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[Édito] Le jour où Facebook a rejoint la lèpre complotiste

mai 30, 2021 18:21, Last Updated: juin 11, 2021 6:46
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Le 26 mai 2021, Facebook a autorisé ses milliards d’utilisateurs à discuter de la (forte) possibilité que le Covid-19 se soit échappé d’un laboratoire de virologie de Wuhan, et mis fin à plus d’une année de blocage initialement justifié par le besoin de préserver la communauté des utilisateurs des « fausses informations. » C’est ce même besoin qui a également fait interdire les discussions sur les masques, les vaccins ou les fraudes possibles lors des élections américaines de 2020.

De deux choses l’une, donc : soit Facebook est devenu ce 26 mai le plus grand réseau conspirationniste au monde, puisqu’il permet la transmission de « fausses informations », soit il s’est donné pendant plus d’un an, et à tort, le droit d’interdire au monde entier l’accès à des informations utiles sur la responsabilité du régime chinois dans la pandémie.

C’est malheureusement la seconde hypothèse qui tient, et qui illustre à quel point les géants de la « big tech », soit pour promouvoir leur propre vision du monde, soit parce qu’ils subissent des influences cachées et peu avouables, se sont progressivement arrogés le rôle de censeurs surpuissants, de constructeurs de vérités. En 2020, la vérité à suivre était que le Covid-19 est une zoonose liée à la perte par les chauve-souris de leur habitat naturel. Les autres options, même solides, n’avaient pas droit de cité.

Comme souvent, le point de départ de ce qui est devenu une dérive proprement totalitaire est pourtant sain et responsable : les réseaux sociaux servant d’accélérateur et de caisse de résonance aux opinions, ils portent en eux aussi bien le pouvoir positif de souder des communautés et de créer du lien entre humains, que celui de favoriser les bouffées haineuses, d’attiser les violences et l’extrémisme. On peut donc difficilement ne pas accepter que, dans une approche éthique, ces plateformes affichent des critères du « bien » pour refréner et empêcher les manifestations de violence ou l’intolérance vis-à-vis de cultures et modes de pensée différents.

Mais Facebook, Twitter et YouTube ont depuis largement franchi la ligne rouge en se donnant le pouvoir d’être aussi juges du  « vrai » et du « bon », cette fois sous prétexte de favoriser les approches dites scientifiques et les messages de « l’autorité. » Ce faisant, ces réseaux ont piétiné leur charte constitutive qui, dans le cas de Youtube est de “donner la parole à tous” et pour Twitter d’être le réseau de « la libre expression. » Les voix dissonantes ont été censurées.

Le 26 mai, en faisant marche arrière sur son interdiction de discuter l’hypothèse d’une fuite d’un laboratoire de virologie pour Covid-19, Facebook a donc fait du bout des lèvres un aveu de culpabilité qui mériterait de le mener devant les tribunaux. Cet aveu est presque forcé puisque la communauté scientifique, timide en 2020, affiche maintenant de façon de plus en plus ouverte ses soupçons sur les dissimulations du régime chinois et sur les étranges petits fragments d’ADN qui se promènent dans le génome du Covid-19 (et n’existent dans aucun autre coronavirus.) Combien différente aurait été l’année 2020 si ceci avait pu être débattu plus tôt !

D’un autre côté, on peut bien sûr être choqué par les théories irrationnelles qui ont circulé et circulent encore sur l’origine du virus, dont la fabrication par l’Institut Pasteur serait « prouvée » par un brevet qui n’a en réalité aucun lien avec le Covid-19, ou sur les nanoparticules supposément ajoutées aux vaccins pour contrôler le cerveau humain. Mais la censure par les plateformes ne dissout pas l’irrationalité, elle la conforte au contraire en alimentant le sentiment que les « puissants » mentent et contrôlent tout. Cette conception est si ancrée dans une partie de la population que les messages d’opposition aux discours officiels passent, par facilité plus que par réflexion, pour des vérités probables.

Dans cette situation où le faux et l’absurde prospèrent, chacun oublie peut-être la puissance de l’ignorance : elle est chez les « complotistes » qui acceptent sans filtre tout ce qui s’oppose au discours dominant ; elle est chez les scientifiques qui se croient « sachants » malgré leurs erreurs répétées ; et elle est dans les plateformes de réseaux sociaux qui font de leur vision du monde, nourrie par la technologie, une « vérité » quasi-religieuse les autorisant à bannir toute autre.

Pourtant, puisque tous nous vivons dans un monde trop complexe pour des explications schématiques, que tous nous sommes sujets à l’erreur et au biais, quelle autre solution que de laisser les divergences s’exprimer pour, à travers leur analyse, tenter de progresser ? Facebook, Twitter, Youtube gagneraient à réaliser qu’on ne peut censurer le faux que lorsqu’on sait garantir la vérité. Ce qui n’est réellement possible que dans très peu de domaines.

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