« J’ai été bête »: condamné pour avoir accepté des cadeaux du laboratoire Urgo, un pharmacien témoigne

Par Nathalie Dieul
12 janvier 2024 15:42 Mis à jour: 12 janvier 2024 15:42

Pharmacien dans l’Aude et vice-président des pharmacies rurales, Marc Alandry a été condamné en novembre 2023 pour avoir accepté des cadeaux des laboratoires français Urgo. Il reconnaît sa culpabilité tout en dénonçant un système illégal qui a piégé environ 8000 pharmaciens, dont la ministre de la Santé Agnès Firmin Le Bodo.

Entre 2015 et 2021, le groupe Urgo a offert des cadeaux à environ 8000 pharmaciens, ce qui représente 40% de la profession. Il y a un an, en janvier 2023, le groupe a été condamné à une amende de 1,125 million d’euros, dont 625.000 avec sursis. Cette pratique d’offrir des cadeaux aux pharmaciens en contrepartie de l’abandon de remises commerciales est illégale.

Marc Alandry, dont l’officine se trouve à Couiza dans l’Aude, fait partie des pharmaciens qui se sont fait avoir. Condamné à payer une amende en novembre 2023, il a expliqué au Parisien et à France 3 comment il est rentré dans l’engrenage.

« J’avais confiance en lui »

« J’avais des relations privilégiées avec le commercial, c’était un ami », raconte le pharmacien, qui s’est rendu compte après coup que cet homme ne lui avait jamais laissé un catalogue ni une facture pour ces cadeaux. « J’avais confiance en lui et je me suis fait couillonner. »

Tout a commencé lorsque le commercial lui a montré un catalogue, lui proposant des cadeaux au lieu de sa remise, une sorte de « système de troc ». Ses commandes lui donnaient des points et il ne lui restait plus qu’à choisir du matériel dans le catalogue. La plupart du temps, c’était du matériel pour la pharmacie : un fauteuil ergonomique pour une employée, un téléphone portable professionnel ou encore un réfrigérateur pour conserver les vaccins.

« Ce produit [le réfrigérateur pour les vaccins, ndlr] est extrêmement cher et je dois reconnaître que j’ai sciemment commandé plus de produits à Urgo pour l’obtenir », avoue Marc Alandry. Il a aussi reçu deux montres de luxe, cadeaux pour sa femme et son fils.

« Je demandais systématiquement au commercial si c’était légal tout cela, il me répondait que oui », remarque celui dont la famille est pharmacienne depuis cinq générations à Couiza. « Je croyais être leur client premium. »

« On me traite comme un criminel »

L’enquête a recensé une liste de cadeaux pour un total de 14.000 euros qu’aurait reçus Marc Alandry. Il a été condamné par le tribunal judiciaire de Carcassonne à une amende de 17.500 euros. « La juge m’a dit que je ne méritais pas de faire ce métier. »

« Aujourd’hui, on me traite comme un criminel. Je ressens une profonde injustice », exprime celui qui est également pompier volontaire depuis 25 ans et a été cité au mérite pour avoir sauvé une vie.

Parmi les autres pharmaciens incriminés, certains « ont choisi une fois une trottinette pour leur gosse » alors que d’autres ont « accumulé les cadeaux ». Selon la direction du ministère de l’Économie chargée de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF), Urgo aurait offert au total plus de 55 millions d’euros de cadeaux et « dans les cas les plus graves, la valeur des cadeaux a pu représenter plusieurs dizaines de milliers d’euros », précise l’AFP.

La ministre « aurait dû reconnaître sa faute »

La ministre de la Santé Agnès Firmin-Le Bodo est elle-même visée par une enquête liée à son métier de pharmacienne pour avoir reçu pour 20.000 euros de cadeaux de la part des laboratoires Urgo depuis 2015. Il s’agit de produits de luxe comme des montres, des bouteilles de vin ou des magnum de champagne.

« Elle a été aussi bête que moi », commente Marc Alandry. « Elle aurait seulement dû reconnaître sa faute, comme je l’ai fait. » Pour la nouvelle ministre cependant, il « n’y a ni conflit d’intérêts, ni avantages en nature, ni cadeau, il y a des négociations commerciales », indique Capital.

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