70 ans après Diên Biên Phu, les dépouilles de six héros français rapatriées en France

Par Etienne Fauchaire
13 avril 2024 06:04 Mis à jour: 15 avril 2024 14:03

À moins d’un mois des 70 ans de la terrible bataille de Diên Biên Phu, le symbole est fort. Les dépouilles de six soldats français morts lors de cet affrontement sanglant contre les forces communistes du viêt-minh ont été rapatriées en France. Sous le son des tambours battants et les notes de la Sonnerie aux morts, les corps de ces héros morts pour la France ont été accueillies solennellement ce jeudi 11 avril à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle (Oise) par les jeunes engagés volontaires du 7e bataillon de chasseurs alpins (BCA).

« Ni la distance ni le temps ne doivent altérer l’hommage que la Nation leur doit »

D’une voix grave, Thierry Laurent, directeur de cabinet de la secrétaire d’État à la mémoire et aux anciens combattants, a rendu hommage à leur ultime sacrifice durant cette bataille dont l’issue fatale a sonné, le 7 mai 1954, le glas de la présence française en Indochine : « Près de 70 ans après la fin de la guerre d’Indochine, la France accueille aujourd’hui les dépouilles de six de ses combattants tombés à Dien Bien Phu. Il est juste qu’ils retrouvent ainsi la terre d’où ils sont partis il y a si longtemps, et la Patrie pour laquelle ils sont morts ». Et d’ajouter : « Nous ne savons pas aujourd’hui qui ils sont, mais nous savons ce qu’ils ont fait, et ce qu’ils ont enduré […] C’est pourquoi ni la distance ni le temps qui nous séparent du lieu et du moment de leur mort ne doivent altérer l’hommage que la Nation leur doit. »

Il reviendra désormais à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) de mener des analyses anthropo-archéologiques qui permettront de procéder à une éventuelle identification et ainsi d’approfondir cet épisode de l’histoire de France. Selon le ministre des Armées Sébastien Lecornu, les corps des militaires pourront être restitués à leurs familles si elles en formulent le souhait, ou alors être inhumés dans la nécropole Mémorial des guerres en Indochine, à Fréjus (Var).

« Hier comme aujourd’hui, sur notre sol ou ailleurs, c’est l’honneur de la France de veiller à toujours assurer une sépulture perpétuelle à celles et ceux qui sont morts pour elle », a déclaré Patricia Miralles, secrétaire d’État aux Anciens combattants. Accompagnée de Sébastien Lecornu, elle se rendra le 7 mai, à l’invitation des autorités d’Hanoï, au Vietnam dans le cadre d’une commémoration des 70 ans de la guerre d’Indochine, qui inaugurera un parcours de mémoire en français et en vietnamien.

2300 soldats français morts au combat

De 1946 à 1954, 80.000 militaires français ont trouvé la mort durant les neuf années de la guerre d’Indochine. Lors de la seule bataille de Diên Biên Phu, qui s’est déroulée du 13 mars au 7 mai 1954, 2300 soldats français y ont officiellement perdu la vie ; près de 12.000 ont été faits prisonniers et transférés dans des camps de « rééducation » communistes, dont 70% ne revinrent jamais.

Considéré comme le plus sanglant de l’après Seconde Guerre mondiale, cet affrontement a débuté le 13 mars avec l’assaut, par cinq divisions viêt-minh dirigées par le général Giáp, de la vallée de 15 kilomètres de long et 7 de large située dans le Nord-Vietnam. Cette offensive était attendue par les services de renseignement français, qui avaient correctement prévu l’endroit et l’heure de son déclenchement. Cependant, la puissance de feu de l’Armée populaire vietnamienne a créé la stupeur chez les 11.000 Français sur le front : elle était massivement approvisionnée par la Chine communiste. Après la défaite française, le dictateur Mao Zedong n’hésitait pas d’ailleurs à l’affirmer : « Diên Biên Phu est une victoire chinoise, avec des obus chinois, servis par des soldats chinois ».

Les Français n’auront pas pour autant démérité, remportant des succès dans un climat tropical suffocant et avec des moyens militaires limités. Au terme des combats, les armées viêt-minh auront subi d’énormes pertes (20.000 hommes tués sur 48.000 mobilisés), si bien que certains de ses commandants ont pensé aller réfugier leurs hommes en Chine. L’intervention française aura ainsi permis d’éviter au Laos de tomber dans le giron communiste.

La France seule face aux communistes vietnamiens et chinois

Face aux forces communistes, une défaite aurait pu être évitée grâce à un soutien américain. Le ministre des Affaires étrangères Georges Bidault avait demandé une intervention directe des États-Unis, dont les porte-avions se trouvaient à proximité de la région. Sans succès.

Ardemment soutenue par Richard Nixon, qui la jugeait essentielle pour contenir l’essor communiste au Vietnam, l’opération Vautour, conçue par les Américains pour aider les soldats français à tenter de renverser le cours de la bataille, n’a jamais vu le jour.

Pour la mettre en œuvre, le président Dwight Eisenhower requérait comme condition un appui du Royaume-Uni. Il a été refusé par Winston Churchill.

Selon l’historien Jacques Portes, les Britanniques voyaient d’un mauvais œil la présence coloniale française en Indochine. Au Congrès américain, le futur président démocrate Lyndon B. Johnson, connu pour son antipathie à l’égard de la France, s’est également opposé à une intervention des États-Unis en soutien aux soldats français.

Les accords de Genève signés le 21 juillet 1954 ont mis fin à la guerre et à la présence française au Vietnam, partageant le pays en deux États : le Nord communiste, soutenu par l’Union soviétique et la Chine, et le Sud, sous protectorat américain.

Dix années plus tard, en 1965, se déclenche la seconde guerre d’Indochine, qui se solde par une victoire des communistes à la chute de Saïgon le 30 avril 1975.

« Génocide vietnamien »

Vingt jours avant la date « jour où nous avons perdu le pays », selon l’expression courante des Vietnamiens expatriés, le dissident soviétique Alexandre Soljenitsyne déclarait avec justesse à la télévision française que le « Viêt Nam va être transformé en une immense prison ».

En France, la prise de Saïgon a néanmoins largement été saluée par la presse classée à gauche. Jean-Jacques Servan Schreiber, alors directeur de L’Express, voit dans cette guerre la leçon selon laquelle « l’esprit d’émancipation sera toujours le plus fort », et Claude Bourdet, fondateur de l’Observateur, qui deviendra le Nouvel Obs, le fait « que l’on ne peut contrarier indéfiniment le cours de l’évolution historique ». Ancien grand reporter au Monde, Jean Lacouture estime dans le Nouvel Observateur que la victoire communiste est avant tout un « retour aux sources », expression d’ailleurs utilisée par Patrice Beer, envoyé spécial du Monde, pour saluer au même moment les Khmers rouges à Phnom Penh.

Les communistes au pouvoir, plus d’un million de sud Vietnamiens (soit 20% de la population de l’État avant la réunification) ont été envoyés dans des camps de « rééducation », où 250.000 d’entre eux trouveront la mort, victimes d’exécutions sommaires, de tortures, de maladies ou encore de malnutrition.

D’après une étude réalisée par le Pr Bùi Xuân Quang, professeur de relations internationales et directeur du centre de recherche sur l’Asie, à l’université Paris X Nanterre, le Sud a été plongé dans un bain de sang dès le lendemain de « la grande victoire de Printemps ».

Par ailleurs, d’après les statistiques du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), en vingt ans, de 1975 à 1995, près de 800.000 boat people, termes désignant les fugitifs vietnamiens qui ont fui le régime communiste par bateau, ont réussi à rejoindre un pays de premier accueil, alors même que, sur la même période, entre 1 million et 1,9 million ne sont pas arrivés. « Tués au moment du départ, noyés au cours d’un naufrage, morts de faim ou de soif, ou massacrés par des pirates », explique Michel Tauriac, grand reporter et ancien soldat français de la guerre d’Indochine, dans son ouvrage Viêt Nam, le dossier noir du communisme. L’ancien directeur adjoint de l’information à Radio-France précise : « À ce chiffre, il faut encore ajouter un nombre inconnu de land people, de ces fugitifs qui n’avaient pas le pied marin ou estimaient la voie terrestre moins risquée. Ceux-là ont souvent péri sur les Hauts Plateaux […] D’autres ont été tués au Laos par la police communiste de ce pays ou au Cambodge, par l’armée d’occupation vietnamienne, ou par les Khmers rouges ».

Michel Tauriac dénonce dans son livre un « génocide vietnamien », se basant sur la définition de « génocide » donnée par l’ONU et présente dans le Code pénal français. Il s’agit « d’abord d’un génocide de classe : c’est en cela qu’il s’apparente à celui des Soviétiques, des Chinois et des Khmers rouges ». « Que s’est-il donc passé au Cambodge qui ne se serait pas passé au Vietnam ? Les communistes vietnamiens n’ont-ils pas de la même façon, usé de tous leurs talents pour détruire un grand pan de la communauté nationale au nom de la “lutte des classes“ ? » Pour l’ancien journaliste à France Inter, il existe sur cette campagne d’extermination un silence complice de la communauté internationale, notamment entretenu par la lumière braquée sur le génocide cambodgien qui a permis aux communistes vietnamiens de « détourner l’attention » sur leurs propres crimes. « Si le génocide vietnamien demeure ignoré, il n’en existe pas moins », martèle-t-il.

Selon Le Livre noir du communisme, le nombre de victimes sous les régimes dirigés par les partisans de cette idéologie s’élève à 100 millions de morts dans le monde.

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