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Confinement à Shanghai : les séparations forcées parents-enfants provoquent la colère des habitants

avril 4, 2022 19:46, Last Updated: avril 8, 2022 15:20
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Sur la première photo, on voit une salle remplie de tous petits regroupés par trois ou quatre sur des lits d’hôpitaux pour adultes, réclamant de l’attention.

Sur la deuxième photo, un dortoir de la taille d’une grande salle de conférence où de longues rangées de lits s’alignent d’un mur à l’autre, avec seulement quelques adultes clairsemés ici ou là essayant de calmer des bébés en pleurs bien plus nombreux qu’eux.

Sur le troisième cliché, un garçon en pleurs, vêtu d’une chemise verte, sort d’une petite pièce avec cinq autres enfants de son âge, à pas chancelants, pour se retrouver dans un couloir où sont empilés des sacs remplis d’ordures.

Depuis plusieurs jours, de nombreuses images et vidéos de ce type montrant les conditions des enfants parqués dans les hôpitaux de Shanghai circulent en ligne. Elles sont partagées par des parents affolés qui se sont vu retirer leurs enfants de force au moment d’être placés en quarantaine après avoir été testés positifs au Covid‑19. Ces récits de séparations forcées ébranlent le pays, et tous les foyers chinois s’inquiètent désormais du sort qui les attend.

« Honnêtement, qui ne ferait pas une crise de nerfs en voyant ça ? » s’indigne pour Epoch Times une maman du nom de Mme Zhu. Sa fille de deux ans a été placée dans le centre clinique de santé publique de Shanghai, dans le district de Jinshan, d’où émergent les vidéos.

Shanghai, la ville la plus riche et la plus peuplée de Chine, est confinée depuis le 28 mars. Il s’agit de maîtriser la reprise épidémique due au variant Omicron. Pourtant, la municipalité a continuellement affirmé qu’une telle mesure ne serait jamais mise en place, car trop coûteuse.

La veille du confinement, les autorités déclaraient qu’elles n’envisageaient en aucun cas de prendre une telle mesure. Le brusque changement de politique a pris les 26 millions d’habitants au dépourvu. Non préparés et paniqués, ils ont couru vider les rayons des magasins dans l’espoir de trouver suffisamment de nourriture pour subvenir à leurs besoins pour une durée indéterminée. Entretemps, de nombreux patients dans un état critique sollicitaient de l’aide en ligne pour s’assurer qu’ils continueraient à recevoir les soins nécessaires.

Dans toute la Chine, le gouvernement exige que les personnes testées positives au Covid‑19 et leurs contacts proches soient placés en quarantaine, quelle que soit la gravité de leurs symptômes. Au 26 mars, au moins 305 enfants infectés de moins de six ans ont été placés dans des centres de quarantaine du gouvernement, la grande majorité d’entre eux étant asymptomatiques, selon les responsables de la santé de la ville.

Dans les vidéos, le sort des enfants est aux antipodes des assurances données par les autorités. Celles‑ci ont promis aux parents que leurs enfants malades seraient « bien traités » dans des pièces décorées avec des personnages de dessins‑animés aux murs, des jouets et des fournitures pour faire du coloriage ou des activités manuelles.

Selon une maman témoignant sous le pseudonyme de Zhao Qian, pour le magazine China Philanthropist, une infirmière prend en charge une dizaine de petits environ.

« Comment peuvent‑ils gérer une telle charge de travail ? » interroge Mme Zhao, ajoutant qu’elle se sent frustrée par le manque de transparence dont font preuve les hôpitaux. Samedi, la Fédération des femmes de Shanghai, un organisme public, a déclaré au magazine qu’elle examinait la question.

Une fillette en train de passer un test Covid-19, à Pékin, le 14 mars 2022. (Photo par NOEL CELIS/AFP via Getty Images)

« Rendez‑moi ma fille, s’il vous plaît ! »

Avant que sa petite fille ne soit transférée à Jinshan, Mme Zhu était à ses côtés à l’hôpital Tongren de Shanghai. Pour sa part, elle souffrait d’une toux légère, quant à sa fille, elle n’avait aucun symptôme. Trois jours plus tard, on leur a annoncé qu’elles seraient envoyées dans des établissements différents : elle serait envoyée dans un hôpital de fortune et sa fille au centre clinique de santé publique de Shanghai. Depuis quatre jours ont passé.

Évidemment, Mme Zhu a longtemps argumenté pour accompagner son enfant, mais en vain. Si elle refusait, un médecin lui a dit par téléphone qu’elle serait « expédiée de force dans l’hôpital de fortune » tandis que sa fille resterait à Tongren. Elle n’a eu d’autre choix que d’accepter.

Un ouvrier portant un équipement de protection marche le long des barrières qui bloquent l’accès à un quartier sous confinement, district de Jing’an, à Shanghai, le 30 mars 2022. (Hector Retamal/AFP via Getty Images)

Une fois éloignée de sa fille, Mme Zhu a commencé à paniquer. Régulièrement, elle demandait des informations auprès du personnel de l’hôpital où se trouvait sa fille via un groupe de discussion en ligne mis en place par d’autres parents dans la même situation qu’elle. Elle a demandé si la petite avait de la fièvre ou non, et si elle prenait ses médicaments. Aux deux questions, le personnel médical a signalé que sa fille « allait bien ».

« Tout le monde me disait que l’hôpital Jinshan était le meilleur établissement pour les soins aux enfants et que je devais me tranquilliser », se souvient Mme Zhu, en sanglotant.

Mais les vidéos en ligne ont brutalement mis fin à toutes ses illusions.

« S’il vous plaît, rendez‑moi ma fille. Je n’ai aucune confiance en eux à l’heure actuelle. »

« Avec autant d’enfants et pas assez de personnel soignant, ils veulent encore emmener ma fille plutôt que de laisser sa mère s’occuper d’elle ? Qu’est‑ce que la municipalité a dans la tête ? »

Le mari de Mme Zhu est également tombé malade et a été envoyé dans un autre hôpital où il a reçu des remèdes traditionnels chinois à base de plantes.

Mais il est adulte, explique Mme Zhu. Elle souffre à l’idée que sa fille de deux ans ne trouve aucun visage familier en se réveillant chaque matin.

« Ma fille a été envoyée dans un endroit où je ne sais même pas si elle dort bien. »

Réponse de l’hôpital

Du fait que ces vidéos sont devenues virales, l’hôpital a publié samedi une déclaration en réponse aux préoccupations des parents. Ainsi, a‑t‑on informé les parents que le personnel était en train de transférer les enfants dans un établissement plus grand qui fournissait auparavant des soins ambulatoires d’urgence.

Samedi, au téléphone, l’accueil de l’hôpital refusait de dire combien d’enfants étaient en quarantaine dans le centre.

« L’hôpital a fait sa réponse officielle. La situation va s’améliorer », a déclaré la standardiste à Epoch Times.

Tandis que le journal la questionnait sur les problèmes d’hygiène et sur la question de savoir si le fait de séparer des mineurs de leurs parents constituait éventuellement une violation de la loi, elle a raccroché.

Des personnes font la queue pour subir un test de dépistage du coronavirus Covid-19 à Pékin, le 14 mars 2022. (Photo par NOEL CELIS/AFP via Getty Images)

« Ça m’a brisé le cœur »

Zeng Qun, le directeur adjoint du Bureau des affaires civiles de Shanghai, a reconnu que si les parents tombaient malades ou se voyaient empêchés de rentrer chez eux en raison du confinement, cela pourrait donner lieu à des séparations « déchirantes ». Il a déclaré que les autorités locales avaient pris des dispositions pour que des agents de protection de l’enfance désignés apportent leur aide au niveau du district et du canton.

Sur le site de microblogging chinois Weibo, où un hashtag sur le sujet est consulté 130 millions de fois par jour, d’autres parents de Shanghai partagent leurs histoires de séparation forcée. Certains enfants séparés de leurs parents n’ont que trois mois.

Une mère a déclaré que son enfant de trois ans lui avait été enlevé pendant 16 jours. Son enfant recevait également des soins au centre Jinshan, où il a finalement développé 40°de fièvre en raison de la négligence de l’hôpital en toussant sans arrêt.

Une autre a rapporté que l’hôpital ne lui avait rien communiqué au sujet de son fils (qui n’avait pas encore deux ans) pendant quatre jours consécutifs et ne lui avait envoyé qu’une seule photo samedi.

« Ses yeux étaient pleins de larmes », a‑t‑elle écrit. « En tant que mère, ça m’a brisé le cœur ».

« Inhumain »

Selon Mme Ou Xi, une pédiatre basée dans la ville portuaire de Guangzhou, dans le sud du pays, la façon dont l’hôpital traite les enfants dans les vidéos présente au moins cinq risques pour la santé mentale et physique.

Les tout‑petits peuvent tomber des lits pour adultes ou se coincer la tête ou une partie du corps dans les barres métalliques du cadre du lit, a‑t‑elle écrit dans un article adressé à ses quelque 2,5 millions d’abonnés sur Weibo.

De nombreux utilisateurs de Weibo ont également commenté une vidéo dans laquelle la tête entière d’un bébé avait disparu sous la couverture. Cette situation peut mettre en danger la vie des bébés de quelques mois qui n’ont pas encore appris à se retourner, a écrit Mme Ou. Le nourrisson pourrait s’étouffer en raison de la pression du tissu contre sa bouche et son nez, a‑t‑elle ajouté. En mettant plusieurs enfants sur le même lit, on risque de les voir tomber les uns sur les autres, ce qui augmente le risque de suffocation. Les petits de quelques années peuvent craindre que leurs parents les aient abandonnés. Enfin, l’absence de douche ou de soins peut engendrer des problèmes de peau et exposer les enfants à d’autres maladies infectieuses, a‑t‑elle ajouté.

Seuls les nourrissons nécessitant des soins critiques devraient être séparés de leurs parents, a rappelé la pédiatre.

Une femme avec son enfant à vélo tandis qu’un agent de la santé porte une combinaison de protection pendant qu’il charge des déchets médicaux dans un camion. (Photo par Kevin Frayer/Getty Images)

Un avocat des droits de l’homme du sud de la Chine, dont le nom ne sera pas divulgué pour des raisons de sécurité, s’est dit très en colère face à la situation de ces enfants.

« Pour les autorités, contenir l’épidémie passe désormais avant tout », a‑t‑il déclaré à Epoch Times, qualifiant les mesures de « vraiment inhumaines ».

« Ils utilisent la prévention de l’épidémie pour faire tout ce qui leur plaît, sans aucune base légale », a‑t‑il ajouté. « C’est saboter la loi et toute valeur morale. C’est engendrer une catastrophe humanitaire. »

D’autres mères dont les enfants appartiennent à la même tranche d’âge ne sont pas moins indignées.

« En tant que mère d’un enfant de 1 an, je n’ose pas imaginer comment ces enfants – et leurs parents – vivent cette situation au jour le jour. Ils sont si petits ! Qui assumera la responsabilité si quelque chose arrive ? », a écrit une internaute, terminant son message par une rangée de points d’exclamation.

La Commission municipale de la santé de Shanghai et le Centre municipal de contrôle et de prévention des maladies de Shanghai n’ont pas pu être joints par téléphone samedi pour offrir leurs commentaires.

Hong Ning a contribué à cet article.

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