La France, leader mondial du biorecyclage des textiles et des plastiques

Par Henri Mandel
28 avril 2024 22:55 Mis à jour: 28 avril 2024 23:01

Recycler biologiquement les barquettes alimentaires en plastique qui finissent habituellement à l’incinérateur est désormais possible : après avoir mis au point une technologie innovante, l’entreprise Carbios s’apprête à ouvrir ce qu’elle présente comme « la première usine au monde » du genre, dans l’est de la France.

« La première usine de biorecyclage au monde sera tricolore », a salué sur le réseau social LinkedIn le Président français Emmanuel Macron mercredi, qualifiant le procédé de « révolution technologique » et l’usine à naître de « fierté française ».

Recycler des produits dont personne ne veut

Avec sa technologie, l’entreprise dit pouvoir recycler des produits dont personne ne veut. Des flacons, barquettes ou d’anciens habits notamment, même de mauvaise qualité ou sales, sont les plus recherchés par l’entreprise, car la plupart des autres sociétés de recyclage ne les traitent pas. « La qualité du déchet entrant ne nous intéresse pas, on cherche même des déchets médiocres », explique à la presse le directeur général de Carbios, Emmanuel Ladent. « Avec une technologie comme Carbios, on va aller chercher tout ce que les autres ne recyclent pas ». Cette solution offrira à ces déchets difficiles à recycler un « recyclage circulaire, leur conférant de la valeur et les empêchant ultimement d’être enfouis ou incinérés », résume le groupe implanté à Clermont-Ferrand (centre-est) à l’occasion de la pose de la première pierre de son usine à Longlaville (est).

Une enzyme hautement active

La grande innovation de Carbios est d’utiliser une enzyme, un matériel biologique, qui va dépolymériser le plastique. Cette enzyme créée par l’entreprise, a la capacité lorsqu’elle est mêlée dans une cuve à des déchets, de séparer les différents composants du déchet et de mettre de côté le polyéthylène téréphtalate (PET). Plus précisément cette enzyme « CARBIOS Active » est une enzyme encapsulée, intégrée à hauteur de 5% aux emballages souples et rigides en PLA (bioplastique : Acide Polylactique), qui permet de les rendre 100% compostables même à température ambiante. Ainsi, ils se désintègrent totalement et se biodégradent pour un compost sans résidu ni toxicité et donc un retour au sol de qualité.

Il faut environ un kilo d’enzymes pour une tonne de PET, explique M. Ladent. « Au bout de quelques heures, on a un liquide qui sort », après que l’enzyme a permis de faire la séparation du PET. Il reste ensuite des étapes de filtration et de purification permettant la fabrication de PET entièrement biorecyclé, « sans en compromettre la qualité », selon M. Ladent. Les plastiques PET sont très utilisés, mais encore actuellement majoritairement créés à partir de matières pétrolières et non issus du recyclage.

Avec ce processus, pour « une tonne de déchets préparés, on sort 90% de matériau », explique M. Ladent, un chiffre « parmi les plus élevés » dans les différentes techniques de recyclage. Le reste sort « sous forme d’un gâteau, ce sont des particules, qui sera un très bon consommable, c’est idéal par exemple pour de l’énergie pour une cimenterie ».

Le recyclage du plastique : un enjeu mondial

« Les gens ont tort de penser que plastique est égal à bouteille. La bouteille, c’est 20 millions de tonnes de plastique dans le monde, sur les 460 millions de tonnes de plastique en circulation. Donc c’est moins de 5% du plastique qu’on utilise. De plus, c’est sans doute l’objet plastique le mieux recyclé au monde. Il faut donc concentrer nos efforts sur les 95% de plastique restants, dont personne ne parle, et qui ont pourtant besoin de devenir circulaire », affirme Emmanuel Ladent.  Ainsi et selon une étude menée par Greenpeace, les foyers américains auraient produit plus de 51 millions de tonnes de déchets plastiques en 2021, dont seulement 2,4 millions de tonnes auraient été recyclées, soit moins de 5%.

L’objectif, pour M. Ladent, est désormais de “licencier” cette technologie et de la commercialiser mondialement… À commencer par l’usine de Longlaville, à quelques kilomètres seulement du Luxembourg et de la Belgique. Les déchets PET, avec idéalement « un minimum de bouteilles en plastique et un maximum de déchets difficiles à recycler » selon M. Ladent, seront recueillis dans un périmètre de « 300 à 500 kilomètres » de cette commune frontalière, en France, Allemagne, Belgique ou au Luxembourg.

Des partenariats et un avenir prometteurs

Diverses marques, comme L’Occitane, L’Oréal, Salomon ou Puma, sont d’ores et déjà partenaires de Carbios. Et l’entreprise compte parmi ses clients, Nestlé Waters, Coca, Pepsi ainsi que le groupe Suntory (qui possède notamment les marques Schweppes et Orangina) et déjà un producteur mondial de produits chimiques durables, Indorama Ventures Public Company Limited (IVL), a l’ambition d’investir 110 millions d’euros dans leur première usine.

Une filière dédiée au textile, parfois composé de polyester, est notamment prévue, alors que seuls 13% d’entre eux sont actuellement recyclés, selon Carbios. La firme peut devenir le leader technologique mondial du recyclage des plastiques, faisant des objectifs politiques et écologiques une réalité industrielle, contribuant à nettoyer notre planète et à diminuer l’utilisation des hydrocarbures pour fabriquer des plastiques.

L’usine à plein régime en 2026

« Une décennie » de recherches a été nécessaire pour perfectionner cette technique de recyclage dite de « dépolymérisation enzymatique », indique l’entreprise. Un premier processus de recherche et développement a été conduit dès 2011, pour passer à des tests en condition dans le laboratoire puis démonstrateur industriel de Clermont-Ferrand. Implantée sur un terrain de 13 hectares, la future usine permettra de traiter 50.000 tonnes de déchets par an, ce qui représenterait, par exemple, 300 millions de t-shirts. Quelque 150 emplois, directs et induits, seront créés. L’investissement, chiffré à 230 millions d’euros en juin 2023, est en partie financé par l’État et la région Grand Est. L’usine devrait pouvoir fonctionner à plein régime en 2026.

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