La production hydroélectrique en France souffre d’un manque d’investissements lié au régime de concessions auquel il est soumis et qui est à l’origine du contentieux avec la Commission européenne, selon un rapport parlementaire.
Le parc hydroélectrique contribue non seulement à la production énergétique mais constitue aussi un important outil de flexibilité pour le système électrique français et européen, grâce aux capacités de stockage des barrages, ce qui n’est pas possible avec le solaire et l’éolien.
Les barrages représentent pourtant la deuxième source de production électrique en France derrière le nucléaire, avec 13,92 % de la production d’électricité en 2024, soit 74,7 térawattheures (TWh). Il s’agit de la première source d’électricité renouvelable française avec 50,47 % de la production totale en renouvelable.
Mais Bruxelles empêche depuis des dizaines d’années la France d’investir et d’exploiter pleinement ses infrastructures hydroélectriques. « Le pays est enlisé depuis plus de vingt ans dans un différend avec la Commission européenne », qui a ouvert deux procédures à l’encontre de la France, l’une datant de 2015, l’autre de 2019, rappellent les députés auteurs du rapport parlementaire.
Un manque d’investissements contraint une meilleure exploitation
Le gouvernement français veut débloquer les investissements dans les barrages hydroélectriques, au cœur d’un bras de fer avec Bruxelles quant au respect du droit de la concurrence. EDF répète depuis des années qu’il y a un potentiel hydroélectrique à relancer en France sans forcément se lancer dans de grands ouvrages.
« Il est aujourd’hui fondamental de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le régime juridique des concessions hydroélectriques et ce, depuis plus de vingt ans », ont indiqué les députés Marie-Noëlle Battistel (PS) et Philippe Bolo (Modem) dans leur rapport publié la semaine dernière.
Selon les rapporteurs, la France compte 340 concessions, soit 90 % de la puissance hydroélectrique installée, dont 61 sont échues au 31 décembre 2025.
Les principaux concessionnaires sont EDF (70 % de la puissance hydroélectrique), la Compagnie nationale du Rhône (CNR, 25 %) et la société hydroélectrique du Midi (SHEM, 3 %), le reste étant réalisé par des petits acteurs, majoritairement privés (environ 70, exploitant 750 MW de capacités installées).
L’autre régime, celui de l’autorisation, concerne environ 2300 installations de moins de 4,5 MW. Les exploitants sont généralement aussi propriétaires de leur installation et la durée des autorisations est plafonnée à 75 ans par la loi.
Mais faute de visibilité sur l’avenir des concessions, les exploitants ne peuvent réaliser des investissements non prévus dans leurs cahiers des charges, ni ceux nécessaires au bon fonctionnement et au renouvellement des ouvrages, soulignent-ils.
Des blocages venant de Bruxelles
Le conflit avec Bruxelles remonte au milieu des années 2000. La Commission européenne considère que la législation et la pratique des autorités françaises contreviennent au droit européen en autorisant le renouvellement ou la prolongation de certaines concessions hydroélectriques sans recourir à des procédures d’appel d’offres.
Depuis deux mises en demeure européennes en 2015 et 2019, le dossier patine. Cela bloque certains investissements dans des concessions aujourd’hui arrivées à échéance (au moins 38 sont dans ce cas).
La France tente d’obtenir de Bruxelles de pouvoir exploiter les ouvrages sous le régime de l’autorisation, et non plus sous le régime de concession qui contraint à remettre l’ouvrage en concurrence s’il doit faire l’objet d’un investissement substantiel, pour augmenter sa puissance par exemple.
La France veut « garder la pleine maîtrise de [son] parc hydroélectrique en évitant les mises en concurrence », expliquait la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. « Nous avons entamé des discussions sur le principe de l’autorisation qui permet une transmission du patrimoine aux opérateurs, avec un cahier des charges très sécurisé pour permettre à la collectivité locale de reprendre la main », a-t-elle indiqué.
Les procédures de Bruxelles portent notamment sur la position dominante d’EDF et l’absence de remise en concurrence des concessions échues. La France refuse cette ouverture à la concurrence, et c’est cette situation qui empêche tout investissement substantiel dans le parc hydroélectrique.
Revenir sur le régime de concessions ne doit pas se traduire par la mise en concurrence du secteur, plaident les députés Marie-Noëlle Battistel et Philippe Bolo. Et pour répondre à la crainte d’une « privatisation » de ces installations aux concessionnaires, ils suggèrent de qualifier les barrages d’ouvrages publics dans la loi, comme les aéroports.
En parallèle, ils proposent une révision de la directive « concessions » en excluant les activités hydroélectriques de son champ d’application, ce qui pourrait amener la Commission européenne à lever sa procédure. Mais cette révision « prendra plusieurs années, au moins cinq ans, pour aboutir », admettent-ils.
La production d’électricité de la France croît, notamment grâce à ses barrages
L’été dernier, la production électrique en France a atteint son plus haut niveau depuis 2019, a indiqué RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français.
Après les crises de 2020 et 2022, la production électrique française s’est rétablie avec 272 TWh à mi-année, notamment grâce à une activité hydraulique « exceptionnellement haute ».
Les barrages français ont en effet produit 41 TWh au cours des six premiers mois de l’année, soit +37 % en volume par rapport à 2023 et +13 % par rapport à la moyenne 2000-2020, essentiellement grâce à l’intensité exceptionnelle des pluies hivernales et printanières qui les ont remplis.
Quelques mois auparavant, la Cour des comptes demandait des investissements supplémentaires dans les barrages, soulignant que le changement climatique les exposerait à des « crues exceptionnelles » ou des « glissements de terrain », avec des « risques de rupture » ou « d’inondations ».
Le nucléaire et les renouvelables fournissent 95 % de l’électricité française
La France est un modèle de production électrique au niveau européen, avec son parc nucléaire et ses énergies renouvelables dominées par l’hydroélectricité, sans compter les promesses de la géothermie. RTE fait valoir que la production bas carbone française a ainsi « atteint pour la première fois le seuil de 95 % de l’électricité produite en France » en 2024, contre 92,2 % en 2023.
La part des renouvelables (éolien, solaire, barrages, biomasse) a grimpé en 2024 à un niveau inédit avec 27,6 %. Le nucléaire reste loin devant avec 67,41 %. À cela s’ajoute « une production hydraulique exceptionnelle », au plus haut depuis 2013 (74,7 TWh) alors que les niveaux de pluviométrie ont atteint des records à certains endroits en France.
La France mène depuis plusieurs années un autre bras de fer avec Bruxelles, en mettant en avant son énergie nucléaire comme une énergie bas carbone au même titre que les énergies renouvelables, afin de remplir les objectifs climatiques et accessoirement de limiter les dépenses pharaoniques de raccordement des énergies intermittentes à son réseau électrique pour les atteindre.
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