ÉCONOMIE CHINE

Un économiste censuré explique pourquoi l’économie chinoise vacille

mars 5, 2024 20:21, Last Updated: mars 5, 2024 20:21
By Jane Tao et Cathy Yin-Garton

Dans une démarche qui inquiète les observateurs de la Chine, Pékin réprime les critiques à l’égard de l’économie chinoise. L’année dernière, la censure des articles financiers s’est considérablement accrue, et les mesures répressives se sont multipliées en 2024. Dans une série de messages publiés sur son compte officiel WeChat, le ministère chinois de la sécurité de l’État a demandé avec insistance aux citoyens de ne pas écouter les « faux récits » sur l’économie, et les a avertis que les agences de sécurité allaient redoubler d’efforts pour faire taire les propos négatifs sur l’économie.

Parmi ceux qui ont souligné le déclin de l’économie chinoise, et qui ont été censurés pour cela, figure Chen Shouhong, un économiste chinois connu pour sa connaissance des tendances mondiales en matière d’investissement. Plus connu sous le nom de « Ge Long », Chen Shouhong est le fondateur de Gelonghui, une plateforme d’information en ligne sur les investissements mondiaux. Dans une vidéo publiée sur Weibo à l’automne dernier, il a mis en évidence trois raisons pour lesquelles l’économie chinoise est en crise. Sans surprise, la vidéo a été rapidement supprimée par les censeurs du Parti communiste chinois (PCC).

Une vérification des faits effectuée le 23 février par Epoch Times a révélé que le compte Weibo de Chen Shouhong, qui compte 377.000 abonnés, avait été suspendu. L’explication fournie par Weibo était simplement la suivante : « L’utilisateur est actuellement soumis à une interdiction en raison d’une violation des lois et règlements en vigueur.

La compétence de Chen Shouhong est solide. Titulaire d’un Ph.D. en finance de l’Université d’économie et de droit de Zhongnan, il est actuellement président-directeur général de Gelonghui Information Technology (Group) Co, Ltd. Avec 25 ans d’expérience dans le domaine des investissements nationaux et étrangers, ses points de vue ont un poids important dans les cercles économiques.

Chen Shouhong a examiné la situation sous trois angles, à la lumière de la politique économique de « double circulation » du PCC. Il a exprimé sa crainte de voir la Chine s’engager sur la voie de « l’isolement et de la fermeture, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur ». Il a averti qu’une telle trajectoire pourrait faire de l’économie chinoise une « économie isolée obligée de s’appuyer uniquement sur la circulation interne ».

Vers la fin de l’année 2023, la censure de la vidéo de Chen Shouhong a suscité de vives discussions au sein des communautés en ligne. Publiée sur sa chaîne personnelle, « Talking About Stocks Today », la vidéo abordait trois aspects essentiels de la « circulation externe » de l’économie chinoise, à savoir le commerce international et l’investissement. Ces aspects sont les touristes, les vols aériens et les capitaux.

La circulation externe, comme il l’a expliqué, désigne l’interaction entre l’offre et la demande au sein de la chaîne industrielle internationale. La circulation interne désigne le cycle national de l’offre et de la demande.

Les touristes restent à l’écart

L’analyse de Chen Shouhong s’est concentrée sur la diminution du nombre de visiteurs étrangers en Chine. Il a noté qu’au premier trimestre 2019, la Chine a accueilli 3,7 millions de voyageurs étrangers, alors qu’au cours de la période correspondante de 2023, ce chiffre a chuté à seulement 52.000, soit une baisse stupéfiante de 98,6%.

Une grande partie de ces touristes viennent de Hong Kong et de Macao, laissant un pourcentage encore plus faible de touristes du reste du monde.

Chen Shouhong a averti que cette pénurie n’est pas seulement synonyme de difficultés pour l’industrie du tourisme vers la Chine, mais fait penser également à une situation de quasi-isolement qui n’est pas sans rappeler les années 1970, où l’engagement extérieur diminue non pas en raison de restrictions, mais plutôt d’un manque d’intérêt.

La réorientation des investisseurs étrangers vers des pays comme le Mexique, le Vietnam, l’Inde et l’Indonésie renforce l’appréhension, selon lui. Les répercussions de cette tendance sont considérables.

Un exemple notable est celui de Shanghai, qui abritait une importante population d’expatriés. La ville a vu de nombreux résidents étrangers partir à la suite des confinements zéro Covid et d’autres mesures. Selon un rapport de la section de Shanghai de la Chambre de commerce de l’Union Européenne en Chine, la ville a perdu environ 25% de sa population allemande et 20% de ses résidents français et italiens.

Des habitants de Shanghai se sont entretenus avec Epoch Times sur l’impact de cet exode. Une habitante de Shanghai, Chen King (un pseudonyme), a confié dans une interview du 21 février qu’avant la pandémie, elle voyait parfois tellement d’étrangers dans le quartier central de Huangpu qu’elle avait l’impression d’être à l’étranger. Aujourd’hui, elle déplore la présence beaucoup moins importante d’étrangers dans la ville. Un ami chauffeur de taxi, dit-elle, ne prend des étrangers qu’une ou deux fois par semaine, alors qu’avant la pandémie, il en conduisait tous les jours.

Un autre habitant de Shanghai, qui a demandé à ne pas être nommé, a souligné le profond impact psychologique des politiques chinoises de « zéro Covid », qui ont suscité la peur chez les habitants comme chez les étrangers.

Peu de vols vers la Chine

Chen Shouhong a noté l’effondrement du trafic aérien entre les États-Unis et la Chine. Avant la pandémie, il y avait environ 1200 vols par mois entre les deux pays. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’environ 70 vols par mois entre les États-Unis et la Chine.

Au cours des 70 dernières années, 70% de l’excédent commercial de la Chine en matière de production étrangère provenait des États-Unis. Que faut-il en déduire, lorsque les vols quotidiens entre la Chine et les États-Unis sont si peu nombreux et cela en l’absence d’épidémie ?

Frank Xie, professeur de commerce à l’Aiken School of Business de l’université de Caroline du Sud, a analysé la situation économique de la Chine dans une interview accordée à Epoch Times le 22 février. Selon lui, la réduction du nombre de visiteurs étrangers, de vols et de capitaux est liée. C’est le résultat de la séparation de l’économie chinoise de celle de l’Europe et des États-Unis, du transfert de l’ensemble de la chaîne industrielle et du retrait des capitaux occidentaux de la Chine.

« Les mesures rétrogrades du PCC, les méthodes de répression utilisées à Hong Kong et au Xinjiang, sont également perceptibles par les touristes étrangers, dont les hommes d’affaires et les touristes. C’est pourquoi les hommes d’affaires n’y vont pas et les touristes n’osent pas y aller ».

Frank Xie a fait remarquer qu’outre les hommes d’affaires et les touristes, un grand nombre de ceux qui voyagent en Chine depuis les États-Unis sont des étudiants et des personnes participant à des programmes d’échanges universitaires. La diminution des programmes d’échanges universitaires due à la pandémie et aux tensions géopolitiques a également eu un impact significatif sur le nombre de vols.

Réduction des investissements étrangers

Le troisième facteur évoqué par Chen Shouhong est la réduction des investissements étrangers. Selon lui, au premier trimestre 2022, les investissements directs des entreprises étrangères en Chine s’élevaient à 101,2 milliards de dollars ; cependant, au deuxième trimestre 2023, ce chiffre a chuté de façon vertigineuse pour atteindre seulement 4,9 milliards de dollars, son niveau le plus bas depuis la crise fiscale de l’Asie du Sud-Est en 1998.

Une autre série de données montre qu’en 2022, 114 fonds en devises étrangères ont été levés en Chine, soit une réduction de plus de 40 % par rapport à 2021. Au cours du premier semestre 2023, il n’y a eu que 87 cas de fonds en devises étrangères investissant en Chine, soit une baisse de plus de 87% en nombre et de plus de 57% en valeur par rapport à 2022. Au cours du premier semestre 2023, les fonds de capital-investissement axés sur la Chine n’ont levé que 1,4 milliard de dollars.

Chen Shouhong a cité trois éléments fondamentaux du développement économique : les personnes, la logistique et les flux de capitaux. Les données clés du cycle externe mentionnées ci-dessus se sont toutes contractées. Si la contraction est due à la pandémie, il y a encore une chance de correction.

Toutefois, si la contraction est due aux guerres commerciales et à la géopolitique, les perspectives sont beaucoup plus pessimistes pour la génération actuelle, en raison d’un renversement structurel à long terme de l’économie chinoise.

L’analyste a également souligné que la Chine a été l’un des principaux bénéficiaires de la mondialisation au cours des dernières décennies. Si la Chine s’oriente vers un « isolement interne et externe, des blocages internes et externes » et que son économie redevient une « économie insulaire », les conséquences seront inimaginables. Si des changements fondamentaux ne sont pas apportés, a-t-il déclaré, « nous subirons d’énormes pertes qu’il sera difficile de compenser ».

Frank Xie a attribué la chute des investissements étrangers en partie à la suppression par le PCC de l’information et de la dissidence sous le couvert de la sécurité nationale. Certaines entreprises étrangères qui évaluent et étudient la Chine ont été contraintes de se retirer. Sans les informations fournies par ces sociétés, les investisseurs étrangers volent pour ainsi dire à l’aveuglette. Incapables d’évaluer l’état réel de la société et de l’économie chinoises, ils ont peur d’investir.

« Depuis 2017, les États-Unis poursuivent leur guerre tarifaire contre le PCC […]. Après 2020, il y a eu un blocus technologique. En tant qu’usine du monde, la Chine a fermé ses portes », a expliqué Frank Xie.

Frank Xie estime que « les mesures rétrogrades du PCC, son hostilité à l’égard des hommes d’affaires étrangers, conjuguées à l’endiguement du PCC par l’Occident, au blocus technologique et à la confrontation générale dans les domaines politique, économique, militaire, culturel, éducatif et dans tous les autres domaines, ont fait du PCC l’enfant abandonné de la communauté internationale, une île ».

Il pense que l’ampleur du déclin économique de la Chine est bien pire que ce qui a été rapporté, peut-être jusqu’à « -5, -6% ». Il ajoute : « Je pense que l’économie chinoise est en train de régresser jusqu’à la situation qui prévalait avant l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce en 2001, et que le déclin économique durera au moins jusqu’en 2025 ».

Le PCC continue de « se vanter et de tromper » au sujet de sa croissance économique de l’année dernière, a assuré Frank Xie, alors que personne – pas même le peuple chinois – ne croit que l’économie chinoise a progressé de 5,2%.

« Les trois forces motrices de l’économie du PCC – les exportations, les investissements et la consommation – sont toutes au point mort […]. La population de la Chine diminue, de même que sa main-d’œuvre », a-t-il ajouté. Compte tenu de ces facteurs, « comment son économie pourrait-elle encore croître de la sorte ?

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