Que cache le revirement du gouvernement chinois à l’égard du Falun Gong ?

7 février 2017 07:56 Mis à jour: 15 février 2017 16:21

Au vu des quatre dernières années, on peut dire que l’administration de Xi Jiping n’a montré que peu d’enthousiasme pour poursuivre la persécution particulièrement violente des pratiquants de Falun Gong qui avait été initiée par le gouvernement précédent de Jiang Zemin.

Et nombreux sont les indices qui prouvent que cette administration n’accorde, en réalité, aucun intérêt à cette répression : les camps de travaux forcés ont officiellement été fermés et le nouveau gouvernement a permis aux victimes de poursuivre Jiang Zemin pour crimes contre l’humanité.

Autrefois ceux qui auraient osé entreprendre une telle démarche auraient été incarcérés, torturés et éliminés. Les choses ont donc changé, et les chefs du Bureau 610, l’organe fonctionnant en dehors de toute légalité pour superviser la persécution, ont été purgés. Enfin ni l’armée (qui jouait un rôle important selon les observateurs), ni ses hôpitaux, ni les paramilitaires ne participent plus aux prélèvements d’organes des pratiquants de Falun Gong.

Cependant, les évènements agités du mois de janvier laissent présager que cette persécution ne va pas encore s’éteindre.

En effet, tout récemment, au nom du gouvernement chinois, des manifestants se sont rassemblés devant le Lincoln Center et ont protesté contre la compagnie de danse classique chinoise Shen Yun Performing Arts. Cette compagnie réside à New York et a été fondée par des pratiquants de Falun Gong.

Leur manifestation s’est poursuivie durant toute la période des représentations à New York. Ensuite un article incendiaire paru dans le Global Times, un quotidien national chinois (également édité en anglais), attaquera Shen Yun. Quelques jours auparavant le China Daily a également discrédité la troupe dans un supplément payé pour être diffusé dans des journaux occidentaux.

Enfin le 25 janvier, la Cour populaire suprême chinoise et le Parquet populaire suprême chinois ont modifié l’interprétation des lois contre le Falun Gong, ce qui n’était pas arrivé depuis 2002. Cette initiative sert d’avertissement : la République populaire assume et poursuit sa persécution brutale. Cette répression a déjà privé de leurs droits quelques 70 à 100 millions de citoyens (selon les estimations respectives des autorités et des pratiquants de Falun Gong).

Globalement, tous les observateurs s’accordent pour considérer ce soudain revirement concernant le Falun Gong comme résiduel, on y décèle une situation politique en mutation où Xi Jiping doit apprendre à asseoir son autorité pour contrôler l’État, l’appareil législatif et les médias.

L’an passé, Xi Jiping a officiellement visité les différents locaux des médias nationaux en leur rappelant de ne pas s’écarter de la ligne du Parti. Mais la situation n’est pas simple. En juillet 2015 des centaines d’avocats des droits de l’homme étaient encore incarcérés, détenus, interrogés avec leurs familles. De plus, très récemment Zhou Qiang, le président de la Cour populaire suprême de Chine s’est adressé aux magistrats en les incitant à « dégainer l’épée » pour « résister aux influences occidentales » qui clament « l’indépendance judiciaire », la « séparation des pouvoirs » ou une « démocratie constitutionnelle ».

Ce retournement législatif concernant le Falun Gong vient-il d’ordres directs de Xi Jiping ? Rien n’est moins établi.

Car après avoir lancé la persécution du Falun Gong, Jiang Zemin a placé au sein de l’appareil judiciaire et disciplinaire un grand nombre de ses affranchis en leur accordant des postes importants. Il s’agissait d’ancrer la répression dans la durée.

Ainsi, des hommes comme Li Dongsheng à un très haut niveau dans l’administration en charge des médias, ou Zhou Yongkang, le « seigneur » du pétrole national, ont été affectés à la tête de services spéciaux type Gestapo pour superviser la persécution du Falun Gong, puis l’appareil de sécurité lui-même.

Si les mesures contre la corruption de Xi Jiping ont permis d’évincer Li Dongsheng et Zhou Yongkang, nombreux sont les alliés de Jiang Zemin qui occupent toujours des postes clés.

Et selon Xin Ziling, un ancien responsable de la Défense, proche des voix modérées du leadership, c’est exactement le cas de Zhou Qiang. Selon lui, dans une récente interview accordée à Epoch Times, le président de la Cour suprême semblait apparemment s’être rallié à Xi Jiping devenu Secrétaire général du Parti, mais son intervention récente et la teneur de ses propos devant les magistrats prouvent qu’en réalité il n’a jamais abandonné « la ligne politique de Jiang Zemin ».

D’autre part, l’appareil de propagande est aux mains de Liu Yunshang, un membre du comité permanent du Politburo, qui est lui aussi un allié de Jiang Zemin. Ainsi, l’année passée, un « prince héritier » du Parti aura pu sans difficulté nuire par des moyens indirects à l’image de Xi Jiping lors d’un évenement culturel maoïste.

Jiang Zemin et les membres de sa faction, qui ont façonné leurs carrières, accrus leurs fortunes et consolidé leurs dynasties grâce à la persécution du Falun Gong, sont encore très investis dans cette campagne. Celle-ci aura nécessité une mobilisation des forces de sécurité inégalée depuis l’époque de Mao. Elle est devenue une priorité absolue pour laquelle un énorme budget a été débloqué, ainsi que de très vastes ressources bureaucratiques.

Si les tortures, les meurtres et les prélèvements d’organes forcés sur les pratiquants de Falun Gong sont rendus publics et doivent être dédommagés, tous les responsables impliqués auront des comptes à rendre.

Il est toujours difficile de démêler le pourquoi du comment des politiques chinoises, mais l’explication la plus sensée concernant l’ambivalence actuelle du Parti sur la question du Falun Gong repose sur une pluralité des groupes de pression aux intérêts radicalement opposés. C’est l’heure de la confrontation, semble-t-il, entre la relève et les quelques sortants irréductibles. Pour les premiers, les priorités du Parti se trouvent ailleurs, pour les seconds, continuer coûte que coûte cette persécution représente l’ultime moyen de préserver une légitimité politique.

Reportage de Rona Rui.

Version originale : Analysis: Behind the Chinese Regime’s Latest Treatment of Falun Gong

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