ÉCONOMIE CHINE

L’industrie chinoise de l’eau en bouteille est en proie à la controverse : des nationalistes attaquent le fondateur de la source Nongfu

mars 22, 2024 1:44, Last Updated: mars 22, 2024 1:44
By Jessica Mao et Michael Zhuang

L’homme le plus riche de Chine lutte contre une tempête de critiques qui a balayé les réseaux sociaux et engendré un boycott de l’une des marques d’eau embouteillée les plus populaires du pays au cours des dernières semaines.

Zhong Shanshan, président du géant de l’eau en bouteille Nongfu Spring, a essuyé une vague d’insultes de la part des partisans nationalistes du concurrent de Nongfu, le groupe Wahaha, après le décès de son fondateur le 25 février.

Les internautes se sont rendus sur les réseaux sociaux pour pleurer le fondateur de Wahaha, Zong Qinghou, un nationaliste vénéré. Le groupe Wahaha (dont le nom signifie « enfant rieur » en chinois) est ostensiblement une entreprise privée, mais bénéficie d’un important soutien de l’État.

Les louanges adressées au milliardaire autodidacte se sont rapidement transformées en comparaisons critiques avec son rival de Nongfu Spring. Ces critiques ont pris de l’ampleur, les nationalistes en ligne accusant Zhong Shanshan d’être pro-japonais, pro-occidental et antipatriotique, et appelant au boycott des produits de Nongfu Spring.

En octobre 2023, le Hurun Report a publié la « Hurun Rich List 2023 », qui a classé Zhong Shanshan comme la personne la plus riche de Chine pour la troisième fois consécutive, avec une fortune de 450 milliards de yuans (57,3 milliards d’euros).

Le 11 mars, alors que les actions de Nongfu Spring ont perdu des milliards à cause de la controverse, Zhong Shanshan a démissionné de son poste de représentant légal de l’une des filiales de Nongfu Spring, bien qu’il continue d’être directeur exécutif de la société.

Le fondateur de Nongfu Spring attaqué pour manque de patriotisme

Depuis février, lorsque la tempête de l’opinion publique sur l’internet chinois fortement censuré a attaqué Zhong Shanshan et Nongfu Spring en faveur de leur concurrent, le Hangzhou Wahaha Group, le plus grand producteur de boissons du pays, les ventes de Nongfu Spring en Chine se sont effondrées.

Des articles et des vidéos circulant sur les réseaux sociaux chinois affirmaient que Zhong Shanshan avait commencé à bâtir sa fortune en tant que distributeur de Wahaha à ses débuts en qualité d »entrepreneur. Zhong Shanshan a été attaqué comme étant « ingrat » et « déloyal » pour avoir fondé Nongfu Spring et être devenu le concurrent de Zong Qinghou.

Les critiques qui ont suivi se sont étendues au fils de Zhong Shanshan, Zhong Shuzi, qui aurait la nationalité américaine. Des internautes ultranationalistes ont affirmé que les temples représentés sur les bouteilles de Nongfu Spring étaient des sanctuaires shintoïstes japonais. Nongfu Spring et Zhong Shanshan ont été accusés d’être « antipatriotiques » et « pro-japonais » et des appels au boycott des produits de l’entreprise ont été lancés.

Selon les médias chinois, les ventes de Nongfu Spring ont chuté de 90% dans son magasin phare après le début de la controverse à la fin du mois de février. L’action de la société à la bourse de Hong Kong a plongé, effaçant environ 30 milliards de dollars de Hong Kong (3,5 milliards d’euros) de capitalisation boursière le 11 mars. La valeur nette de Zhong Shanshan a chuté d’environ 2 milliards de dollars, selon Bloomberg.

Face à la controverse, Zhong Shanshan a publié une déclaration le 3 mars expliquant sa relation avec Zong Qinghou et soulignant que le capital initial pour sa startup provenait de l’entreprise textile, et non de Wahaha comme l’ont prétendu les internautes. Il a admis que Nongfu Spring et Wahaha s’étaient déjà poursuivis en justice, mais a déclaré qu’ils s’étaient réconciliés depuis.

Contrairement à Nongfu Spring, son concurrent Wahaha a profité de la mort de son fondateur, avec une forte augmentation des ventes de ses produits. Les bouteilles d’eau de Wahaha sont épuisées en ligne et les commandes d’autres produits populaires de l’entreprise doivent attendre au moins 25 jours avant d’être livrées.

L’actionnaire « privé » de Wahaha, soutenu par l’État

En apparence, Wahaha est perçue comme une entreprise familiale et privée. Cependant, en termes d’actionnariat, Wahaha est soutenue par le Parti communiste chinois (PCC). Le principal actionnaire de Wahaha est une société d’investissement d’État de Hangzhou, avec une participation de 46%. Le fondateur, Zong Qinghou, possède 29,4%, ce qui fait de lui le deuxième actionnaire le plus important, tandis que les employés de l’entreprise détiennent les 24,6% restants.

Certains internautes chinois estiment qu’une participation de 46% n’est pas une majorité absolue et ne constitue donc pas une entreprise d’État. Lu Shaye, un ancien entrepreneur chinois vivant en exil aux États-Unis, a déclaré à Epoch Times qu’il n’était pas d’accord.

Dans une interview accordée le 13 mars, Lu Shaye a affirmé que la taille du ratio d’actionnariat ne reflétait pas la question substantielle du contrôle de l’entreprise. Selon lui, en Chine, de tels ratios n’ont pas de signification pratique et ne sont que des chiffres.

« Les actions détenues par les employés de Wahaha sont en fait des incitations économiques symboliques », a indiqué Lu Shaye. « En d’autres termes, ces employés ne peuvent pas participer à la gestion de l’entreprise ou aux décisions d’investissement. »

Lu Shaye a ensuite expliqué que même avec un faible ratio d’actionnariat, la contrepartie centrale peut toujours contrôler une entreprise. En fait, dans certaines situations, le régime n’acquiert symboliquement qu’un pour cent des actions d’une entreprise et peut néanmoins obtenir un droit de veto absolu. Si le représentant de l’actionnaire d’État estime que les décisions de l’entreprise ne sont pas conformes aux intérêts du PCC, il dispose d’un droit de veto. Par conséquent, ces entreprises sont en fait sous le contrôle du PCC, même si la participation du PCC est inférieure à 50%.

On ne sait pas exactement comment Nongfu Spring a offensé le PCC, a confié Lu Shaye, mais selon lui, il est évident que Nongfu Spring et son fondateur ont été attaqués par une opinion publique manipulée. Il a souligné que lorsque les décisions prises par des entrepreneurs privés et non étatiques entrent en conflit avec les intérêts du PCC, ils n’ont d’autre choix que de se soumettre au régime. Dans ce cas, il est plausible que le PCC permette ou aide la tempête de l’opinion publique afin de punir Zhong Shanshan.

Il convient aussi de mentionner que de nombreuses grandes entreprises chinoises sont soutenues par le PCC, qui détient des participations importantes dans des sociétés allant de la marque de bière chinoise populaire Tsingtao au promoteur immobilier en difficulté Vanke.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.

Voir sur epochtimes.fr
PARTAGER