Mile End : terrain de jeux à portée sociale

septembre 21, 2016 20:03, Last Updated: octobre 4, 2016 4:21
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Qui a dit que les jeux étaient faciles à concevoir ? Le plaisir qui s’en dégage, les apprentissages qui en découlent, l’astucieuse conception de ces derniers sont souvent la somme d’une science du jeu élaborée, sérieuse, mise en action par des créateurs érudits de différents domaines.

Le Mile End a eu le droit d’être au cœur d’un tel projet d’expertes du jeu, Alexia Bhéreur-Lagounaris et Alice Miquet, qui ont proposé une chasse au trésor dans le Mile End à la fin février. Autrement dit, un jeu à portée sociale, où l’on peut gagner différents prix, gracieuseté de commanditaires locaux, mais surtout qui permet de vivre, à plusieurs niveaux, une expérience qui laisse une empreinte et des échos de la vie milendoise en soi.

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Ce projet a à sa source Alice Miquet, bénévole passionnée de l’organisme Mémoires du Mile End – société d’histoire locale engagée – et possédant une formation en urbanisme. Dans un deuxième temps, on y retrouve Alexia Bhéreur-Lagounaris qui a porté bien des chapeaux avec les années, dont celui de coordonnatrice artistique de Les Rendez-vous du cinéma québécois, dépisteur artistique au Cirque du Soleil, recherchiste et adjointe à la réalisation à la radio de Radio-Canada. Elle a aussi été chorégraphe, danseuse et comédienne. Ensemble, elles ont fondé ABLBLALAB, entreprise de création d’événements ludiques et interactifs.

Immersion littéraire et historique

« Une des premières visées était de faire découvrir la littérature qui traite du Mile End. La chasse au trésor se base, entre autres, sur trois œuvres littéraires qui sont les inspirations pour les indices et les quêtes sur le plan scénaristique. Ceux-ci proviennent d’une liste de 12 livres portant sur le quartier, dressée par Mémoire du Mile End », précise Alice.

La bibliothèque du Mile End se veut la case départ de la chasse au trésor dans le Mile End. (Medy Krouk)

« Nous avons développé plusieurs jeux collectifs avant de séparer le groupe en trois quêtes distinctes qui correspondent au goût des joueurs. Par exemple, on découvre les titres avec un message codé, une manière de crypter les messages. Le tout commence à la bibliothèque du Mile End. Les joueurs doivent notamment faire quelques recherches dans les livres sur place. Ça demande l’implication de la bibliothèque et de son personnel. La bibliothécaire était intéressée et souhaite que le tout se reproduise », fait savoir Alexia Bhéreur-Lagounaris. À la racine du jeu d’Alice et d’Alexia, on retrouve aussi le travail de l’organisme Mémoires du Mile End, la participation des commerçants et des valeurs humanistes.

Un « bêta-test » a été organisé pour 25 joueurs au début 2016, avant le jeu officiel. Peut-on parler d’un jeu « grandeur nature » ? « Ce n’est pas un vrai grandeur nature parce que les joueurs ne jouent pas de rôle précis, mais on aimerait faire un jeu avec personnages ultérieurement. Dans un monde idéal, on aurait une dizaine de quêtes, l’une d’entre elles serait grandeur nature », poursuit la créatrice d’événements.

1, 2, 3 on joue

« On va prendre ces trois histoires en cachant des indices et des trésors à différents endroits. Ça va obliger les gens à aller dans des endroits où ils n’ont pas l’habitude d’aller. On a dissimulé divers éléments clés du jeu sur des rues que les gens explorent moins lorsqu’ils viennent dans le quartier en touriste. On a aussi placé d’autres choses chez des commerçants. Ça va inciter les gens à entrer chez les commerçants et dissiper la gêne de “je ne connais pas ce commerce, donc je n’entre pas dedans”. Il faut aussi parler avec certains commerçants si on veut progresser dans le jeu. Ils peuvent avoir un rôle à jouer », explique Alice Miquet.

Le logo de l’entreprise de création d’événements ludiques et interactifs d’Alexia Bhéreur-Lagounaris et d’Alice Miquet (Alexia Bhéreur-Lagounaris et Alice Miquet)

À Budapest, Londres et Paris, les chasses au trésor de ce genre sont très populaires. Ici, à Montréal, ce n’est pas encore exploité, ces deux femmes sont les premières à offrir ce type de jeu avec une visée sociale, dans un cadre touristique. « En ce moment, ce qui est le plus populaire est ce que l’on appelle en anglais Escape the Room (sortir de chez soi). On te donne X nombre d’heures avec X nombre de joueurs. Tu dois décrypter différents codes, indices. On retrouve souvent une pièce qui est entièrement conçue avec indices, clés, cadenas, un peu comme dans Fort Boyard. On retrouve ce genre de jeu à Toronto, à Los Angeles, à Paris également. À Montréal, l’été dernier (2015), il y en avait deux ou trois. Maintenant, on est rendu à six ou sept », indique Alexia Bhéreur-Lagounaris.

La recherche derrière le jeu

Alexia se doit de lier les jeux qu’elle développe à la recherche universitaire, en collaboration fort amicale avec Alice. « L’intégration des théories telles que celle de “l’autodétermination développée en psychologie comme forme de réalisation de soi, comme critère de bien-être s’applique autant dans le milieu du jeu que dans le domaine de l’éducation. D’après cette théorie, ce qui motive les gens, c’est le sens de l’autonomie proposée, le sens de la compétence, de ce qu’on peut apprendre, ce qui nous fait évoluer et transcender nos acquis. Finalement, il y a la relation à autrui, celle qui nous relie à la communauté, à d’autres êtres vivants. On incorpore ces principes dans nos trois quêtes », confie-t-elle.

Le jeu du Mile End conçu par Mmes Miquet et Bhéreur-Lagounaris repose aussi sur le principe du Social impact game (jeux à portée sociale), mouvement qui a débuté dans les années 2000. « C’est un phénomène qui amène le jeu à porter un message humanitaire, philanthropique, mais qui peut toucher à la psychologie et à l’informatif sur un génocide par exemple. Tous les sujets sont possibles, mais c’est avec des valeurs “pour le bien commun”. On veut influencer le joueur, mais on souhaite qu’il y ait jusqu’à une action sociale qui viendra d’elle-même par la suite », amène Alexia.

« Le Mile End avec son côté multiculturel, multiclasses sociales, multilingue et multireligieux est une richesse que nous intégrons au jeu. C’est également une partie intégrante à la socialisation dans ce “village”. Nous espérons mettre de l’avant cette “saine” confrontation de soi-même envers cette microsociété qui oblige d’aller à la rencontre de l’autre avec un grand A », ajoute-t-elle.

Retrouvez Alexia et Alice ainsi que leurs projets, formations et conférences à venir 

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