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À la rencontre de Delacroix au musée éponyme à Paris

Écrit par Laurent Gey. Propos recueillis par Hanna Wang - La Grande Époque
29.01.2010
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  • FRANCE, Paris : autoportrait d'Eugène Delacroix peint vers 1837 et présenté au Grand Palais à Paris dans le cadre de l'exposition consacrée aux u00abdernières années» du peintre français, à l'occasion du bicentenaire de sa naissance. AFP - ERIC FEFERBERG.(STF: ERIC FEFERBERG / ImageForum)

Au début de sa carrière, Eugène Delacroix (1798-1863) était un artiste controversé. La violence de certaines de ses œuvres ainsi que son style nouveau sortait des schémas conventionnels de la peinture française du début du XIXe siècle. Il s'imposa ensuite au-delà des frontières de la peinture – Baudelaire en était un fervent admirateur – comme le chef de file du romantisme, notamment avec son célèbre tableau exposé au Louvre, La liberté guidant le peuple français. Le musée Delacroix à Paris expose actuellement les conditions de travail de la création d’un Delacroix, ainsi que les aspects de la personnalité de ce grand peintre romantique. Nous avons interviewé le directeur du musée, Christophe Leribault, qui nous a présenté l’exposition permanente et la collection de Miss Karen B. Cohen.

 

Vous présentez jusqu'au  5 avril 2010, une nouvelle exposition «Une passion pour Delacroix» de Karen B. Cohen, est ce que vous pouvez nous en dire plus sur votre musée et sur le contenu de cette exposition?

Nous sommes ici dans le dernier atelier et dernier appartement d’Eugène Delacroix dans lequel il s’est installé en 1858 et dans lequel il demeura jusqu’à sa mort en 1863. Affaibli par la maladie, il s’était rapproché du chantier de l’église Saint-Sulpice sur lequel il travaillait. Nous sommes à proximité de Saint Germain des Prés, dans un quartier très connu et très fréquenté. C’est un lieu un peu à l’écart de la place Furstemberg qui a attiré Delacroix car il y avait non seulement un appartement spacieux mais aussi un jardin où il a construit un atelier, ce qui lui permettait de peindre au calme en restant au cœur de Paris.

 

Ce musée est une annexe du Louvre qui présente non pas les grands formats – les grands tableaux sont restés au Louvre – mais les conditions dans lesquelles il travaillait ses esquisses, ses dessins préparatoires, et les portraits intimes. Pour l’heure une collection américaine est aussi présentée, celle de Miss Karen B. Cohen, une collectionneuse de New York et une femme très enthousiaste qui a rassemblé en une trentaine d’années plus d’une centaine d’œuvres de Delacroix qu’elle a récupérées à travers l’Europe et les Etats-Unis. Ce sont des dessins, des esquisses, des carnets, des tableaux qu’elle a recherchés avec beaucoup de passion. Pour le musée, c’est heureux de pouvoir montrer le résultat de cette collection dans les lieux mêmes où Delacroix a vécu.

 

Eugène Delacroix a inspiré le romantisme au début du XIXe siècle. Quelle a été sa recherche artistique? A-t-il inspiré d’autres courants?

Eugène Delacroix est un artiste connu surtout pour ses grandes scènes historiques romantiques telles que «La liberté guidant le peuple» ou «La Mort de Sardanapale». C’est un peintre qui a su créer des images frappantes, non seulement par leurs thèmes mais aussi par leur spontanéité, la richesse de leur coloris. Il a développé une technique très libre qui frappait véritablement par rapport à la peinture de son temps. Ce qui est intéressant quand on regarde la collection de Miss Cohen, c’est de voir tout le travail de Delacroix pour arriver au résultat de ses tableaux. En effet, il n’affronte pas la toile du premier jet, tout son travail est fondé sur de nombreux dessins préparatoires, de copies d’après des maîtres anciens, d’après des modèles aussi bien italiens, flamands que des contemporains. Il préparait ces toiles comme un pianiste fait ses gammes.

 

À travers les œuvres collectionnées par le musée Delacroix et les œuvres rassemblées par Miss Cohen, on comprend mieux le personnage de Delacroix. Il était toujours insatisfait, très exigeant par rapport à son art et par rapport à lui-même. Il recommençait toujours une œuvre, ce qui aboutissait parfois à des œuvres moins séduisantes au premier coup d’œil mais très visionnaires et très révolutionnaires. C’est le cas par exemple de certains paysages qui annoncent les débuts de l’impressionnisme. Dans chaque domaine que ce soit la peinture animalière, les scènes historiques, les scènes littéraires, il essayait de renouveler les choses et de sortir du conventionnalisme de l’époque.

 

Sa personnalité n’était donc pas conventionnelle?

C’est quelqu’un qui entrera à l’Académie française assez tard, et qui fera assez peu de concessions. Il couvrira quand même tous les domaines de la peinture puisqu’il sera aussi bien le peintre de grandes scènes de sujets allégoriques et antiques, de scènes de l’histoire contemporaine, que des paysages et des bases de fleurs. Il va tout couvrir d’une manière très personnelle. On a d’ailleurs un témoignage toujours très vivant de son implication dans son art et de ses interrogations à travers son journal. Il va chaque jour écrire des pages et des pages inspirées de ses réflexions, de ses lectures, il va également beaucoup écrire à ses amis et à ses proches. On a parallèlement à son œuvre peinte officielle toutes ces réflexions qui alimentaient son œuvre.

 

Était-il lui-même croyant?

C’est un enfant de la révolution. Son père aura d’ailleurs des fonctions importantes sous la révolution et l’empire. Delacroix développa par la suite un certain mysticisme et des interrogations sur le destin de l’homme. C’est ce que l’on voit à travers une série de peintures religieuses pour lesquelles il eut des commandes venant d'églises aussi bien en province qu’à Paris. Notamment il reste des grands tableaux religieux de Delacroix à Paris, à l’église Saint Paul Saint Louis, ou à l’église Saint Denis du Saint Sacrement. Il développa aussi dans des tableaux plus petits les souffrances du Christ au jardin des oliviers, c'est donc des tableaux avec une vision poétique de la religion et de la souffrance, mais ce n’était pas un pratiquant.

 

Etait-il plutôt un penseur?

C’était un poète romantique qui ne pouvait pas concevoir le monde sans un créateur, mais en même temps il n’adhérait pas aux rituels religieux. L’un des grands événements fondateurs de sa vie dans la peinture française, a été son voyage au Maroc en 1832, où il accompagnait l'ambassadeur français, le Comte de Mornay, qui devait négocier la neutralité du Sultan du Maroc au moment où la France conquérait l’Algérie. Pour un artiste installé et connu, grand peintre romantique, il va complètement renouveler son style et sa carrière à travers ce voyage, qui n’était pas du tout le voyage traditionnel que faisait les artistes en allant en Italie à Rome voir les lieux antiques chargés de l'histoire des anciens dieux. Delacroix est parti au Maroc en bateau, pour découvrir un monde nouveau, des couleurs nouvelles, une certaine violence dans la vie quotidienne, des choses moins sophistiquées  que ce qu’un artiste pouvait voir en allant à Florence ou à Rome. Il va tirer de cette expérience tout un répertoire de compositions qu’il va peindre jusqu’à la fin de vie. Il va véritablement lancer ce qu’on va appeler l’orientalisme dans la peinture française.

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