INTERNATIONAL

Déracinés par la guerre, de jeunes Ukrainiens conjurent le sort avec leur café

avril 13, 2022 13:37, Last Updated: avril 13, 2022 13:54
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Une cafetière empruntée, un minuscule espace dans une rue passante de Lviv et Ivan Demtchenko, qui il y a sept semaines encore était étudiant en sciences politiques, s’est mis à faire à la chaîne des Americano et des Lavender Latte.

En une poignée de jours, le bouche-à-oreille a fait du café tout juste ouvert d’Ivan et ses amis un lieu couru. Quelques clients avaient raconté sur les réseaux sociaux leur aventure, celle de jeunes gens de la banlieue ravagée de Kiev repartis de zéro ayant ouvert leur commerce.

Entre deux commandes, Ivan raconte comment lui et son collègue, Serguiï Stoïan, ont fui la capitale ukrainienne dans les premières heures de l’invasion russe, le 24 février.

Arrivés à Lviv, dans l’ouest du pays, ils ont d’abord fait du bénévolat au profit d’autres déplacés. Rapidement à court d’argent, ils ont dû trouver un plan B.

Créent leur propre café à Lviv

Ivan, 19 ans, a cherché du travail. Mais « je n’en ai trouvé qu’un seul », explique-t-il, payé un peu moins de quinze euros la journée de 12 heures.

Serguiï Stoïan, entrepreneur et youtubeur, plus âgé du haut de ses 31 ans, a eu une meilleure idée.

Avant guerre, ils avaient tous deux travaillé dans un café de Boutcha,  ville à présent dévastée. Ivan préparait les cafés, Serguiï l’approvisionnait en pâtisseries.

Demchenko et son ami Serhii Stoian ont commencé à vendre du café depuis une fenêtre du rez-de-chaussée à Lviv. Photo Yuriy DYACHYSHYN/AFP via Getty Images.

Serguiï rêvait depuis longtemps d’avoir son propre établissement à Irpin, sa ville natale, elle aussi détruite. Sans fonds propres, craignant d’échouer, il avait toujours reculé.

« Mais maintenant, nous n’avons plus rien à perdre », sourit le jeune homme.

Hommage au chat de Serhiï laissé derrière lui

Sans argent pour le loyer, avec à peine assez de hryvnias pour acheter leur matière première, ils ont ouvert le café Kiit, hommage au chat de Serhiï laissé derrière lui.

Dans le petit espace ouvert sur la rue, un micro-onde et des briques de lait d’avoine trônent. « Les habitants de Lviv sont très serviables. Ils nous ont donné presque tout », affirme le youtubeur.

Les deux banlieusards ont été rejoints par leur amie Daryna Mazour, 21 ans. Etudiante en mathématiques appliquées, elle est revenue d’un exil en Pologne pour les aider: « J’allais devenir programmeuse, maintenant je fais des tartes ».

Ivan Denchenko  19 ans, et Daryna Mazur  21 ans,  travaillent au café Kiit, posent pour une photo dans la ville de Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, le 12 avril 2022. Photo Yuriy DYACHYSHYN/AFP via Getty Images.

L’invasion de l’Ukraine a déplacé plus de 10 millions de personnes dans le pays et à l’étranger, selon les Nations unies. Beaucoup sont partis avec seulement un ou deux sacs à dos. Le conflit a déjà détruit des villes entières, y compris celles de Serguiï et Ivan.

Chanceux d’échapper à l’occupation de sa ville de Borodianka

L’étudiant en sciences politiques dit avoir été chanceux d’échapper à l’occupation de sa ville de Borodianka. Ses parents et sa sœur de 12 ans, partis une semaine après lui, en sont sortis de justesse. Leur appartement a été détruit.

Quant à Serguiï, il est brièvement retourné à Irpin. Pour y trouver son appartement sans fenêtres, avec des traces évidentes d’une intrusion chez lui. Kiit, le félin, était introuvable. Au lieu de ça, Serguiï est tombé sur un voisin qui portait un de ses sweat-shirts.

Serhii Stoian, 31 ans, sert un verre au café Kiit, dans la ville de Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, le 12 avril 2022. Photo Yuriy DYACHYSHYN/AFP via Getty Images.

Loin d’Irpin et de Borodianka, dans le centre de Lviv épargnée par la guerre, les clients se pressent à la petite lucarne du café des trois amis.

Olga Milkhassieva est venue passer commande avec son mari Rostislav et leur fils de cinq mois, Maksym. La jeune maman, elle aussi évacuée de Kiev, dit vouloir juste « soutenir ces gens car on sait ce qui se passe ».

Elina, 31 ans, est elle originaire de Lviv mais c’est la première fois que cette employée de banque se hasarde dans le centre-ville depuis le début de la guerre.

« C’est très difficile de boire du café comme si de rien n’était », poursuit-elle, les doigts serrés autour de sa tasse fumante. « Mais nous devons soutenir les entreprises et l’économie ».

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