Il n’y aurait aucune corrélation entre le fait que les personnes qui les vivent soient de “bonnes” ou de “mauvaises” personnes : rien ne laisse penser que seules les “mauvaises” personnes vivraient des EMI négatives ; même des personnes clairement malveillantes et hostiles rapportent des EMI positives », remarque le thérapeute. 

Une remise en question de la nature de la conscience

Pour Christophe Fauré, l’étude des phénomènes extraordinaires autour de la mort invite à réfléchir sur la nature de la conscience humaine.

En suggérant la continuité de la conscience après la mort physique, les EMI, les EFV ou les VSCD interrogent en effet la validité du paradigme scientifique actuel selon lequel la conscience humaine est uniquement le produit du cerveau.

« Ces différentes expériences apportent chacune des arguments qui iraient dans le sens de la continuité de la conscience. En croisant ces lignes d’arguments, nous arrivons à un nœud assez serré qui rend cette hypothèse très pertinente, très plausible. Là où se pose le problème, c’est que cela ne rentre pas dans le postulat scientifique actuel », confie le docteur Fauré.

« La science se fonde actuellement sur une vision du monde “matérialiste”, au sens où il est affirmé que tout découle de la matière, tout est un ensemble de particules, atomes, molécules, etc., dont les agencements et les intéractions construisent la réalité et sont à l’origine de tout ce qui est, de tout ce qui se manifeste. Selon cette conception matérialiste, la conscience relève donc de la matière. […] Produit du cerveau, résultat de l’infinie complexité de l’activité neuronale, elle ne peut exister en dehors de celui-ci. Tout ce qui tend à supposer le contraire est par conséquent faux et non scientifique. »

« Un grand problème se pose : ce postulat qui établit que la conscience est uniquement le résultat de l’activité cérébrale n’a jamais été démontré. Aucune étude ni recherche n’a permis de prouver que les électrons, les atomes, les molécules, etc., peuvent produire ou générer quelque chose qui s’apparenterait à la conscience. Il n’existe aucune preuve définitive qui atteste, de façon incontestable, que la conscience résulte du fonctionnement du cerveau. En d’autres termes, ce qui est considéré comme une “vérité scientifique” n’est qu’une croyance, un point de vue… bref, un paradigme », rappelle Christophe Fauré.

« Nous sommes vraiment à un point charnière. Les nouvelles données issues des EMI, des EFV ou des VSCD nous invitent à réexaminer le paradigme scientifique en vigueur. Peut-être que d’ici une petite décennie, nous observerons ce changement de paradigme qui, pour certains scientifiques anglo-saxons qui ne sont pas la majorité, bien sûr est déjà de l’ordre de l’évidence, et qui va progressivement, selon eux, devenir notre nouvelle perception de la conscience. Cette nouvelle conception de la nature de la conscience pourrait bouleverser notre vision du monde. Nous n’en mesurons pas encore les implications, tant pour notre société que pour les êtres humains », poursuit le praticien.

Une source d’inspiration riche d’enseignements

Mais pour Christophe Fauré, « une des promesses de ces incroyables phénomènes n’est pas tant de suggérer la continuité de la conscience au-delà de la mort physique que de nous inspirer sur la façon de mener notre vie ». 

Au-delà de leur aspect captivant et des bouleversements que ces phénomènes au seuil de la mort pourraient induire sur notre compréhension de la nature de la conscience, Christophe Fauré insiste en effet sur les enseignements que nous pouvons tirer de ces expériences extraordinaires « pour fertiliser notre existence » et tenter de trouver une forme de paix intérieure. 

« Tous ces témoignages portent le même enseignement : cette vie a du sens, elle n’est pas absurde, elle veut dire quelque chose. En dépit des souffrances, des épreuves et des injustices, il y a quelque chose d’important à vivre dans cette vie, nous avons des choses à apprendre. »

Selon Christophe Fauré, les enseignements délivrés par les expériences extraordinaires autour de la mort nous proposent d’ailleurs une éthique de vie articulée autour de deux axes fondamentaux : la sagesse et l’amour. 

Deux piliers intimement mêlés selon lesquels « nous pourrions orienter et ajuster notre existence – pour nous apprendre à vivre mais aussi pour nous apprendre à mourir. »

« Même si les EMI, VSCD, EFV ne font pas référence à des religions ou des spiritualités particulières, force est de constater que les messages véhiculés par ces expériences les rejoignent souvent. La différence majeure est que ces phénomènes n’enferment dans aucun dogme, dans aucune croyance. C’est là toute leur puissance », conclut le psychiatre.