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En Finlande, les frontaliers de la Russie entre flegme et inquiétude

mars 13, 2022 13:35, Last Updated: mars 13, 2022 13:40
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Dans sa maison de bois couverte de neige à 20 minutes de la frontière russe, Maija Pöyhä a sur sa tête le foulard bleu traditionnel que sa mère portait lorsqu’elle a fui l’invasion de la Finlande par l’URSS en 1939.

« La maison d’enfance de mon père est toujours du côté finlandais », mais celle de sa mère est aujourd’hui en Russie, explique la septuagénaire à l’AFP.

Dans sa petite ville de Lappeenranta comme ailleurs dans cette région finlandaise voisine de la Russie, la guerre en Ukraine a réveillé des parallèles douloureux avec la « guerre d’Hiver », lorsque les troupes soviétiques ont envahi la Finlande par surprise, franchissant la frontière longue aujourd’hui de 1.340 kilomètres.

-Maija Poyhia prépare des collations chez elle en Finlande, le 9 mars 2022. En Finlande, l’assaut de la Russie contre l’Ukraine a suscité des associations douloureuses avec la guerre d’hiver de 1939. Photo par Alessandro RAMPAZZO / AFP via Getty Images.

Comme en Ukraine aujourd’hui, la petite armée finlandaise avait surpris le monde par sa résistance acharnée et les lourdes pertes infligées à l’Armée rouge.

La Finlande, indépendante du voisin russe depuis 1917, avait toutefois dû perdre la moitié de sa province de Carélie, entraînant le déplacement de presque un demi-million de personnes, avant de se compromettre dans une deuxième guerre (1941-1944) avec cette fois une alliance de facto avec l’Allemagne nazie.

Durant toute la guerre froide, Moscou garda ensuite aussi un droit de regard étroit sur le pays nordique, qui lui interdisait notamment de rejoindre l’Otan.

Pourquoi ne pas rejoindre l’Otan?

Aujourd’hui, le mari de Maija, Seppo Laaksovirta, trouve que la Finlande devrait rejoindre l’alliance militaire occidentale – comme pour la première fois une majorité de Finlandais, à la suite de l’invasion de l’Ukraine ordonnée par Vladimir Poutine.

« Ça fera plus de bien que de mal« , assure le Finlandais de 76 ans. « Aujourd’hui on a des armes d’Amérique et de l’Ouest ici. Dans les années 60, elles étaient russes ».

Malgré les traumatismes historiques de ce coin de Carélie, ni lui ni sa femme ne se disent toutefois inquiets d’une invasion russe. « Je ne connais personne ici qui nous ait dit qu’il fallait que nous soyons sur nos gardes », dit-il.

Seppo Laaksovirta et sa femme Maija Poyhia chantent une chanson traditionnelle dans leur maison de Lappeenranta, en Finlande, le 9 mars 2022. Photo par Alessandro RAMPAZZO / AFP via Getty Images.

Pour la maire de la ville voisine d’Imatra, Anna Helminen, l’inquiétude est plutôt de voir s’effacer les liens reconstruits ces dernières décennies avec les Russes.

Dans sa ville de 26.000 habitants, un millier de résidents ont la nationalité russe et la ville doit son essor « au pouvoir d’achat russe », explique-t-elle.

Les commerces, hôtels et spas d’Imatra ont déjà souffert de l’absence de touristes russes durant la pandémie.

Anna Helminen, présidente du conseil municipal d’Imatra, dans le sud-est de la Finlande,  à Imatra le 9 mars 2022. Photo par Alessandro RAMPAZZO / AFP via Getty Images.

« Maintenant bien sûr,  la même situation va continuer », déplore la dirigeante élue du conseil municipal.

Une nouvelle liaison ferroviaire avec Saint-Pétersbourg et plusieurs autres projets transfrontaliers « ont disparu du jour au lendemain », de même que « les contacts quotidiens », après l’invasion de l’Ukraine et les lourdes sanctions contre l’économie russe.

Même s’il a lancé une réévaluation de la stratégie de sécurité du pays, le gouvernement finlandais a affirmé qu’il ne voyait pas de « menace imminente » de conflit avec la Russie.

L’Etat russe n’est pas la même chose que le peuple russe

« On veut croire à ça et voir l’avenir avec optimisme », souligne Mme Helminen, « mais bien sûr cette situation laissera des traces, y compris dans les échanges entre les gens » des deux côtés de la frontière.

Des groupes communautaires de Finlandais russophones se sont inquiétés d’une montée d’un sentiment antirusse ces dernières semaines, notamment sur les réseaux sociaux.

Après deux ans de pandémie, le 6h40 du matin, en provenance de Saint-Pétersbourg, était plein de passagers en grande partie russes alors qu’il arrivait à la gare d’Helsinki le 3 mars 2022. Photo par Alessandro RAMPAZZO / AFP via Getty Images.

Anastasia Petrichina, une Russe qui vit et travaille près d’Imatra depuis dix ans, dit ne pas avoir observé ce phénomène. Ses amis finlandais « comprennent que la Russie en tant qu’Etat n’est pas la même chose que le peuple russe », dit cette responsable de qualité dans le secteur pharmaceutique.

« Mais je ne peux pas être sûre à 100% de ce qu’il en sera à l’avenir, surtout venant de gens qui ne me connaissent pas personnellement », reconnaît cette mère de deux enfants.

Des personnes manifestent contre l’invasion de l’Ukraine par la Russie devant l’ambassade de Russie à Helsinki, en Finlande, le 24 février 2022.  Photo par Alessandro RAMPAZZO / AFP via Getty Images.

Elle a aussi renoncé à un projet de visite auprès de sa fille aînée à Saint-Pétersbourg. « Je ne veux pas être coincée là bas comme un rat », incapable de revenir en Finlande, explique Anastasia Petrichina.

Les lois draconiennes en Russie menaçant de prison quiconque critique « l’opération spéciale » en Ukraine l’ont aussi poussée à réduire au minimum ses conversations avec ses proches en Russie sur la guerre.

« Optimiste pas principe », la Russe de Finlande croit que les choses finiront par s’améliorer. « Mais la question c’est: +Combien de temps ça va prendre?+ ».

 

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