Du yoga pour les prisonniers récidivistes

février 17, 2016 3:11, Last Updated: août 15, 2016 7:16
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Après s’être adonné au vol à main armée pendant 17 ans, Adam Verdoux, 45 ans, a été placé en établissement correctionnel. Peu de temps après en être sorti, un camarade de l’établissement, particulièrement costaud, l’a provoqué pour se battre. Ses sentiments de masculinité, de fierté et son instinct de survie ont aussitôt ressurgi, avant de finalement se dissiper. Verdoux avait appris comment se dégager de ces situations à risque : en pratiquant la méditation, trois fois par semaine.

« Je lui ai répondu que j’essayais d’apprendre à résoudre les difficultés sans utiliser la violence », raconte Verdoux. « J’ai voulu essayer ce moyen-là avec lui. »

Cela fait deux ans que Verdoux a été relâché. Il prend des cours auprès de l’Institute For Principle Studies in California et projette même de devenir professeur.

Il revient de loin, puisqu’il a commencé les braquages à l’âge de 26 ans, avant de songer même à mourir. Son plan était de se suicider en affrontant la police.

Face à son désarroi, la police ne l’a pas abattu. Après 11 ans passés derrière les barreaux, dont 4,5 ans en cellule d’isolement, Verdoux a été relâché. Il s’est envolé pour la Californie dans le cadre d’un festival musical, mais au lieu de ça il a récidivé en cambriolant une agence de la Bank of America. Cela l’a reconduit en prison, pendant 6 ans.

C’est à la prison d’État de San Quentin en Californie que Verdoux a pris des cours avec James Fox, l’initiateur du projet Prigon Yoga. Cette expérience a marqué un tournant dans sa vie de malfrat.

« Le yoga m’a vraiment permis de travailler sur des problèmes centraux », explique Verdoux. « Cela a été un énorme élément de mon changement. Ça a vraiment facilité mon processus. »

Adam Verdoux pratiquant le yoga devant le célèbre pont californien, le Golden Gate Bridge, à sa sortie de prison. (Avec l’aimable autorisation de Robert Sturman)

Dans les prisons américaines, il existe de nombreux programmes de réhabilitation par l’éducation, la thérapie et la désintoxication. Alors que le Département américain de la justice a estimé à 76,6% le nombre de prisonniers récidivistes dans les 5 années de leur libération, bon nombre d’infrastructures correctionnelles ont intégré le yoga à leur programme.

Faire du yoga en prison

Avec l’engouement pour la méditation transcendantale dans les années 1970, il y a eu un bourgeonnement des initiatives d’enseignement du yoga et de la méditation dans les prisons américaines. À côté de la méditation transcendantale, se sont développées une multitude d’autres formes de méditation et de pratique de yoga, qui sont enseignées aujourd’hui dans ces prisons. La plupart n’ont d’ailleurs aucun lien avec les anciennes pratiques religieuses dont est issu le yoga.

Depuis des décennies, les revues scientifiques vantent les mérites de la méditation et ses bénéfices sur la diminution des récidives. Une recherche montre que le yoga et la méditation peuvent améliorer l’humeur, le contrôle de son impulsivité, la concentration et les capacités d’auto-détermination.

Prison Yoga Project a démarré en 2002 et est la plus grande organisation d’enseignement du yoga en prison puisqu’elle s’est étendue à une large échelle. L’organisme a ainsi formé plus de 1.200 professeurs de yoga volontaires en prison, à travers les États-Unis, le Mexique, mais aussi l’Allemagne, la Norvège et les Pays-Bas.

La plupart des jeunes prisonniers en Californie purgent une peine de prison à vie, essentiellement pour meurtre, mais avec possibilité de remise en liberté conditionnelle. Cela n’effraie pas pour autant James Fox, qui travaille avec eux. « Je ne me suis jamais senti menacé », déclare James. « Je leur annonce clairement que nous sommes ici pour développer une conscience plus élevée. Si ça ne les intéresse pas, ils ne restent pas. Je me retrouve avec les personnes qu’il faut », explique-t-il.

Apparemment il existe une forte demande pour obtenir une meilleure conscience, à en juger par la liste d’attente d’un an pour participer au programme de la prison de San Quentin, l’une des plus importantes des États-Unis.

En attendant, plus de 15.000 prisonniers ont déjà fait la demande pour se procurer un guide sur les aspects philosophiques du yoga, que ce soit pour apprendre à se guérir d’un traumatisme ou à résoudre les problèmes par la non-violence.

Ainsi, le Prison Yoga Project a adressé aux prisonniers plus de 15.000 exemplaires de son guide, aux frais de l’organisme, qui survit à l’aide de quelques subventions et des contrats signés par les professeurs.

Les cours de James Fox associent plusieurs techniques : yoga, méditation, respiration consciente, relaxation et mouvements élémentaires.

Le but final de cet enseignement est que ces hommes et femmes incarcérés puissent continuer la pratique de cette méditation paisible après leur libération.

« Ceux qui vont s’adonner à une pratique de yoga sont vraiment très peu nombreux. Ils devront trouver du travail, un logement, reconstruire leur foyer, bref reconstruire une vie. Le yoga en prison leur donne les outils pour méditer sur leur vie après la prison », explique James. « Le meilleur retour que j’ai eu de prisonniers n’est pas à propos d’une posture particulière qu’ils avaient pu maîtriser, mais à propos d’une situation potentiellement conflictuelle dont ils avaient pu se dégager grâce à ce qu’ils avaient appris par la méditation », constate-t-il.

Une étude a même été menée à la prison de San Quentin, démontrant que les prisonniers qui avaient pratiqué le yoga étaient davantage capable de se dégager de leurs pulsions de violence.

D’autres études montrent que la méditation peut aider les prisonniers à se libérer de leur dépendance à la drogue.

Une étude avait été menée en 1987 sur 259 prisonniers de San Quentin en liberté conditionnelle. Parmi ceux qui avaient appris la méditation transcendantale, 60% étaient restés corrects, contre 45% pour ceux qui n’avaient pas appris cette méthode.

L’étude, publiée dans le Journal of Criminal Justice, avançait que le taux de récidive des prisonniers ayant médité était de 35% à 40% moins élevé que celui des prisonniers qui avaient suivi d’autres programmes de réhabilitation, tels que la formation professionnelle ou la psychothérapie.

« Le profil des criminels est qu’ils sont souvent incapables de traiter des problèmes complexes, ce qu’il fait qu’ils se réfugient dans la drogue et l’alcool pour anesthésier leur sentiment d’incertitude », analyse Trip Levine, un membre du programme new-yorkais enseignant régulièrement le yoga en prison. « Le yoga leur donne un cadre de vie. Ils peuvent devenir capable cognitivement d’assimiler l’incertitude. »

« Les gens pensent que la prison c’est quelque chose de juste, mais ils ne font que déplacer le problème. Ils n’ont pas résolu le problème », avance Levine. « La réhabilitation par la prison, c’est tout le concept du yoga en prison. »

Les professeurs eux-mêmes voient dans l’enseignement du yoga en prison un aspect profondément thérapeutique, y compris pour eux.

Une victime d’un trafic sexuel devenue professeur de yoga

Anneke Lucas, 52 ans, est la fondatrice de Liberation Yoga Project, une association à but non lucratif basée à New York. Personne ne pourrait deviner en la voyant que par le passé, sa mère l’avait vendue à un réseau pédophile en Belgique.

Anneke Lucas, enseignant le yoga à la maison correctionnelle pour femmes à Bedford Hills. (Avec l’aimable autorisation de Liberation Prison Yoga)

De l’âge de 5 ans jusqu’à l’âge de 11 ans, Anneke a été violée par des centaines d’hommes. Elle a été victime d’un réseau pédophile belge en lien avec Marc Dutroux.

Après avoir été sauvée de ce réseau, elle a déménagé aux États-Unis et s’est remise de son traumatisme, par la pratique du yoga et de la méditation.

Avec les années, elle s’est intéressée aux programmes d’enseignement du yoga en prison. Pourtant, la première fois qu’elle y a enseigné elle s’est confrontée à la peur de voir son traumatisme resurgir en imaginant se retrouver face à des meurtriers et pédophiles semblables à ceux de son enfance.

« En prison, je m’attendais à y trouver les gens effrayants avec qui j’avais grandi », dit-elle.

Finalement, elle y a vu des être humains abattus par la vie.

Il y avait souvent une histoire douloureuse derrière un crime. Elle s’est retrouvée parmi des gens qui avaient été délaissés pendant leur enfance, ou qui avaient été abusés sexuellement.

« J’ai découvert des gens qui avaient traumatisés comme j’ai pu l’être, mais qui n’avaient pas eu la chance de se soigner pendant les 25 dernières années, comme j’avais pu le faire », confie Anneke. « Être capable de partager cette forme de thérapie me donne le sentiment d’être utile. »

Anneke Lucas (à d.) pendant un cours de yoga à la prison de San Quentin. (Avec l’aimable autorisation de Geronimo Pictures)

Anneke dispense actuellement 30 cours de yoga à travers différentes structures correctionnelles de New York. Son programme inclut également l’écriture et les groupes de parole.

La méditation ne serait pas efficace pour tout le monde

Les résultats obtenus par la méditation sont toutefois à tempérer selon certaines études, pour qui cette pratique n’est pas recommandable pour tout le monde.

« Malgré son potentiel de développement personnel et de réduction du stress, la méditation peut aussi vous emmener dans les recoins sombres de votre conscience, plus que ce que vous n’auriez espéré », écrit Miguel Farias, chercheur à Oxford, dans son livre The Buddha Pill: Can Meditation Change You?

Son ouvrage cite un article d’Arnold Lazarus, un des pionniers de la thérapie comportementale cognitiviste (TCC), qui indique que « les thérapeutes et les chercheurs doivent connaître les bénéfices mais aussi les risques de la méditation à l’égard des différents individus. »

Alors comment s’en sortent les professeurs de yoga ? En essayant de prendre en compte au maximum les connaissances actuelles établies par la science à ce sujet.

Sarahjoy Marsh enseigne le yoga en prison depuis 20 ans, à travers son association Daya Foundation.

Elle travaille en étroite collaboration avec son mari Jay Gregory, psychologue clinicien, pour s’assurer de la condition mentale des prisonniers à qui elle enseignera le yoga.

Par exemple, un détenu souffrant de schizophrénie ne pourra pas participer à des exercices de méditation silencieuse.

« On ne va pas leur enseigner à s’isoler dans leur méditation alors que des voix intérieures les assaillent », explique Sarahjoy. « Par contre, il est possible de leur enseigner la méditation yeux ouverts, ou encore la pratique du centrage corporel. »

« On ne fait rien au hasard. On leur enseigne en fonction de ce que leur cerveau est capable d’accepter. »

Des prisonniers certifiés deviennent professeurs

Bien que le Prison Yoga Project aient formé plus de 1.200 professeurs volontaires, James Fox estime à 350 le nombre réel d’enseignants actuellement en exercice aux États-Unis.

Face à la demande des prisons, il existe une pénurie de professeurs. Certaines associations n’hésitent donc pas à former de nouvelles recrues parmi les hommes et femmes incarcérés.

En mars prochain, 20 détenues de la prison du Maryland entameront leur formation de 200 heures avec Yoga Alliance, l’organisme officiel chargé de former et délivrer la certification des enseignants de yoga.

« L’objectif pour elles est d’aller au bout du programme pendant leur incarcération », annonce James. « Elles auront aussi du travail quand elles sortiront. »

Le Département correctionnel de l’Oregon a demandé un programme similaire pour ses détenus handicapés psychomoteurs.

Daya Foundation a répondu à leur demande, formant déjà 12 de leurs détenus, qui devraient devenir professeurs certifiés de yoga au mois d’août. Ces détenus recevront un complément de formation – qui inclut l’apprentissage des neurosciences – la première semaine du mois de mars.

Il est déjà prévu que quatre de ces détenus présentant un handicap psychomoteur mais ayant aussi acquis des compétences professionnelles soient libérés.

Version anglaise : Prison Yoga: Is Meditation the Cure for Recidivism?

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