MOYEN-ORIENT

Daesh après le « califat »

décembre 13, 2016 11:00, Last Updated: octobre 30, 2019 14:11
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Les forces irakiennes, avec l’appui d’éléments locaux organisés et d’une coalition multinationale, luttent contre le groupe terroriste Daech (ou ÉIIL – État islamique en Irak et au Levant) pour reprendre Mossoul. En Syrie, d’autres forces s’apprêtent à lancer l’offensive contre Raqqah, autre bastion du groupe.

Lorsque les canons se seront tus, Daech aura probablement perdu ses deux principaux centres et, avec eux, la base de son identité, c’est-à-dire le soi-disant « califat » islamique. Les questions qui se posent maintenant sont comment l’organisation va-t-elle se financer sans ses bastions, où cherchera-t-elle à s’implanter par la suite et que deviendra-t-elle.

Daech s’est déjà aliéné d’autres organisations terroristes en raison de sa violence extrême, même le crime organisé sera porté à garder ses distances, affirment certains spécialistes. Sans territoire – et sans les fonds pouvant être recueillis sur celui-ci – Daech est en voie d’extinction, même s’il est peu probable que le groupe disparaisse entièrement.

Daech a construit son identité, et sa crédibilité prophétique, de par le fait qu’il contrôlait du territoire. De là, le nom « État islamique en Irak et au Levant » et seulement « État islamique » par la suite.

« Un territoire défini le rendait attrayant, puisque les gens pouvaient s’y rendre et adhérer, ils pouvaient voir comment c’était de vivre dans un État islamique », affirme Paul Rexton Kan, professeur de sécurité nationale au U.S. Army War College.

Après la perte du territoire par Daech, son nom deviendra risée, un souvenir douloureux de ce qui a été perdu, estime M. Kan.

Un soldat des forces spéciales irakiennes transporte un lance-roquette alors qu’il se prépare pour l’arrivée d’un véhicule piégé pouvant se diriger vers sa position à Mossoul, Irak, le 14 novembre 2016. (Odd Andersen/AFP/Getty Images)

Nouveaux territoires potentiels

Certains spéculent sur le fait que Daech pourrait se concentrer sur la Libye, où il a de l’influence, ou bien au Yémen, où il y a des poches de soutien. Toutefois, aucun de ces pays n’est au Levant ou ne possède le même sens historique.

M. Kan affirme qu’il est possible que Daech se tourne vers la Jordanie ou le Liban, où il pourrait tenter de radicaliser les réfugiés syriens. Il y a aussi des groupes terroristes qui ont prêté allégeance à Daech dans des endroits aussi éloignés que les Philippines.

Mais Daech pourrait également ne pas considérer ces options, ajoute-t-il. Le groupe terroriste pourrait choisir de demeurer en Syrie pour tenter d’entraîner les États-Unis dans une « bataille finale » à Dabiq, l’endroit principal d’une prophétie apocalyptique sur laquelle le groupe est fondé.

« La raison d’être de cet “État” n’est pas seulement d’attirer les gens, alors que l’objectif spirituel ultime est d’entraîner les forces occidentales dans cette ville », explique M. Kan.

Marché noir et impôts

Selon Drew Berquist, fondateur d’OpsLens et un ex-contractuel du renseignement, l’autre question est comment Daech va se financer.

« Perdre les impôts et le pétrole, ça va leur faire mal, ce sera le plus grand coup », affirme-t-il.

Daech reçoit également des fonds d’importants financiers, des sympathisants qui croient à l’idéologie.

« Je pense que ça va aussi s’assécher, puisqu’ils vont peut-être penser que le groupe est en perte de vitesse », ajoute-t-il.

Même le marché noir pourrait fermer ses portes au groupe. Le crime organisé est une « affaire sale et violente, mais avec certaines limites », soutient M. Berquist. « Les cartels, certains d’entre eux n’iront pas aussi loin pour ce qui est de la violence ou de leurs associations, puisqu’ils savent que ça peut irriter les gouvernements. »

Il ajoute que plusieurs cartels de drogue ne font pas affaire avec les groupes terroristes parce qu’ils savent que cela risque d’attirer l’attention du gouvernement américain en particulier.

Plus de gouvernement

Entre-temps, Daech sans ses bastions pourrait avoir des ennuis dans sa zone d’influence. Parmi les jihadistes, Daech et Al-Qaïda rivalisent pour les appuis et la crédibilité. Al-Qaïda considère Daech comme excessivement violent.

Étant donné l’importance du tribalisme dans plusieurs régions où le groupe est actif, la capacité de déplacer du personnel, d’influencer les politiques locales, de recruter des combattants et de recueillir des fonds est grandement influencée par la crédibilité.

Sans territoire, Daech va perdre la base de son soutien et de sa crédibilité.

Les chances que Daech puisse conserver le genre d’influence politique que des groupes comme les talibans et le Hezbollah détiennent sont pratiquement nulles après la perte du territoire. C’est d’autant plus le cas lorsqu’on considère sa manière de traiter les civils dans ses zones de contrôle.

« La seule raison pour les avoir tolérés c’est qu’ils sont complètement dingues : si vous rouspétez, ils vous tuent ; si vous tentez de fuir, ils vous tuent », mentionne M. Berquist.

Beaucoup de combattants de Daech vont probablement tenter de retourner chez eux ou de se cacher parmi les civils en fuite. À ce moment, Daech pourrait tenter de poursuivre son existence dans la clandestinité.

« Ils deviendront comme la plupart des groupes à leur départ : une idéologie », ajoute M. Berquist.

« Mais je ne les vois pas disparaître de sitôt. »

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