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Violence des mineurs : « Les jeunes n’ont plus d’empathie et sont incapables de s’identifier à une victime », déplore Régis Lemierre

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Photo: Shutterstock

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Durée de lecture: 9 Min.

ENTRETIEN – Les mineurs semblent être de plus en plus impliqués dans des actes de violences. En témoignent le nombre croissant de ceux qui rejoignent le monde du narcotrafic ou ceux qui participent aux violences urbaines comme à Limoges, Saint-Ouen ou Nîmes ces dernières semaines.
Régis Lemierre est ancien éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse. Pendant une quarantaine d’années, il a côtoyé les jeunes issus des quartiers difficiles et des cités et a observé un changement de comportement chez ces derniers. Selon lui, les mineurs d’aujourd’hui sont plus enclins à la violence. Il dénonce également un système pénal des mineurs « totalement dépassé » face à ce phénomène.

(Crédit photo Régis Lemierre)

Epoch Times – Régis Lemierre, au regard des récents événements de Limoges, de Saint-Ouen et de Nîmes, comment décryptez-vous cette violence des mineurs ? Quelles en sont les causes ?
Régis Lemierre – Les causes sont nombreuses. Je note d’abord que cette violence s’exprime la plupart du temps dans les quartiers difficiles où le trafic de drogues prospère. Et puis, tout en prenant les précautions qui s’imposent, je pense qu’il y a un lien entre cette violence et une partie de l’immigration.
Évidemment, cela n’a pas toujours été le cas. Il y a environ cinquante ans, j’ai travaillé dans la région de Nanterre avec des familles issues de la première vague d’immigration marocaine, algérienne et tunisienne. Ces personnes qui avaient un travail, ne songeaient qu’à une seule chose : l’intégration. Et je peux vous garantir que quand leurs enfants commettaient des délits, ils savaient les réprimer.
Mais la situation a commencé à dégénérer avec l’instauration du regroupement familial sous Valéry Giscard d’Estaing. Nous avons fait venir des immigrés qui maîtrisaient mal la langue française et qui n’avaient pas l’intention de respecter les codes de la société française.
S’est ajouté à cela une perte de l’autorité parentale souvent liée à la culture. Chez certains immigrés, le garçon a tous les droits, a autorité sur les filles et par conséquent, les parents n’osent rien dire et sont d’une certaine manière complices de ces derniers quand ils commettent des actes de violence.
Dans ces quartiers, ce sont d’ailleurs très souvent les garçons qui deviennent violents. Les filles, pour la plupart, arrivent très bien à s’en sortir, font des études et in fine parviennent à s’extraire de ces cités. Ce laxisme parental vis-à-vis des garçons est un sérieux problème.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas venir en aide aux familles, surtout ce qu’on appelle aujourd’hui les familles monoparentales. Mais quand elles refusent de coopérer, il ne faut pas hésiter à les sanctionner et sortir de la vision gauchiste de la situation qui veut nous faire croire qu’en raison de leur situation précaire, ces familles n’arrivent pas à éduquer leurs enfants.
C’est faire injure à toutes les familles modestes qui éduquent correctement leurs enfants
Quel rôle jouent les réseaux sociaux dans cette violence ? Ils sont parfois accusés d’entraîner un « effet de groupe ».
J’ai connu une époque où les réseaux sociaux n’existaient pas et la violence était déjà là.
J’analyse donc les réseaux sociaux comme un accélérateur de ce phénomène. Je me souviens du « happy slapping » au début des années 2000. À l’époque, des jeunes s’amusaient à tabasser des gens, ils filmaient la scène et publiaient les vidéos sur l’internet.
Et vous avez raison de rappeler que les réseaux sociaux favorisent les comportements moutonniers. Regardez ce qui s’est passé lors des émeutes de juin 2023 à la suite de la mort de Nahel. Elles ont été amplifiées par des appels à la violence lancés sur ces mêmes réseaux sociaux. Il y a donc urgence à les réguler.
Vous défendez un durcissement de la justice des mineurs. Pourquoi est-elle inefficace aujourd’hui ?
Le système pénal des mineurs est aujourd’hui complètement dépassé. On vit toujours sur la philosophie de l’ordonnance de 1945 qui fait de la prison une exception pour les jeunes. Ils ne sont que peu ou pas sanctionnés quand ils menacent ou agressent des personnes alors qu’ils devraient, à mon sens, être condamnés à des peines courtes mais dissuasives.
À l’évidence, les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus ceux de l’après-guerre. Ils sont bien plus violents – contrairement à ce qu’affirment certains sociologues et psychologues. Je l’ai vu de mes propres yeux. J’ai vu les mineurs changer au cours de ma carrière.
Et ce qui m’a le plus frappé, c’est leur perte totale d’empathie et d’émotion. Ils agressent des personnes sans regrets. Ils sont incapables de s’identifier à une victime. Ce qui est très nouveau.
Il faut donc rebâtir la justice pénale des mineurs et faire en sorte qu’elle soit à la hauteur des enjeux.
Vous n’êtes donc pas opposé à un abaissement de la majorité pénale à 16 ans ?
Oui exactement. Mais cet abaissement de la majorité pénale doit être suivi d’autres réponses fortes. Encore une fois, des peines courtes, mais dissuasives ou par exemple la révocation du contrôle judiciaire quand ce dernier n’est pas respecté. D’autres pays le font, pourquoi pas nous ?
Je crois que Bruno Retailleau a raison quand il parle de la nécessité de mettre en œuvre une révolution pénale.
En même temps, vous dites que les politiques « ne pensent pas l’éducatif ». Pourriez-vous développer ?
Je pense que si nous voulons faire quelque chose de sérieux, il faut agir sur le recrutement et la formation des éducateurs. C’est-à-dire, pas seulement recruter des personnes qui ont une formation universitaire, mais qui sont très solides mentalement et capables d’assumer des fonctions d’autorité et de gérer des groupes de jeunes violents. Il faut être en mesure de faire ce que j’appelle de la « contenance éducative ». Pour cela, des personnalités affirmées sont nécessaires.
Par ailleurs, je pense qu’au niveau de la formation à l’École Nationale de la PJJ (ENPJJ), un changement de logiciel s’impose. Dans les années 1970, nos formateurs nous faisaient étudier Michel Foucault et notamment : « Surveiller et punir ».
Cet intellectuel parmi d’autres déconstruisait nos institutions et mettait en cause toute sanction, jugée comme répressive, les analysant comme des manifestations et des instruments du pouvoir. L’influence de cette philosophie de la « déconstruction » a sapé les bases de l’autorité, notamment en matière d’éducation.
Nous devons reconstruire cette autorité. Pour ma part, je pense que le comportementalisme pourrait nous y aider. C’est une vision de l’éducation très développée dans les pays anglo-saxons qui s’appuie sur un système de récompenses et de punitions.
Quand le jeune a un comportement vertueux, il reçoit une gratification. À l’inverse, il est puni s’il commet une faute. Bien sûr, l’approche comportementale ne se réduit pas au simple schéma punition/récompense, elle est plus complexe.
Nous devons impérativement utiliser de nouveaux concepts pédagogiques si nous voulons faire changer le comportement des mineurs. Autrement, nous perdrons du temps et serons incapables d’inverser la tendance.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.