ENVIRONNEMENT

Allemagne : « Les énergies renouvelables fournissent plus de la moitié de l’électricité consommée » – mais seulement sur le papier

52% de l'électricité allemande serait produite à partir d'énergies renouvelables en 2023. Avec cette annonce prétendument réjouissante, les chercheurs en énergie offrent à beaucoup un cadeau de Noël anticipé. Mais cette déclaration ne résiste pas à l'examen des faits
décembre 29, 2023 17:53, Last Updated: décembre 29, 2023 18:03
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« Pour la première fois, les énergies renouvelables ont représenté plus de la moitié de la consommation brute d’électricité en Allemagne. Au total, la production d’électricité n’a jamais été aussi neutre pour le climat » a annoncé l’agence de presse allemande (dpa) lundi 18 décembre en se référant au Centre de recherche sur l’énergie solaire et l’hydrogène du Bade-Wurtemberg (ZSW) et à l’Association fédérale de l’industrie de l’énergie et de l’eau (BDEW).

Le ZSW et le BDEW prévoient pour 2023 une consommation brute d’électricité d’environ 517,3 milliards de kilowattheures. Au cours de l’année qui s’achève, près de 52% de cette énergie serait produite par des énergies renouvelables. Cela représente cinq points de pourcentage de plus que l’année précédente.

« Les chiffres montrent que nous sommes sur la bonne voie », a déclaré dans ce contexte Kerstin Andreae, présidente de la direction générale du BDEW. Le chemin vers un approvisionnement en électricité totalement neutre pour le climat n’est cependant pas gagné d’avance, a poursuivi Kerstin Andreae. « Nous n’atteindrons les deuxièmes 50% que si la politique continue à lever systématiquement tous les obstacles au développement des énergies renouvelables ».

Des records pour la « production d’électricité climatiquement neutre »

Le communiqué de la dpa poursuit : « Les énergies renouvelables ont atteint des pourcentages particulièrement élevés en juillet (59%), mai (57%), octobre et novembre (55% chacun). En juin, la production d’électricité à partir de la lumière du soleil a atteint un nouveau record historique avec 9,8 milliards de kilowattheures. L’énergie éolienne terrestre a également atteint un nouveau record annuel avec 113,5 milliards de kilowattheures. Au total, avec 267,0 milliards de kilowattheures, la production d’électricité climatiquement neutre n’a jamais été aussi élevée ».

En considérant par ailleurs la consommation annuelle d’électricité prévue de 517,3 milliards de kilowattheures, on constate – du moins sur le papier – que 51,98%, soit plus de la moitié, étaient renouvelables. L’énergie éolienne, à elle seule, a pu fournir 22,09% de l’électricité nécessaire. Cela n’a été possible que grâce au développement massif des énergies renouvelables en Allemagne. La réalité physique est un peu plus complexe que ce calcul.

L’année 2023 n’étant pas encore terminée, les déclarations sur les valeurs annuelles sont, en principe, des estimations à l’heure actuelle. De plus, la consommation d’électricité ne peut pas être renouvelable, tout au plus la production d’électricité le peut. Les deux termes sont également techniquement incorrects, indépendamment de l’usage général du langage. L’électricité – c’est-à-dire l’énergie électrique – ne peut être ni « produite » ni « consommée », mais seulement transformée à partir ou en d’autres formes d’énergie telles que la lumière, la chaleur et le mouvement.

Pour une meilleure compréhension, nous parlerons néanmoins de consommation. En outre, il existe d’autres facteurs qui rendent l’électricité effectivement utilisée beaucoup moins « verte »:

L’électricité n’est pas égale à l’énergie

Lorsque l’on parle de consommation d’électricité, beaucoup pensent à la consommation d’énergie. Ce n’est pas faux, mais ça revient à assimiler des pommes et des poires, ou des pommes et des fruits en général.

L’énergie électrique ne représente qu’un sixième environ de la consommation d’énergie primaire. En 2022, celle-ci s’élevait à un total de 3264 térawattheures (TWh), dont environ 552 TWh d’électricité, selon l’Agence fédérale de l’environnement. À cela s’ajoute l’énergie pour le chauffage – généralement sous forme de gaz, de pétrole, de biomasse et de charbon – ainsi que les carburants et les combustibles. L’affirmation « 50% d’électricité verte » équivaut donc à peu près à « 8,5% d’énergie primaire verte ».

La géothermie et la biomasse, y compris le bois, sont également considérées comme des énergies renouvelables, de sorte que la chaleur peut également être verte. De plus, certaines voitures roulent exclusivement à l’énergie solaire ou aux biocarburants. Ainsi, selon les données de l’Agence fédérale allemande pour l’environnement, la part renouvelable de l’énergie primaire était d’environ 17,6% en 2022. En 1990, seuls 1,3% environ était « renouvelable », mais 11,2% étaient « nucléaire ».

La baisse des valeurs de référence valorise les énergies renouvelables

En avril 2023, les dernières centrales nucléaires allemandes ont été également déconnectées du réseau, de sorte que la part d’électricité nucléaire exempte de CO₂ est tombée à zéro. Les centrales nucléaires ne sont toutefois pas les seules à être arrêtées. Tant qu’elles ne seront pas remplacées, l’électricité manquante proviendra des pays voisins. Si des centrales allemandes sont arrêtées, une valeur de référence souvent utilisée diminue : la production nationale d’électricité.

Début décembre, l’Office fédéral des statistiques a déclaré à ce sujet que « la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables est passée au troisième trimestre 2023 […] à une part de 60,2% du total de l’électricité produite ». Derrière la part croissante de « l’électricité produite en Allemagne » se cache toutefois avant tout l’augmentation des importations d’électricité depuis la sortie du nucléaire. L’électricité importée n’est toutefois pas prise en compte dans les statistiques allemandes, de sorte que la valeur de référence – la production d’électricité – a diminué.

En d’autres termes, tant que la production des énergies renouvelables diminue moins que celle des sources conventionnelles, la fraction des énergies renouvelables augmente même si le vent, le soleil et autres fournissent moins d’électricité. Il en va de même lorsque l’industrie exploite ses propres centrales électriques. Celles-ci ne font pas non plus partie de la production d’électricité intra-allemande recensée par les statistiques. De même, le bilan CO₂ de l’électricité importée n’est pas pris en compte. L’électricité polonaise produite à partir de charbon semble donc moins nocive dans les statistiques que celle produite par les centrales à charbon allemandes.

La « dissimulation de la provenance de l’électricité » transforme l’énergie fossile en renouvelable

Les chiffres ignorent également la différence temporelle entre la production et la consommation d’électricité. Il est donc nécessaire qu’à chaque instant, la quantité d’électricité disponible corresponde exactement aux besoins. Or, le vent et le soleil sont littéralement des caprices de la nature et ne se conforment pas aux souhaits des consommateurs d’électricité.

Ainsi, pendant la journée, le vent et le soleil fournissent souvent plus d’énergie que nécessaire. En raison de la priorité d’injection, celle-ci est néanmoins injectée dans le réseau et il faut trouver un acheteur, parfois contre de l’argent. En d’autres termes, ceux qui achètent de l’électricité reçoivent une rémunération supplémentaire pour consommer l’électricité. Ce que l’Allemagne ne peut pas consommer elle-même, elle l’exporte.

D’autre part, la consommation d’électricité ne se calque pas sur le soleil et le vent. Si les centrales électriques allemandes ne peuvent pas couvrir les besoins, l’électricité est à nouveau importée.

Comme c’est aussi la nuit à ce moment-là dans les autres pays européens et que le vent souffle tout au plus faiblement, l’électricité importée n’est renouvelable que dans une mesure limitée et il est physiquement impossible de prouver l’origine de l’électricité. L’électricité importée correspond – dans la majorité des cas – au mix électrique disponible sur le réseau dans le pays étranger concerné et à ce moment-là.

Prenons un exemple : l’Allemagne a besoin de 100 unités d’électricité et peut en produire 50 en vert. Mais pendant la phase de production d’électricité verte, l’Allemagne ne peut utiliser que 30 unités d’électricité, de sorte que les 20 unités d’électricité verte restantes partent à l’étranger.

Plus tard, lorsque l’Allemagne a besoin de 20 unités d’électricité, celle-ci doit être importée. Mais au lieu de l’électricité verte, c’est un mix d’électricité qui revient. Ainsi, l’Allemagne a certes produit la moitié de sa propre consommation de manière verte, mais elle a tout de même utilisé 70 unités d’électricité non verte.

En d’autres termes, non seulement l’électricité « verte » produite en Allemagne n’est pas utilisée, mais elle est également échangée contre un mix électrique provenant de l’étranger, qui est ensuite consommée en Allemagne, pour des sommes importantes. L’affirmation selon laquelle « plus de la moitié de l’électricité consommée est verte » est donc un calcul de marchand. Une sorte de blanchiment d’argent pour transformer (partiellement) l’électricité fossile importée en électricité domestique verte.

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