ARTS & CULTURE

La Birmanie tente de sauver ses vieux classiques du cinéma

juillet 8, 2018 7:38, Last Updated: juillet 8, 2018 7:42
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Les grands classiques du cinéma birman ont pourri pendant plus d’un demi-siècle, attaqués par la chaleur et l’humidité ambiante. Mais aujourd’hui, le renouveau du 7ème art s’accompagne d’un vrai travail de restauration des vieilles pellicules.

Tout a commencé avec Mya Ga Naing (« La jungle d’émeraude« ), le plus ancien film de Birmanie (1934). Son sauvetage est aussi incroyable que le destin du héros qui parvient à dominer à mains nues pythons et bandits.

Ce film muet a passé des décennies dans les archives publiques avant que des spécialistes italiens de la restauration ne passent une année à retoucher minutieusement le film image par image.

Les pellicules endommagées

La scène cinématographique jadis florissante de ce pays d’Asie du Sud-Est a été dynamitée par l’arrivée de la junte militaire en 1962, qui a imposé une censure drastique et coupé tous les fonds.

Et dans les placards, pendant des décennies de dictature, les pellicules ont été endommagées. D’autres ont tout simplement disparu. Aujourd’hui, il ne subsiste qu’une dizaine de films parmi les premiers réalisés en noir et blanc en Birmanie.

Les experts ont passé des centaines d’heures dans le laboratoire italien de L’Immagine Ritrovata, à Bologne, à enlever toutes les petites rayures du film et à numériser les scènes, s’appuyant notamment sur une version muette trouvée dans les archives de Berlin.

 « A chaque progrès dans la restauration, c’était une renaissance pour le film« , raconte Severine Wemaere, co-fondatrice de MEMORY! Cinéma, qui a supervisé la restauration achevée en 2016 et recueilli quelque 86.000 euros de fonds.

« C’était très émouvant, on voyait clairement que c’était un pays de cinéma », ajoute-t-elle.

Le film a récemment été montré à Rangoun, la principale ville birmane, lors d’une performance à guichet fermé avec un groupe de jazz. Mais il a aussi été projeté dans des festivals à Singapour, en Thaïlande et en Suisse, et classé par l’Unesco, une reconnaissance pour toute la tradition du cinéma en Birmanie.

Ce premier film birman avait été projeté en 1920.

Dès les années 50, l’industrie du cinéma fut florissante en Birmanie, avec de nombreux cinéastes connus en dehors des frontières du pays, jusqu’à l’arrivée de la junte. Et ce n’est qu’une fois la junte autodissoute en 2011 que le cinéma a pu repartir.  La résurrection du plus ancien film birman a ouvert la voie à d’autres.

Peu après, en 2017, ce fut le tour de Pyo Chit Lin (« My Darling »), une comédie de 1950 pour laquelle le budget avait été si serré que le réalisateur Tin Myint avait dû à l’époque choisir entre le son et la couleur. Il avait opté pour la seconde option, ce qui en fait le plus ancien film en couleur de Birmanie.

 Sauver les vieux films

Mais « certains films n’ont pas pu être restaurés et, pour moi, c’est comme si j’avais perdu un de mes parents », se désole Maung Okkar, un cinéaste en première ligne dans la bataille pour sauvegarder les classiques de son pays. A 31 ans, il baigne dans le cinéma depuis l’enfance grâce à son père et son grand-père, tous deux réalisateurs de renom.

« J’ai appris qu’il y avait d’autres vieux films dont on ne s’occupait pas correctement, donc j’ai décidé de le faire moi-même », ajoute-t-il. Après une formation en Italie, il a lancé en 2017 « Save Myanmar Film » avec un groupe de cinéastes pour récupérer les vieilles bobines mais aussi tous les accessoires qui existent encore dans le pays. Leur slogan est « Chaque seconde compte! ».

Des dizaines de films sont en effet toujours entassés dans le bâtiment en ruine des archives de Rangoun. Avec l’arrivée de la climatisation, la situation est moins critique mais loin d’être idéale: la température y est de 16°, bien au-dessus du niveau optimal de 4°.

« Les gens dans ce pays ne réfléchissent pas à comment valoriser nos vieux films », regrette l’actrice Grace Swe Zin Htaik, 65 ans, qui a joué dans plusieurs des plus grands classiques birmans des années 1970 et 80. Et pourtant, pour elle, « les vieux films sont un témoignage de notre histoire, de notre culture. Nous pouvons y voir notre identité et nos valeurs. »

DC avec AFP

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