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La grande soif de la terre: en 2018, une sécheresse historique en Europe du Nord

décembre 13, 2018 10:38, Last Updated: décembre 13, 2018 10:40
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Forêts parties en fumée en Suède, récolte de pommes de terre au plus bas historique, abattages de troupeaux par manque de fourrage… Les agriculteurs européens ne comptent plus les conséquences de la sécheresse qui a frappé le nord du continent en 2018. Selon le service météorologique allemand (DWD), la sécheresse de cet été est la plus longue depuis que les relevés ont débuté, il y a 140 ans.

Partout, rendements et volumes de légumes, fruits, céréales, ou fourrage ont chuté.  Rare exception, la vigne, qui a plutôt profité de la chaleur. Le millésime s’annonce notamment exceptionnel en Champagne. Mais les frites vont être chères.

La production de pommes de terre de conservation a en effet reculé « d’au moins 20% » par rapport à l’an passé dans quatre des cinq pays producteurs majeurs en Europe (Allemagne, Belgique, France et Pays-Bas), avec des volumes à un plus bas historique en Allemagne. La Suède a même produit moins de pommes de terre qu’en 1867, année de grande famine. Et sa récolte de céréales a dégringolé de 59% par rapport à 2017, selon l’agence d’Etat pour l’agriculture.

En Autriche, les dommages sont évalués à plus de 210 millions d’euros, dont 130 pour le seul fourrage. En France, le Grand-Est, la Bourgogne-Franche Comté, le Massif Central et les Alpes manquent particulièrement de fourrage, et les pertes totales sont estimées entre 1,5 et 2 milliards d’euros par la première organisation agricole FNSEA. « 70 départements français (sur 101, NDR) devraient bénéficier du régime des calamités agricoles, soit une sécheresse aussi forte que celle de 2003, déjà classée historique », souligne Joël Limouzin, un responsable de la FNSEA.

La sécheresse ayant été exceptionnelle par sa longueur, les prairies n’ont pas reverdi à l’automne par manque de pluie. En France, 30% des surfaces semées de colza n’ont pas levé. Des aides d’urgence ont été débloquées: 340 millions d’euros en Allemagne, 115 millions en Suède, 60 en Autriche… Et le versement des aides européennes a été avancé dans la plupart des pays concernés.  Face au manque de fourrage et de paille, qui ne se trouvaient souvent qu’à des prix exorbitants, des abattages anticipés de vaches ont eu lieu.

En Haute-Autriche, principale région d’élevage bovin du pays, ils ont été de 7% supérieurs à la normale, et les prix payés aux éleveurs ont chuté de 18% par rapport au printemps.  Au Royaume-Uni, les abattages ont augmenté de 30.000 bêtes, et le pays compte un million d’agneaux manquants par rapport à 2017, selon le National Farmers Union (NFU).

En France, la « décapitalisation » du cheptel laitier a commencé avec une hausse de 7,5% des abattages de vaches laitières en octobre par rapport à octobre 2017, alimentant en retour une chute des cours de la viande.  Certaines bêtes sont vendues à 2,80 euros le kilo en décembre, « alors qu’il faudrait 4,50 euros pour couvrir les coûts de production » se désole M. Limouzin, qui craint un « arrêt massif » d’exploitations d’élevage au printemps prochain.

Pas d’abattage exceptionnel en Allemagne. Ni aux Pays-Bas, où les éleveurs disposaient de réserves de foin des années précédentes. Mais la future Politique agricole commune (PAC) européenne, en cours d’élaboration pour l’après 2021, devra « aider les producteurs à faire face aux effets du changement climatique », avertit Esther de Snoo, de l’organisation agricole néerlandaise LTO.

Au Royaume-Uni, qui s’apprête à quitter l’UE, le NFU souhaite aussi des mesures permettant au secteur d’affronter les sécheresses à l’avenir. Il demande que la production de biens alimentaires soit considérée prioritaire pour l’approvisionnement en eau, et l’investissement dans des réservoirs favorisé.

Face aux enjeux climatiques, les Etats de l’UE devraient pouvoir utiliser une partie des fonds jusqu’à présent réservés aux aides directes aux agriculteurs, pour l’environnement, a souligné la semaine dernière à Bruxelles Aymeric Berling, de la Direction générale agriculture de la Commission, face à la presse.

« Le maître-mot c’est l’innovation et l’anticipation », estime M. Limouzin, « il faut que la PAC permette aux agriculteurs d’avoir une vraie gestion de risques, et de prévention, par exemple pour permettre le stockage de l’eau, et amplifier le système assurantiel », y compris pour les prairies, grâce aux cartes satellites de plus en plus précises.

Or, selon une étude récente, les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) destinées à réduire les prélèvements en eau pour l’irrigation, prévues par la PAC 2014-2020, ont été « globalement peu efficaces » en Grèce, Chypre, Roumanie, Italie et Espagne, car peu souscrites par les agriculteurs.

D.C avec AFP

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