INTERNATIONAL

A chaque lancement de fusée, « j’ai trois crises cardiaques »

novembre 17, 2018 15:08, Last Updated: novembre 17, 2018 15:19
By

Kurt Eberly n’a presque plus de cheveux et continue à en perdre. Son travail consiste à envoyer, deux fois par an, un cylindre métallique de plusieurs tonnes filant à des milliers de kilomètres/heure vers la Station spatiale internationale, 400 km au-dessus de la Terre. Il est responsable du programme de la fusée Antares, chez Northrop Grumman, le groupe aérospatial américain qui partage avec SpaceX un client très précieux: l’Administration aéronautique et spatiale nationale, la Nasa.

A quatre heures du matin samedi, sur l’île de Wallops Island, sur la côte est des Etats-Unis, Kurt Eberly était dans la salle de contrôle de ce centre de la Nasa dédié à des fusées plus petites qu’au célèbre Cap Canaveral en Floride. A l’heure exacte, les 42 mètres de son Antares se sont élevés dans le ciel noir, dans une pétarade infernale ayant probablement carbonisé les derniers moustiques de la saison.

Au sommet de la fusée, à l’intérieur de la coiffe, se trouvait une capsule baptisée Cygnus, fabriquée en Italie et remplie de 3.350 kg, dont des centaines de repas, les vêtements du prochain équipage, du matériel technique et une vingtaine d’expériences scientifiques. Après 3 minutes et demi de vol, le premier étage, ayant brûlé tout son kérosène, s’est détaché. Il est retombé dans l’Atlantique. Le moteur du second étage a pris le relais. A T + 9 minutes, la fusée était déjà à 212 kilomètres d’altitude, quelque part au nord-est de Porto Rico, quand le contrôleur du lancement annonça, d’une voix égale: « Et… séparation de la charge Cygnus ».

La séparation s’est produite à une vitesse de 7,5 km par seconde. Lundi, si tout va bien, le vaisseau s’amarrera à l’ISS, et la dixième mission Cygnus sera accomplie. « A chaque lancement, le cœur s’emballe », disait Kurt Eberly à l’AFP il y a quelques semaines, dans la salle blanche où Cygnus était préparée, à quelques kilomètres du pas de tir. « C’est très stressant de savoir combien d’énergie est compressée à l’intérieur ».

« J’ai trois crises cardiaques à chaque compte à rebours », expliquait-il… En fait, « plutôt cinq », a-t-il confié samedi après le tir, soulagé, soulignant qu’il y avait eu quelques alarmes sans conséquence peu avant l’allumage. Ces lancements sont devenus presque banals. Cette année, l’ISS sera ravitaillée par des vaisseaux russes (trois fois), japonais (une fois), et américains (cinq fois entre SpaceX et Northrop Grumman).

Mais l’espace reste un métier dangereux, comme l’a rappelé l’échec d’une fusée Soyouz habitée en octobre, qui a forcé ses deux passagers à s’éjecter. En 2014, ici même, la fusée de la troisième mission Cygnus a explosé quelques secondes après le décollage, créant un nuage visible des dizaines de kilomètres à la ronde. « Un coup de poing dans l’estomac », se souvient Kurt Eberly. Il fallut deux ans à l’équipe pour lancer l’Antares suivante.

Une fusée, qu’elle transporte des humains ou du fret, « avance dix fois plus vite qu’une balle de fusil », dit à l’AFP Rick Mastracchio, ancien astronaute recruté par Northrop Grumman pour le programme de ravitaillement. Les variations de températures sont extrêmes, du cryogénique jusqu’à plusieurs milliers de degrés. « Cela a l’air routinier, mais ce n’est vraiment pas simple. Les vols spatiaux, c’est vraiment dur », insiste-t-il.

Il faut six mois à 40 personnes pour assembler les fusées Antares, deux à la fois, dans une usine à Wallops. Chaque mission Cygnus coûte à la Nasa 263 millions de dollars en moyenne. Les vaisseaux cargo restent amarrés entre un et six mois à l’ISS. Les vider revient à l’équipage, qui doit tout faire, des expériences scientifiques à la gestion plus triviale du lieu de vie.

« Quand Cygnus quitte l’ISS, c’est un grand jour. Car elle emporte les poubelles », raconte Rick Mastracchio, d’expérience. « Les astronautes vivent avec des piles de poubelles pendant des mois, et quand Cygnus s’en va, la station est plus belle, plus grande, et sent meilleur ». Peu connaissent, en bas, ces détails d’intendance. Ce qui compte est, qu’en haut, trois humains en apesanteur attendent leur ravitaillement.

Parmi les spectateurs samedi, une famille d’immigrés boliviens a conduit des heures depuis la Caroline du Nord pour assister au tir. « Nous venons d’un pays pauvre, où on ne peut jamais voir des choses comme cela », dit la mère, Marlene Ancalli, frigorifiée. « C’est un rêve », répète-t-elle, pendant que Cygnus file dans le vide spatial.

D.C avec AFP

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.

Voir sur epochtimes.fr
PARTAGER