ÉTATS-UNIS

Facebook menace de supprimer toute l’actualité si le Congrès adopte le Journalism Competition and Preservation Act

décembre 10, 2022 13:48, Last Updated: décembre 10, 2022 13:48
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Facebook, qui dépend du groupe Meta, annonce vouloir retirer tous les articles d’actualité si le Congrès adopte le Journalism Competition and Preservation Act (JCPA).

La proposition de loi a été déposée par la sénatrice démocrate Amy Kobluchar, du Minnesota, en mars 2021 et aurait pour effet d’abroger un certain nombre de lois antitrust. Il serait alors plus facile pour les petits groupes de presse de négocier collectivement avec les géants de la tech comme Facebook pour un meilleur partage des bénéfices liés aux publicités en ligne.

Bien que le JCPA ait reçu le soutien de dizaines de parlementaires démocrates et républicains, il ne fait pas l’unanimité.

Andy Stone, responsable de la communication des politiques de Meta, a tweeté que le projet de loi était « irréfléchi », signalant que le Congrès était apparemment en train de considérer son adoption dans le cadre plus vaste du National Defense Authorization Act (NDAA). [Le NDAA est une loi que le Congrès révise et réadopte chaque année en redéfinissant les lignes directrices de ses politiques de défenses, ndlr.]

Selon lui, si le JCPA passe : « [Meta] sera contraint d’envisager la suppression totale de l’actualité sur sa plateforme plutôt que de se soumettre aux négociations imposées par le gouvernement qui négligent injustement la valeur que nous apportons à ces médias due à l’augmentation du trafic et des abonnements. »

Selon lui, le projet de loi refuse de reconnaître que les groupes de presse et les diffuseurs mettent du contenu sur la plateforme car « ce sont eux qui en tirent des bénéfices – et non l’inverse ».

« Un précédent effrayant pour toutes les entreprises américaines »

D’autre part, Andy Stone ajoute qu’une telle loi résulterait sur un « précédent effrayant pour toutes les entreprises américaines », engendrant une « entité de type cartel à même d’exiger qu’une entreprise privée en subventionne d’autres ».

Ce n’est pas la première fois que Meta promulgue ce type de menace. L’année dernière, une loi australienne similaire est entrée en vigueur en mars. Facebook a alors bloqué temporairement tous les articles d’actualité sur son flux. Le géant de la tech est ensuite revenu sur sa décision, non sans avoir négocié avec le gouvernement australien.

Message de restriction d’actualité sur Facebook en Australie (Robert Cianflone/Getty Images)

En vertu des lois en vigueur aux États‑Unis, il est interdit aux médias en ligne et à la presse écrite de créer une coalition afin d’exiger des concessions de la part des Big Tech dans leur façon de publier du contenu sur une plateforme.

Avec le JCPA, cette interdiction serait abrogée et remplacée par une exemption de quatre ans. La loi antitrust américaine permettrait aux organes de presse de négocier avec les géants de la tech dans l’espoir d’obtenir une part plus importante des recettes publicitaires en échange de la publication de leur contenu.

Plus précisément, le projet de loi stipule : Un créateur de contenu d’actualités ne peut être tenu responsable en vertu des lois antitrust d’avoir engagé des négociations avec tout autre créateur de contenu d’actualités au cours de la période de 4 ans commençant à la date de promulgation de la présente loi pour retenir collectivement le contenu d’un distributeur de contenu en ligne ou négocier avec lui les conditions auxquelles le contenu d’actualités du créateur de contenu d’actualités peut être distribué par le distributeur de contenu en ligne. »

La menace de Facebook est « antidémocratique et mal venue »

Apparemment, la News Media Alliance, une association qui représente près de 2000 groupes de presse aux États‑Unis, a appelé le Congrès à adopter le projet de loi dans le cadre de la NDAA pour l’année fiscale 2023.

Dans une déclaration, l’association a rejeté la menace de Facebook en la qualifiant « d’antidémocratique et mal venue », ajoutant que les plateformes de réseaux sociaux dans le monde entier rémunèrent les journaux, ce qui prouve, selon elle, que la demande est pertinente et la valeur économique de ces contenus, bien réelle.

« Des menaces identiques ont été formulées en Australie alors que le gouvernement allait adopter une loi similaire de dédommagement des organes de presse, elles n’ont pas fonctionné, et les groupes de presse ont finalement été payés », a déclaré la News Media Alliance. « La loi australienne a permis de créer de très nombreux emplois pour les journalistes locaux et de verser 140 millions de dollars aux organes de presse, ce qui, aux États‑Unis, se chiffrerait en milliards de dollars. »

Cependant, le projet de loi ne bénéficie pas d’un soutien unanime. Près d’une trentaine de groupes, notamment l’American Civil Liberties Union, le Center for Democracy & Technology, Public Knowledge, et la Computer & Communications Industry Association ont demandé aux parlementaires de ne pas l’adopter.

Dans une lettre (pdf) adressée aux parlementaires, dont la présidente sortante de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi (Parti Démocrate‑Californie), ils affirment que le projet de loi « ne protège ni le principe de concurrence, ni le journalisme local » et qu’il « créerait au contraire une exemption antitrust peu judicieuse permettant aux groupes de presse et aux diffuseurs de joindre leur force pour boycotter collectivement la capacité d’une plateforme en ligne à partager des informations avec le public, à moins que celle‑ci n’accepte leurs exigences ».

Joseph Lord a contribué à cet article.

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