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Pourquoi la réussite n’est plus à la mode et pourquoi il faut en parler

La richesse et le pouvoir sont des objectifs assez superficiels, mais la distraction et le confort sont encore moins significatifs
avril 7, 2023 7:37, Last Updated: avril 7, 2023 7:38
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Google propose un outil étonnant qui permet de connaître la fréquence d’utilisation d’un mot, année après année, en se basant sur les dates de publication de plus de 8 millions de livres.

Par exemple, la fréquence du mot « réussite » a été étonnamment stable dans les livres publiés de 1800 à 1985. Mais à partir du milieu des années 80 le mot a commencé à se faire plus rare, et ce année après année.

En 2020, le mot « réussite » était utilisé avec une fréquence 85 % moins importante qu’en 1985. C’est un changement significatif compte tenu de la période très courte, à peine 35 ans, pendant laquelle cette désaffection a eu lieu, et cela nous en dit long sur l’évolution de nos valeurs culturelles.

Qu’est-ce qui peut expliquer que la notion de réussite soit tombée en disgrâce en aussi peu de temps? 

  • Les attitudes à l’égard des marqueurs traditionnels de la réussite ont changé

Les marqueurs traditionnels de la réussite que sont la richesse, le pouvoir et le statut social ont connu un léger retrait ces dernières années au profit de marqueurs internes davantage tournés vers la recherche intérieure. Désormais, ce seraient l’épanouissement personnel, le bonheur et le développement individuel que nous aurions tendance à davantage percevoir comme les marqueurs d’une vie réussie, et c’est cette vision élargie de la réussite qui prévaudrait sur les marqueurs d’autrefois. 

  • Une meilleure prise de conscience de l’équilibre nécessaire entre vie professionnelle et vie privée

Un livre intitulé « La semaine de 4 heures » publié en 2007, annonçait déjà cette tendance nouvelle.

Ce livre défend l’idée selon laquelle, il faut « travailler moins et vivre plus » et rejette la notion classique d’une retraite (bien méritée) à un âge tardif, au profit de plus de liberté et de flexibilité tout au long de la vie.

Cette nouvelle conception s’est immiscée dans notre rapport au monde du travail. Son influence est particulièrement visible dans ce que l’on appelle aujourd’hui la « grande démission », cette volonté généralisée de la part des salariés de se retirer du monde du travail, à la suite de la pandémie de Covid.

  • Une plus grande importance est accordée au bien-être et à la santé mentale

Un des produits de notre prospérité en tant que société tient au fait qu’elle permet à beaucoup d’entre nous de libérer du temps et nous autorise à prendre soin de nous-mêmes. Même si ce n’est pas le cas pour l’ensemble de la population, il est clair qu’un nombre important de personnes se consacrent davantage à leur santé physique et à leur mental qu’auparavant.

Devenir riche et « réussir » à tout prix, au risque de faire passer sa santé et ses relations personnelles au second plan, n’a plus forcément le même attrait que par le passé.

Malaise sociétal et pessimisme généralisé

Qu’avons-nous gagné et qu’avons-nous perdu dans cette transition culturelle ?

De façon générale, quasiment tout le monde s’accorde à dire que les marqueurs traditionnels d’une vie agréable se sont révélés insuffisants. L’argent et le pouvoir ne sont pas grand-chose comparés aux amis proches, aux expériences enrichissantes que l’on peut vivre et au sens que l’on donne à sa vie. À un certain niveau de vie, il devient tout à fait logique de chercher à avoir plus de temps pour soi, même si cela veut dire gagner moins d’argent.

Notre société et notre culture ont encore beaucoup à faire pour aller dans le sens du bien-être, mais force est de reconnaître que ces objectifs qui visent l’épanouissement et le développement personnel vont dans le bon sens, car ils peuvent réellement nous permettre de développer une meilleure façon de vivre.

Pourtant ces nouvelles mentalités ne sont sans doute pas suffisantes : il suffit d’ouvrir les yeux pour se rendre compte que notre société souffre de quelque chose de plus profond. Il y a un malaise palpable dans l’air et un pessimisme généralisé qui va jusqu’à se retourner contre les fondements mêmes de notre société occidentale.

Si nous nous sommes affranchis des critères conventionnels de la réussite, alors pourquoi ne parvenons-nous pas à aller mieux? Que se passe-t-il?

La face obscure du confort et du divertissement permanent

La société est de plus en plus prospère, du moins pour une grande partie de la population, et c’est justement cette prospérité qui contribue à ce rejet du concept de « réussite ». Les besoins fondamentaux des gens étant satisfaits, ainsi que nombre de leurs désirs, ils aspirent désormais à plus de liberté, quitte à gagner moins et à jouir de moins de pouvoir. Au lieu de travailler de longues heures au bureau et chercher à gravir les échelons de l’entreprise, ils veulent vivre leur vie comme ils l’entendent.

Bien-sûr, c’est quelque chose qui est positif. Mais une autre difficulté surgit qui réside dans le fait de savoir quoi faire de son temps libre. Au lieu d’être consacré à davantage de temps avec les autres, à des activités à but non lucratif, ou à chercher des activités qui permettent de cultiver notre spiritualité ou même de nous lancer des défis, la grande majorité du temps libéré est dévorée par les écrans.

Notre prospérité, au lieu de libérer du temps pour des activités d’une plus grande valeur, nous a amenés à rechercher le confort, le divertissement permanent, et une vie toujours plus commode. C’est sans doute très agréable pour un week-end, mais sur le long terme cela se traduit par toujours plus d’ennui, d’anxiété et d’agitation, et ces choses ne cessent de prendre de l’ampleur dans nos vies.

Éviter les pièges de l’égoïsme et de la complaisance

Si l’ancien modèle de « réussite » comportait de profondes lacunes, il nous donnait au moins un objectif à atteindre en dehors de nous-mêmes. Le repli sur nous-mêmes que nous avons entrepris a eu pour effet paradoxal de nous couper de nos aspirations profondes et en même temps il n’a pas su apporter d’amélioration réellement significative à notre niveau de satisfaction personnelle.

Au lieu d’essayer de nous améliorer et de servir les gens autour de nous, il semble que nous nous contentions désormais de deux choses : ne pas nuire à autrui tout en maximisant notre propre plaisir.  Pourtant, certains d’entre nous cherchent un juste milieu entre ces deux tentations que sont la poursuite égoïste d’un statut d’un côté et une vie d’autosatisfaction de l’autre.

Nous avons véritablement beaucoup à gagner dans la vie si nous acceptons de faire des choses difficiles, et mener une vie qui a du sens et qui consiste à faire ce qui compte, avec les personnes qui comptent pour nous, nous apportera une satisfaction indéniable. Si notre définition de la réussite s’éloigne de l’argent et du pouvoir mais qu’elle ne s’agrandit pas elle-même pour inclure des valeurs plus fondamentales, alors l’idée d’une réussite véritable nous échappera toujours autant.

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