Les discussions engagées sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie entre indépendantistes et non-indépendantistes sous l’égide de Manuel Valls ont échoué la semaine dernière, laissant l’archipel sans cap politique clair, un an après les violences les plus importantes enregistrées depuis les années 1980.
Dans sa version initiale, le texte proposait d’engager la Nouvelle-Calédonie, déjà largement autonome, dans une nouvelle étape de son « émancipation », fondée notamment sur une « montée en compétences progressive », un « partage encadré de certaines prérogatives régaliennes », ainsi que sur « la consolidation d’une citoyenneté calédonienne ».
L’exercice du droit à l’autodétermination serait conservé, mais il s’agirait de proposer aux Calédoniens un « référendum de projet » et non plus de seulement dire oui ou non à l’indépendance. Ce mécanisme vise à rompre avec la « logique binaire » des consultations de 2018, 2019 et 2021 et à « engager l’ensemble des forces politiques calédoniennes dans une dynamique de responsabilité », selon le document initial.
Les compétences régaliennes – relations internationales, défense, police, justice, monnaie – continueraient d’être exercées par la France, qui promet de mieux y associer la Nouvelle-Calédonie en instaurant par exemple un « comité stratégique de défense » ou en créant des postes d’assesseurs coutumiers auprès des juridictions pénales.
Mais l’échec des discussions empêche notamment de « régler la question de la composition du corps électoral », à l’origine des violences insurrectionnelles de mai 2024, qui ont fait 14 morts et plus de deux milliards d’euros de dégâts, sur fond de crise économique aiguë.
Plusieurs groupes du côté pro-français ont rappelé les trois référendums déjà organisés entre 2018 et 2021, qui ont tous rejeté la pleine souveraineté, même si le camp indépendantiste avait largement boycotté la dernière consultation.
Avec une île toujours au bord d’une guerre civile, le ministre des Outre-mer a également dénoncé de nouvelles « tentatives de déstabilisation » de Bakou. Le caillou est une cible privilégiée des ingérences étrangères poussant à son indépendance, permettant à la 2e réserve mondiale de nickel de finir sous le giron autoritaire de la Chine et de ses alliés.
L’archipel est également un carrefour maritime stratégique dans le Pacifique pour le régime chinois, sous tutelle du Parti communiste chinois (PCC), la Nouvelle-Calédonie deviendrait la clé de voûte de la stratégie d’anti-encerclement chinoise et isolerait l’Australie.
Échec des négociations sur l’avenir institutionnel
Les négociations sur le futur statut de la Nouvelle-Calédonie avaient été relancées début 2025. Plusieurs cycles de discussions ont eu lieu, et l’ancien Premier ministre avait effectué trois déplacements sur place, parvenant à remettre autour de la table deux camps aux positions difficilement conciliables et qui ne se parlaient plus.
Au cours de ce dernier cycle, deux projets ont été examinés en profondeur, a expliqué le ministre des Outre-mer, Manuel Valls. « L’un fondé sur une souveraineté avec la France », défendu par le ministre, et « l’autre basé sur le fédéralisme au sein de la République française », porté notamment par les Loyalistes, l’une des branches des non-indépendantistes.
Mais « aucun projet n’a pu recueillir de consensus », a regretté M. Valls. Le projet présenté par le gouvernement, qui prévoyait une « double nationalité, française de droit et calédonienne », ainsi qu’un « transfert et une délégation immédiate des compétences régaliennes », avait suscité l’indignation des non-indépendantistes, qui estimaient qu’il revenait de fait à acter l’indépendance du territoire.
La cheffe de file loyaliste, Sonia Backès, a assuré au cours d’une conférence de presse avoir « évité la catastrophe pour la Nouvelle-Calédonie », assurant que l’absence d’accord « n’est pas le chaos » et que la Nouvelle-Calédonie demeurait française.
Mais faute d’accord politique, l’État entend désormais avancer dans le cadre juridique existant. Le gouvernement devra « examiner le projet de convocation et d’organisation des élections provinciales conformément au cadre juridique actuellement en vigueur », a indiqué Manuel Valls. Ces élections, qui déterminent la composition du gouvernement local, doivent théoriquement se tenir avant fin novembre 2025, ce qui laisse présager un nouveau regain de tensions.
Un climat toujours tendu au bord de la guerre civile
« Nous marchons sur une corde raide au-dessus des braises », a déclaré le ministre des Outre-mer à un panel de journalistes français avant sa dernière visite.
Si la situation économique de la Nouvelle-Calédonie est au cœur de ses préoccupations, M. Valls s’inquiète du climat tendu, de la résurgence du « racisme (anti-blanc, ndlr) et de la haine », de la dégradation rapide des services de santé publique et de l’augmentation de la pauvreté causée par un nombre croissant de chômeurs.
« S’il n’y a pas d’accord, l’incertitude économique et politique peut conduire à une nouvelle catastrophe, à la confrontation et à la guerre civile », a-t-il déclaré.
La semaine dernière, Sonia Backès, présidente du parti Les Loyalistes, a déclaré lors d’un rassemblement public que le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) avait refusé de parler d’une date pour un nouveau référendum. « Un nouveau référendum serait synonyme de guerre civile », a-t-elle souligné. « Et nous ne voulons pas fixer la date d’une guerre civile.
Paris dénonce de nouvelles « tentatives de déstabilisation » venues de Bakou
Début avril, un courrier du « Groupe d’initiative de Bakou » (GIB) proposait sa médiation dans les négociations sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. « Face à ces tentatives de déstabilisation qui visent notre unité, la France opposera toujours une réponse ferme et implacable », avait déclaré Manuel Valls, cité dans un communiqué du ministère des Outre-mer.
Le communiqué ajoute que « la France ne reconnaît pas le Groupe d’initiative de Bakou qui mène depuis l’Azerbaïdjan des actions contre les intérêts stratégiques de la France outre-mer » et « appelle les élus visés par ce groupe à rejeter sans ambiguïté ces manœuvres inacceptables ».
Depuis des mois, Paris accuse Bakou d’ingérence et de manipulation sur la Nouvelle-Calédonie et plus généralement sur les outre-mer, dans un contexte de tensions entre les deux capitales en raison du soutien de la France à l’Arménie, le rival historique de l’Azerbaïdjan.
Selon l’analyste en relations internationales Bastien Vandendyck sur France Info, l’Azerbaïdjan ne s’intéresse pas du tout à la cause indépendantiste : « Il soutient le FLNKS [Front de libération nationale kanak et socialiste] pour renforcer les dissensions sociopolitiques en Nouvelle-Calédonie. »
Mais l’offensive la plus massive et la plus efficace reste celle de la Chine, qui a déjà réussi à déstabiliser les îles Vanuatu et Salomon et qui attend de récupérer la Nouvelle-Calédonie dans les prochaines décennies, malgré ses positions officielles rejetant toutes accusations d’ingérence.
Pékin en embuscade
Le climat de guerre civile et les difficultés économiques de l’île offrent à la Chine l’opportunité d’étendre son emprise. Ce bout de territoire français intéresse particulièrement Pékin, la Nouvelle-Calédonie étant le 3e producteur et la 2e réserve de nickel au monde, indispensable pour la fabrication des batteries des véhicules électriques.
Dans le rapport intitulé Les opérations d’influence chinoises, un moment machiavélien, l’Irsem dévoile la stratégie du régime chinois pour influencer l’économie et la politique calédoniennes par le financement de partis politiques, de think-tanks, d’influenceurs, de décideurs publics, de médias ou de chercheurs.
La Chine s’appuie ainsi sur différents relais pour amener la Nouvelle-Calédonie vers « l’indépendance » et la ramener dans sa propre zone d’influence, explique l’analyste en relations internationales Mathieu Sirvins dans La France face à la guerre mondiale du Parti communiste. D’une manière générale, « la diaspora [chinoise] et les associations qui la représentent, pour certaines, sont extrêmement proches de certains élus indépendantistes » insiste-t-il.
Les services de renseignements français eux-mêmes assurent que la Chine soutient les mouvements indépendantistes kanaks via notamment l’Association de l’amitié sino-calédonienne, contrôlée et financée par le Parti communiste chinois (PCC), selon le journaliste Sebastien Le Belzic, spécialiste de la Chine.
“Le Parti communiste chinois et certains partis indépendantistes entretiennent effectivement des relations de proximité” analysait Bastien Vandendyck pour Epoch Times.
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