Après avoir perdu cinq membres de sa famille, une femme fait désormais du bénévolat pour accueillir les réfugiés dans la gare de Lviv

Par Ivan Pentchoukov
20 mars 2022 22:59 Mis à jour: 20 mars 2022 22:59

LVIV, Ukraine – Le 7 mars, les valises de la famille Pryimenko étaient prêtes depuis cinq jours. La Russie et l’Ukraine négociaient un couloir humanitaire pour permettre aux civils de fuir Soumy. Ce couloir devait ouvrir le lendemain.

Depuis une journée, Vitaliy et Yekaterina Pryimenko attendent de pouvoir fuir avec leurs trois fils, Kiril, 5 ans, Yegor, 10 ans, et Artem, 15 ans. Ils sont restés sur place, après avoir entendu des témoignages de véhicules civils attaqués alors qu’ils tentaient de fuir Soumy, une ville de l’est de l’Ukraine, à moins de 40 km de la frontière russe.

La mère de Vitaliy, Valentina Pryimenko, refuse de partir, jusqu’au soir du 7 mars où elle accepte à contrecœur de fuir après un échange téléphonique avec sa fille, Anna Pryimenko, qui a déjà fui vers l’ouest.

Deux heures plus tard environ, une bombe tue toute la famille, réduit la maison de deux étages en gravats.

Cinq des six membres de la famille Pryimenko ont été tués lors d’une frappe aérienne du 7 mars 2022, lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. (Avec l’aimable autorisation d’Anna Pryimenko)

Le téléphone d’Anna Pryimenko sonne vers minuit. Les amis de son frère l’informent de l’explosion. Elle appelle d’abord sa mère. Pas de réponse. Lorsqu’elle appelle son frère, c’est un étranger qui décroche. Le téléphone a été projeté hors de la maison et a atterri dans la rue.

« Ils m’ont dit qu’il n’y avait plus de maison, même plus les fondations. Il ne restait plus rien », raconte Mme Pryimenko à Epoch Times.

Depuis que Vladimir Poutine a lancé son « opération militaire spéciale », la ville de Soumy est en proie à des combats acharnés

Le matin du 8 mars, les médias locaux annoncent que neuf personnes, dont deux enfants, ont été tuées au cours du bombardement. En entendant ces premiers chiffres, Anna garde espoir, mais celui‑ci s’estompe bien vite.

« Il y avait beaucoup de blessés. Jusqu’au bout, j’ai gardé espoir de revoir les enfants vivants. Au cours de la journée, ils les ont tous retrouvés. C’étaient mes neveux », se souvient‑elle.

« C’était terrible, parce que nous étions si proches. Nous avions des liens familiaux très forts, une famille nombreuse et unie. »

La maison Pryimenko donnait sur la rue Romenskaya, au cœur d’un quartier densément peuplé de Soumy, composé essentiellement de maisons individuelles. Dans le jardin avant, des allées dallées, qui, pendant les mois chauds de l’année, étaient bordées d’une pelouse bien entretenue.

Sur les vidéos et les images prises le lendemain du bombardement, il ne reste plus rien de tout cela. De gros fragments de béton et de briques jonchent le sol, recouverts par la neige tombée pendant la nuit.

Anna veut désespérément retourner à Soumy pour enterrer les membres de sa famille, mais les amis de son frère font tout pour la convaincre de rester et prennent en charge l’enterrement.

« Ils m’ont convaincue de ne pas y aller pour éviter que ce soit un aller simple. »

Son neveu de 15 ans, Artem Pryimenko, était un champion national de sambo, un sport de combat russe. Il prévoyait de participer à une compétition internationale avant que la bombe ne le tue, lui et ses parents.

Artem Pryimenko (au centre) monte sur le podium après avoir remporté une compétition de lutte sambo. (Avec l’aimable autorisation d’Anna Pryimenko)

« Ces enfants étaient trop jeunes pour avoir fait du tort à qui que ce soit », poursuit Anna. « C’est si douloureux et si difficile de comprendre pourquoi cela est arrivé à ma famille. »

Elle et son mari ont depuis quitté la ville d’Oujhorod, située dans l’ouest de l’Ukraine, pour s’installer à Lviv. Ils font du bénévolat au terminal ferroviaire de Lviv tous les deux jours. Anna explique que le bénévolat l’aide à ne plus penser aux épreuves passées.

À la gare de Lviv, elle travaille dans une salle dédiée aux mères de famille avec des enfants en bas âge qui échouent dans la ville. La plupart veulent gagner la Pologne, fuyant les zones durement touchées de l’est de l’Ukraine, comme Soumy.

« Il m’est difficile de regarder les enfants », ajoute tristement Anna.

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