L’étude la plus longue du monde pour connaître les paramètres d’une vie heureuse

L'étude, qui dure depuis 85 ans, montre que ce ne sont pas les niveaux de cholestérol ou de tension artérielle qui comptent le plus.

Par Emma Suttie
13 janvier 2024 02:16 Mis à jour: 13 janvier 2024 02:16

En 1938, des chercheurs de Harvard ont entamé une étude qui, à leur insu, allait devenir la plus longue étude jamais réalisée sur la vie adulte.

La Harvard Study of Adult Development (étude de Harvard sur le développement des adultes) a été lancée il y a 85 ans avec pour but de mieux comprendre la santé humaine, comprendre ce qui rend les gens heureux, et leur permet de s’épanouir dans la vie. Le but était de se focaliser sur ce qui rend les gens heureux et les prémunir de ce qui les rend malheureux.

La première génération

Dès 1938, l’étude a suivi la vie de deux groupes d’hommes.

Le premier était un groupe de 268 étudiants de deuxième année à l’université de Harvard, de jeunes hommes qui avaient vécu la Dépression des années 30 et terminé leurs études pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le second groupe était composé de 456 garçons issus des quartiers les plus pauvres de Boston. L’étude a choisi ces garçons parce qu’ils venaient des familles les plus défavorisées de Boston, dont beaucoup vivaient dans des immeubles sans eau, ni chaude ni froide.

Soit 724 personnes de sexe masculin au total.

Les informations recueillies ont été exhaustives. Les chercheurs ont remis aux participants des questionnaires détaillés, se sont procuré les dossiers médicaux de leurs médecins, ont prélevé des échantillons de sang, ont effectué des scanners cérébraux et ont interrogé les garçons et les jeunes hommes, ainsi que leurs familles, à leur domicile.

La deuxième génération

L’étude, qui s’étend désormais sur quatre générations, a récemment ajouté plus de 2000 enfants issus des premiers hommes à sa recherche. Cette nouvelle phase du projet vise à examiner comment les expériences vécues dans la petite enfance affectent la santé et le vieillissement au fil du temps.

Il y a plus de dix ans, l’étude a commencé à inclure les épouses des deux groupes d’hommes, élargissant ainsi sa portée et approfondissant sa compréhension de ce qui mène à une vie heureuse et épanouie.

La grande quantité d’informations recueillies a eu des effets considérables. Selon la Lifespan Research Foundation, qui gère l’étude, 200 articles scientifiques ont été publiés sur la base des données recueillies dans le cadre de l’étude, et neuf livres ont été écrits à ce sujet. La Fondation note également que le taux d’abandon de l’étude (15%) est le plus faible de toutes les études de recherche à long terme.

Depuis le début de l’étude, les chercheurs ont accumulé un trésor de données sur la santé physique et mentale des participants, ainsi que sur leur vie personnelle, professionnelle et sociale.

Ce que l’étude révèle : comment mener une vie heureuse ?

Lors d’une conférence TED de 2015 en 2015, Robert Waldinger, professeur de psychiatrie à la Harvard Medical School et quatrième directeur de l’étude, a déclaré que la chose la plus importante qui ressort de cette étude est que avoir de bonnes relations avec les autres nous gardent en meilleure santé et nous rend plus heureux. Plus que le cholestérol ou la tension artérielle, les relations dans la vie des hommes étaient le prédicteur le plus significatif d’une vie saine et heureuse.

Les relations sont essentielles

La plupart d’entre nous s’est entendu dire que travailler dur, aller dans de bonnes écoles, avoir une carrière réussie et gagner beaucoup d’argent sont des choses qui permettent une « bonne » vie. Cependant, dans les discussions sur le bien-être et le bonheur, nous oublions parfois de parler de l’importance de cultiver des relations solides, de la politesse et de la famille.

Selon Robert Waldinger, l’étude de la vie de ces hommes au fur et à mesure de son déroulement a permis de tirer des leçons essentielles sur les relations. La première est que les relations sociales sont bonnes pour nous et que la solitude est préjudiciable à notre santé mentale et physique. Les personnes qui ont davantage de relations sociales sont plus heureuses, en meilleure santé et vivent plus longtemps. À l’inverse, les personnes plus isolées subissent les effets inverses : elles sont moins heureuses et leur santé, y compris leurs fonctions cérébrales, décline plus tôt. Elles meurent également plus tôt que celles qui ont davantage de relations sociales.

Mais avant que nous ne nous précipitions tous sur les médias sociaux pour ajouter des amis avec un nouvel enthousiasme, l’étude a révélé qu’en matière de relations, ce n’est pas la quantité mais la qualité qui compte. Il s’agit de sentir que quelqu’un, qu’il s’agisse d’un ami, d’un conjoint ou d’un membre de la famille, nous soutient lorsque nous en avons le plus besoin. L’étude a également montré que le fait de vivre des relations de soutien et d’amour protège notre santé, alors que le fait de vivre dans le conflit a des conséquences terribles sur notre santé et notre bien-être.

Une étude publiée en 2019 s’est penchée sur les effets des conflits conjugaux sur la santé. Les chercheurs ont étudié 373 couples pendant les 16 premières années de leur mariage pour voir si leurs désaccords sur divers sujets – tels que les enfants, les finances, la belle-famille et les loisirs – avaient un effet négatif sur leur santé. L’étude a montré que les conflits dans le mariage étaient associés à des conséquences négatives pour la santé du couple et qu’ils avaient un effet cumulatif au fil du temps.

« Pour les maris, le fait d’être en désaccord plus souvent que d’habitude au cours d’une année donnée était associé à une moins bonne santé subjective, tandis que les effets cumulés des désaccords au cours des 16 premières années de mariage conduisaient à une moins bonne santé subjective pour les épouses », peut-on lire dans l’étude.

Pourquoi c’est important

L’importance de bonnes relations pour notre santé et notre bien-être n’est pas une découverte récente. Les cultures anciennes connaissaient bien les avantages de relations saines et amoureuses et de la création de communautés solides. Mais comme nos sociétés ont changé et que la plupart d’entre nous ne vivent plus dans de petits groupes soudés comme nos ancêtres, nous avons largement perdu ces liens sociaux et nous comptons de plus en plus sur la technologie pour combler le vide et nous aider à rester en contact dans un monde où de plus en plus de gens se sentent isolés et seuls.

La solitude

Lors de l’émergence du Covid-19, la solitude a connu une augmentation alarmante en raison de l’éloignement social, des fermetures d’entreprises et des confinements. Malheureusement, le problème persiste et est particulièrement répandu chez les jeunes adultes et les personnes à faible revenu, selon un panel Gallup composé de 5167 adultes américains, 17% des adultes américains ont déclaré s’être sentis seuls presque toute la journée avant d’être interrogés au début de l’année 2023. Dans les foyers aux revenus modestes, 27% ont déclaré se sentir seuls, et 24% des jeunes adultes de moins de 30 ans ont fait part d’un sentiment de solitude.

Selon un sondage IFOP publié en 2022 intitulé « baromètre les Français et la solitude », un Français sur cinq demeure confronté à la solitude chronique, une proportion qui demeure supérieure à celle mesurée avant le début de la crise sanitaire.

En France, les restrictions sanitaires mises en place pour lutter contre le Covid-19 ont aggravé le sentiment de solitude des Français, en particulier des plus jeunes. Selon une étude du Crédoc, un quart de la population serait complètement isolé socialement en janvier 2021.

En 2021, le gouvernement japonais a pris des mesures pour lutter contre le problème persistant de la solitude au Japon, un problème amplifié par la pandémie de Covid-19 et l’augmentation des suicides, principalement chez les femmes actives et les mères célibataires. Le premier ministre de l’époque, Yoshihide Suga, a donc nommé un ministre de la solitude. Ce nouveau poste a été confié à Tetsushi Sakamoto, qui a été chargé de lutter contre l’augmentation de l’isolement social et de la solitude dans le pays. La décision du Japon fait suite à une décision similaire au Royaume-Uni, qui a nommé son premier ministre de la solitude en 2018 pour s’attaquer aux problèmes sanitaires et sociaux liés à la solitude et à l’isolement social dans le pays.

Comment créer des relations solides

Bien que la création de relations solides et durables soit essentielle à notre santé et à notre bien-être, ce n’est pas toujours facile. Les relations peuvent être compliquées, tumultueuses et désordonnées, mais avec un peu d’attention, elles peuvent s’épanouir et durer toute une vie.

Voici quelques conseils sur la façon de soutenir les relations dans notre vie et d’en créer de nouvelles :

• Prendre le temps, chaque semaine, de parler à un ami à qui l’on a pas parlé depuis un certain temps.

• Aller prendre un café ou un déjeuner avec des amis régulièrement.

• Faire une liste des amis à qui l’on n’a pas parlé depuis longtemps et leur écrire un mot ou les appeler pour renouer le contact.

• Lorsque l’on fait ses courses, on sourit et on dit bonjour aux personnes qui font les courses ou qui nous servent au restaurant ; cela nous fait fait du bien et il est probable qu’il nous arrive la même chose à nous aussi.

• Donner priorité aux personnes que l’on aime le plus et faire des choses pour leur montrer à quel point on les apprécie.

• Au lieu de regarder des films ou la télévision avec notre moitié, partir en promenade ou sortir dîner.

• Si on ne voit qu’une photo ou si l’on pense à un souvenir amusant que l’on a partagé avec un ami ou un membre de la famille, on appelle cette personne et on lui dit : on rira bien et on renforcera le lien qui nous unit.

• Faire du bénévolat dans un hôpital, une maison de retraite, un refuge pour sans-abri ou un refuge pour animaux.

• Suivre un cours ou adhérer à un club pour rencontrer de nouvelles personnes partageant les mêmes centres d’intérêt et élargir notre cercle social.

Réflexions finales

Nous savons tous qu’avoir de bons amis, un cercle social solide et des relations amoureuses nous fait nous sentir bien. Les personnes proches de nous nous aident à atténuer le stress que la vie nous impose inévitablement, nous permettent de nous défouler sans jugement, nous soutiennent lorsque nous luttons et partagent la joie lorsque nous réussissons. La vie peut parfois créer une distance avec les gens qui sont importants pour nous, mais cultiver ces relations est une entreprise valable, comme l’a découvert la plus longue étude du monde. Ils rendent la vie digne d’être vécue.

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