L’URSS et la Chine ont aidé la Corée du Nord à développer son programme d’armement nucléaire

8 février 2018 Asie / Pacifique

Sans avoir de réserves de pétrole et malgré ses réserves de charbon qui restent limitées, la Corée du Nord manque de manière générale de ressources énergétiques. Cependant, elle est riche en uranium et se classe parmi les premiers pays du monde possédant des réserves de graphite. En 1953, peu après la fin de la guerre de Corée, Kim Il-sung a informé ses hauts fonctionnaires qu’il était impératif qu’ils acquièrent des armes nucléaires, marquant ainsi le point de départ du programme nucléaire nord-coréen.

Toutefois, la Corée du Nord n’aurait pas réussi sans le soutien de ses puissants alliés communistes, l’Union soviétique et la Chine. En examinant les preuves historiques, on peut voir leur soutien.

Anciens spécialistes de l’URSS

En 1962, sur invitation, un groupe de recherche sur le nucléaire venant d’URSS et dirigé par Vladislav Kotlav s’est rendu dans la région montagneuse du Nord de la Corée du Nord pour construire des installations, qui allaient devenir ce qu’est aujourd’hui le Centre de Recherche scientifique nucléaire de Yongbyon. Le Centre de recherche comptait plus de 100 techniciens et chercheurs nucléaires, dont la plupart étaient de jeunes spécialistes soviétiques qui avaient étudié la physique nucléaire en URSS. En outre, selon l’Initiative contre la menace nucléaire, un organisme de recherche basé aux États-Unis, Vladislav Kotlav et son équipe de scientifiques soviétiques  ont supervisé la construction d’un réacteur à eau légère, le réacteur de recherche nucléaire IRT-2000, pour la Corée du Nord. Le réacteur nucléaire a été achevé en 1965.

Qui plus est, le réacteur à eau légère (REL) de Corée du Nord a été construit en prévision de la fabrication d’armes nucléaires. Mais il est difficile d’extraire du plutonium, une matière première essentielle à la fabrication d’armes nucléaires, avec un tel réacteur. Le réacteur à eau légère n’était que le début d’un ambitieux programme nucléaire nord-coréen. L’achèvement du réacteur à eau légère de Yongbyon a attiré l’attention des États-Unis. Depuis les années 1960, les États-Unis surveillent de près le Centre de Recherche scientifique nucléaire de Yongbyon. La même année de l’achèvement du réacteur, un satellite de reconnaissance américain a photographié le réacteur. Plus tard en 1967, 1970 et 1975, Yongbyon agrandit ses installations nucléaires. En dépit des renseignements sur le développement nucléaire de la Corée du Nord, les États-Unis n’étaient pas préoccupés par l’ambition du pays de mettre en place un programme d’armement nucléaire avant le milieu des années 1980, d’après des rapports déclassifiés du renseignement américain.

Un écran de télévision de Séoul (Corée du Sud) présente des images de la démolition publique de la tour de refroidissement nord-coréenne du complexe nucléaire de Yongbyon le 27 juin 2008. (Jung Yeon-Je/AFP/Getty Images)

L’événement de la désintégration de l’URSS en 1991 a offert à la Corée du Nord une occasion des plus favorables. Des dizaines de scientifiques soviétiques spécialisés dans la recherche sur les armes nucléaires n’avaient plus d’emploi et la Corée du Nord tenait beaucoup à les embaucher.

En décembre 1992, lors d’un discours prononcé au parlement russe, Viktor Barannikov, alors directeur du service de contre-espionnage de la Russie, FSK, a révélé que ses agents avaient empêché 64 spécialistes des missiles russes de se rendre dans un certain pays pour y construire des complexes de missiles capables de livrer des armes nucléaires. Il n’a pas révélé quel était ce pays, mais les journalistes ont localisé les scientifiques en question qui se dirigeaient vers la Corée du Nord, comme le décrit en détail le « Programme nucléaire nord-coréen », un recueil d’articles universitaires sur les recherches publié en 2000.

Toujours en 1992, les autorités russes ont fait une descente et arrêté un vol sur le point de décoller de Moscou, qui transportait 36 experts russes de la conception de missiles à destination de la Corée du Nord pour y être recrutés en vue de la conception de missiles. Ces scientifiques sont issus d’un centre de recherche et développement nucléaire situé dans l’Oural, selon un rapport de United Press International. On leur a promis des salaires mensuels équivalents entre 1 211,95 € à 3 635,93 €.

Aujourd’hui, on ignore toujours combien d’experts de l’armement nucléaire engagés par la Corée du Nord auraient déjà travaillé pour l’URSS, mais ces scientifiques et techniciens auraient été des cibles de choix, sur lesquelles la Corée du nord aurait jeté son dévolu.

Vers la Corée du Nord par le biais du Pakistan et de la Chine

La Corée du Nord a également noué des liens avec « le père de la bombe nucléaire pakistanaise » et le physicien nucléaire Abdul Qadeer Khan (A. Q. Khan). Après son arrestation, Abdul Qadeer Khan a admis qu’il avait vendu à la Corée du Nord plus de 20 centrifugeuses P1 et P2 pour l’enrichissement de l’uranium en 1990. Il avait visité les installations nucléaires nord-coréennes, tandis que des chercheurs nucléaires nord-coréens se rendaient secrètement au Pakistan. Selon les experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), la technologie d’extraction du plutonium utilisée par le réacteur nucléaire de Yongbyon porte le sceau du Pakistan.

Le scientifique nucléaire Abdul Qadeer Khan à la Haute Cour de Rawalpindi au Pakistan le 9 janvier 2010. (Le crédit de photo doit lire BEHROUZ MEHRI/AFP/Getty Images)

Dans ses mémoires publiés en 2006, l’ancien président pakistanais Pervez Musharraf a reconnu que la Corée du Nord s’était engagée dans des transactions secrètes avec un réseau international clandestin de trafic nucléaire dirigé par M. Khan. Ce dernier est titulaire d’un doctorat en génie métallurgique et travaille pour une société d’enrichissement de l’uranium aux Pays-Bas. En 1974, A. Q. Khan vole les plans de fabrication des centrifugeuses et retourne au Pakistan où il démarre, avec l’aval du Premier ministre, la recherche nucléaire pakistanaise sur les armes nucléaires. Le Président Musharraf a admis que, sous la direction d’Abdul Qadeer Khan, la principale source de matières et de technologies pakistanaises pour la fabrication d’armes nucléaires avait été un réseau souterrain qui fonctionnait principalement dans les pays européens développés. Peu de temps après, M. Khan a créé son propre réseau de trafic clandestin et la Corée du Nord était l’un de ses plus gros clients. Selon les mémoires de Pervez Musharraf, A. Q. Khan aurait vendu près de vingt centrifugeuses P1 et P2 à la Corée du Nord, en plus de leur fournir des équipements de mesure et du carburant pour faire fonctionner les centrifugeuses. Il aurait également invité les spécialistes nord-coréens visiter son atelier de centrifugeuses pourtant secret.

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), chargée sous l’égide de l’ONU d’enquêter sur les activités d’A. Q. Khan, était choquée de découvrir à quel point son réseau était vaste. Son enquête a révélé qu’une trentaine d’entreprises de 30 pays ont été impliquées dans ce marché noir.

Mais d’où exactement le Pakistan tire-t-il la technologie de son armement nucléaire ? Huang Ciping, ancien chercheur à l’Institut chinois de l’énergie atomique, un institut de recherche d’État des années 1980, a déclaré dans une interview accordée en février à la chaîne chinoise New Tang Dynasty Television : « Notre travail consistait en partie à transmettre nos technologies nucléaires au Pakistan et à d’autres pays. Ils ont envoyé des experts ici pour apprendre de nous et la Chine a aussi envoyé nos experts spécialement au Pakistan pour leur fournir une assistance technique. »

La Chine a également transmis des matières premières nucléaires. En 2009 le Washington Post a publié des extraits de comptes-rendus écrits par M. Khan que le journal avait pu obtenir. Il écrivait qu’en 1982, la Chine avait fourni au Pakistan 50 kilogrammes d’uranium enrichi de qualité militaire, soit assez pour fabriquer deux bombes nucléaires. Selon le Washington Post, les comptes-rendus de M. Khan confirment la conclusion de longue date de la communauté américaine du renseignement selon laquelle la Chine aurait fourni une telle assistance.

En septembre 2001, les États-Unis ont imposé des sanctions à la société d’État China Metallurgical Equipment Corporation (MECC) pour avoir vendu des pièces de missiles au Pakistan. Huang Ciping a expliqué la raison pour laquelle la Chine aidait le Pakistan : « Parce que la Chine ne s’entend pas avec l’Inde, la Chine a donc aidé le Pakistan (à mettre au point des armes nucléaires) à contrer l’Inde. Ayant été témoin de tels actes irresponsables, j’ai commencé à douter sérieusement si ces technologies avancées finiraient par apporter des avantages ou des désastres à l’humanité. »

Le 7 janvier 2018, un homme passe devant un restaurant nord-coréen situé dans l’une des plus grandes villes chinoises de Shenyang City, dans la province du nord-est du Liaoning. (Chandan Khanna/AFP/Getty Images)

Plus d’une décennie après, les entreprises chinoises ont continué d’aider la Corée du Nord. Le 11 février 2013, le département d’État des États-Unis a publié – en vertu de la Loi sur la non-prolifération de l’Iran, de la Corée du Nord et de la Syrie – une liste d’entreprises et de particuliers auxquels il avait imposé des sanctions pour avoir participé à la prolifération des armes avec ces pays. Un certain nombre d’entreprises chinoises ont été impliquées, comme celles de BST Technology and Trade Company, China Precision Machinery Import and Export Corporation, Dalian Sunny Industries et le groupe d’État Poly Technologies Incorporated. « Ces entités ont contribué matériellement (sinon ont présenté un risque de contribuer matériellement) à la prolifération des armes de destructions massives ou de leurs vecteurs (y compris les missiles capables de délivrer de telles armes) », a déclaré le département d’État.

Selon Chen Pokong, analyste et auteur sur la politique chinoise, la Chine avait également un autre motif caché. M. Chen, citant des documents de Wikileaks qui ne semblent plus être disponibles, raconte que le vice-premier ministre Qian Qichen, dans le but de sauver son fils des accusations de corruption, a déclaré aux services de renseignement américains que les capacités nucléaires de la Corée du Nord avaient été encouragées par Pékin pour contrer l’influence des États-Unis sur Taïwan. Par le biais de pourparlers à six qui allaient s’éterniser indéfiniment, l’objectif ultime des deux pays était de faire choisir aux États-Unis d’abandonner Taïwan ou de faire face à la guerre avec la Corée du Nord.

Traduit du chinois et revu par Annie Wu.

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