ÉCONOMIE

La concurrence a favorisé le marché américain de l’électricité

mars 2, 2023 8:51, Last Updated: mars 2, 2023 8:51
By JEAN-PHILIPPE DELSOL

Le marché américain de la production, du transport et de la distribution de l’électricité est ouvert à de nombreuses entreprises privées ou publiques, des utilities, régulées au niveau fédéral par deux agences qui coordonnent leur travail : la Federal Energy Regulatory Commission (FERC) et la Energy Information Administration (EIA).  Une réglementation veille à éviter les abus de monopole territorial des réseaux qui gèrent le transport(lignes à haute tension), tandis que la production et la distribution d’électricité (lignes à basse tension), plus concurrentiels par nature, sont plus libres.

Alors qu’antérieurement les « utilities » devaient, en principe, limiter leurs activités au seul domaine régulé et au territoire d’un seul état, face à une crise énergétique, une loi de 1978, dite PURPA, a encouragé la concurrence, la fiabilité et l’efficacité de la production et de la distribution de l’électricité en favorisant la création de nouvelles centrales de production, des qualifying facilities (QFs), auxquels les opérateurs électriques traditionnels, les utilities, étaient désormais obligées d’acheter une partie de leur électricité lorsque les prix affichés par les QFs permettaient de proposer une électricité moins chère pour le consommateur que si l’utility s’était chargée elle-même de la production. Cette loi fédérale, dont l’application était confiée aux états fédérés, contribua à la construction de nombreuses centrales nouvelles et indépendantes de production d’électricité.

En 1992, une nouvelle loi fédérale, Energy Policy Act (EPACT), a encore ouvert le marché de la production électrique à la concurrence en permettant à de nouveaux producteurs indépendants, les « Exempt Wholesale Generators », moins réglementés que les QFs et les compagnies traditionnelles, de vendre leur production ou même de l’électricité acquise ailleurs, à des acheteurs sur un ou plusieurs Etats via les réseaux électriques locaux auxquels les utilities devaient leur donner accès.

D’autres lois subséquentes en 2005, 2007 (Energy Independence and Security Act), le  Clean Power Plan en 2015… ont encore favorisé, notamment par des programmes d’aides publiques, la compétition intérieure et incité à la production d’énergies renouvelables..

Globalement, la production d’énergie électrique aux Etats-Unis est bien réglementée tant au niveau fédéral, via l’organisme indépendant de contrôle, la Federal Energy Regulatory Commission, qu’au niveau des 50 états – avec leurs Congrès respectifs et leurs autorités de régulation locales : les Public Utilities Commissions. Une autre agence fédérale indépendante, Energy Information Administration (EIA), est chargée de fournir des données et des prévisions indépendantes du pouvoir politique, et des analyses permettant des décisions politiques appropriées. Mais globalement, la production, le transport et la distribution en gros de l’électricité sont beaucoup plus diversifiés et plus décentralisés qu’en France.

Curieusement, le marché de détail, offrant aux consommateurs la possibilité de choisir leur fournisseur, géré au niveau des états, a été moins ouvert à la concurrence qu’en Europe. Des états importants avaient ouvert leur marché de détail à la concurrence : Texas, New York, Michigan, Ohio, Illinois, Pennsylvanie… mais ils ont été plus frileux après le scandale Enron et la crise de l’électricité en Californie au début des années 2000 que certains ont attribué à la libéralisation du marché. Il semble pourtant que cette crise ait été surtout due à la réglementation du marché qui imposait des contraintes environnementales excessives aux producteurs, un prix plafond aux distributeurs d’électricité et empêchait ceux-ci de signer des contrats d’approvisionnement à long terme.

Les tarifs d’électricité

Le marché américain de l’électricité a permis d’offrir aux consommateurs des prix inférieurs à ceux de la France et leur augmentation de 2000 à 2020 a été en moyenne (tous secteurs confondus) de l’ordre de 35% ainsi que l’indique ce tableau de l’EIA sur les prix de détail mensuels de l’électricité de 2000 à 2020 :

En France, le tarif électrique est plus élevé, même le tarif réglementé, et il a connu des hausses de l’ordre de 70% de 2000 à 2020 :

Prix de l’énergie en France

GRAPHIQUE EVOLUTION PRIX ENERGIE Source : Info énergie

Mais les prix ont flambé en France et en Europe depuis 2021 ainsi que l’indique le tableau ci-dessous, contrairement aux Etats-Unis (cf. le graphique de l’EIA ci-dessus) :

Certes, la relative liberté de marché et le nombre important d’acteurs privés, y compris dans la production nucléaire, ont causé parfois aux Etats-Unis des accidents de parcours. La relative stabilité des prix de l’électricité y est due aussi à l’augmentation significative de la production du gaz de schiste à bas prix. Ayant de la peine à soutenir la concurrence avec ce gaz, de nombreuses centrales nucléaires ont été en difficulté et ont dû faire appel à l’argent public (Nex-York, Illinois, Ohio, Pennsylvanie) et/ou se placer sous la protection du  « chapter 11 » pour éviter les faillites, comme Westinghouse en 2017, tandis que certaines entreprises comme Santee Cooper et Scana Corporation  stoppaient la construction de nouveaux réacteurs.

Le secteur de l’énergie électrique parvient néanmoins aux Etats-Unis à réduire sensiblement sa production carbonée, la production venant du charbon et du pétrole ayant baissé de 50% environ depuis 20 ans comme le montre le graphique ci-après :

En définitive, avec toutes les imperfections que recèle le marché américain et le mélange parfois nocif de réglementation et de compétition qui y existe, la large privatisation du marché et la concurrence qui y règne offre au consommateur une énergie à meilleur prix et peut-être plus sécurisée que sur le marché hyper réglementé de l’Europe.

Article écrit par Jean-Philippe Delsol. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.

L’IREF est un « think tank » libéral et européen fondé en 2002 par des membres de la société civile issus de milieux académiques et professionnels dans le but de développer la recherche indépendante sur des sujets économiques et fiscaux. L’institut est indépendant de tout parti ou organisation politique. Il refuse le financement public.

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