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Retour un siècle en arrière dans la dernière tuilerie artisanale de Lorraine

mars 16, 2024 11:15, Last Updated: mars 16, 2024 11:25
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En entrant dans le bâtiment, une impression de retour dans le temps : la tuilerie artisanale de Niderviller (Moselle), continue à produire avec des machines datant de 1928, et affiche un carnet de commandes bien fourni, dans une démarche de préservation du patrimoine.

De vieilles machines d’un autre temps, fonctionnent encore malgré quelques rafistolages et la nécessité d’entretenir les rouages avec une huile spécifique. L’usine, vieille de 200 ans, figurait au cadastre de l’année 1835, mais était déjà implantée avant, en 1820, selon son actuel dirigeant, Christophe Henselmann, avec l’apparition de la mécanisation.

Elle a été modernisée pour la dernière fois en 1928. Depuis, tout semble figé dans le temps… et en état de marche, malgré l’usure de pièces, des rafistolages, et la nécessité de réaliser des investissements pour pérenniser l’entreprise. Après avoir récupéré l’argile, un employé le charge dans un wagon, qui montera ensuite au troisième étage de l’usine via une rampe, actionnée manuellement.

« Un outil qui a quasiment disparu en France »

Au XXe siècle, il s’agissait du « point de départ d’une installation moderne dite en cascade », explique M. Henselmann, qui, si elle n’est plus tout à fait moderne, n’a jamais été abandonnée dans la dernière tuilerie artisanale de Lorraine, l’une des dernières de France. « C’est un outil qui a quasiment disparu en France, il ne reste plus qu’une seule autre rampe, dans une tuilerie, qui a été conservée à titre de monument historique, sinon tout a disparu », précise M. Henselmann.

Une fois la matière première montée au dernier étage, elle redescend, « par gravité » jusqu’au rez-de-chaussée, où les tuiles sont fabriquées, après avoir été malaxée dans un broyeur à meule, lui aussi activé et surveillé manuellement.

Christophe Henselmann, artisan carreleur, regarde le broyeur d’argile à la tuillerie de Niderviller. (Photo JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP via Getty Images)

C’est une sorte d’« écomusée », sourit son gérant, qui a « grandi » dedans. En 1963, l’entreprise a été à l’arrêt… jusqu’à son rachat, deux ans plus tard, par le père et le grand-père de Christophe Henselmann. « Ils ont vivoté, ils n’ont jamais lâché le morceau malgré qu’ils n’aient jamais rien gagné. » Et sans argent, impossible de moderniser. « Les machines sont restées dans l’état où elles sont. »

Le site emploie 8 personnes, contre plus d’une centaine après la guerre, selon les archives de l’entrepris. Christophe Henselmann, qui voulait moderniser l’usine, est devenu chef de l’entreprise en 1998, année où il a acquis un petit four plus adapté à sa production, permettant des économies d’énergie sur ce volet de cuisson.

Un employé sort une tuile du laminoir de la tuillerie de Niderviller. (Photo JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP via Getty Images)

Cédric Zaig, 46 ans, qui y travaille depuis un an et demi, « aime » après 20 ans de travaux publics dans le bâtiment, travailler « à l’ancienne je ne pensais même pas que ça existait ». « On voyait que c’était ancien, mais j’ai travaillé dans la faïence avant, donc ça ne m’a pas trop dépaysé », renchérit Laurence Trumpf, 59 ans dont 13 de maison. Et avec les commandes, « c’est la fierté de voir notre travail » sur des monuments historiques comme la bibliothèque des Dominicains à Colmar.

Le carnet de commandes est « plein » sur 18 mois

Le carnet de commandes est « plein » sur 18 mois, sourit le gérant, qui répartit son travail entre particuliers et collectivités. Avec « le loto du patrimoine ou les émissions de Stéphane Bern », il a remarqué récemment un attrait fort des particuliers qui veulent rénover leurs habitations avec des tuiles semblables à l’origine : « ça n’a rien à voir avec les tuiles industrielles », assure M. Henselman, qui affiche un chiffre d’affaires en progression d’année en année. Une fois passée à la presse, une finition à la main est réalisée par les employés pour donner aux tuiles leur décor unique.

(Photo JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP via Getty Images)

Mais les installations actuelles vivent leurs derniers mois. Avec ce système, l’entreprise pourrait produire 15 tonnes de tuiles par heure. « C’est surdimensionné, comparé aux cinq tonnes par jour que l’on a besoin de produire », note M. Henselmann.

« Maintenant avec le prix de l’électricité, on est obligés d’investir dans des machines plus petites », explique-t-il, alors qu’avec la guerre en Ukraine, sa facture d’électricité a été multipliée par six. Sans changement de matériel, « à la fin de l’année, on est foutus ».

La production est aussi plus écolo que celle réalisée en industrie : les ouvriers vont chercher leur matière première dans une carrière, à 800 mètres de là, selon l’entreprise. Mais le gisement est « très petit » avec « 1 mètre, 1,5 mètre d’épaisseur d’argile de bonne qualité ». Exploité depuis l’implantation de la première tuilerie, en 1722, il pourrait être épuisé d’ici « 15, 20 ans ». Mais d’autres ressources seront exploitables dans la région, se rassure M. Henselmann.

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