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Sur la route du Pisco

Écrit par Christiane Goor
13.10.2011
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Lorsqu'on évoque le Pérou, des rêves de montagnes sacrées passent dans la tête : le Machu Picchu, Cuzco (l’ancienne capitale inca) et le lac Titicaca… C’est oublier que le Pérou s’étire le long d’un désert côtier qui se partage entre dunes de sable blond et montagnes de pierre sur près de 2200 kilomètres… Le lieu de prédilection des archéologues du monde entier.

Malgré la dissipation de la nuit, un voile de brume pèse encore sur Lima. Première étape d’un périple le long de la côte sud du Pérou. La gare des autobus commence à s’animer et autour des colectivos bariolés de couleurs clinquantes, les files grossissent. Des cris fusent pour annoncer les destinations, des attroupements se forment, on devine quelques murmures de protestation. De jeunes vendeurs de tamales, des petits pains à base de maïs, cuits à la vapeur et fourrés de porc ou de poulet, et d’empanadas, des beignets de viande ou de fromage, se faufilent entre les véhicules pour interpeller les voyageurs au travers des vitres des cars.

  • Joyeuse fête religieuse(攝影: @ Charles Mahaux / for any information about this image please contac: Mahaux Photography Gelivaux 28 B-4877 OLNE BELGIUM - charles@mahaux.com)

Il est temps de partir à la découverte du grand sud péruvien. Le voyage est lent et s’étire bruyamment le long de la Panaméricaine. Il faudra près de quatre heures pour parcourir les 200 kilomètres qui séparent Lima de Pisco. Un voyage fascinant le long d’une frange côtière étroite et aride, jalonnée de plusieurs oasis nichées dans le lit des torrents qui dévalent depuis la cordillère des Andes lors de la fonte des neiges.

Pisco, pays de vin

Étape incontournable pour aller visiter les îles Ballestas, Pisco porte le nom d’une des liqueurs péruviennes les plus célèbres, le pisco sour, délicieux cocktail composé de pisco, de jus de citron, de blanc d’œuf et de glace pilée. En fait, le pisco n’est rien d’autre qu’un marc de raisin produit plus au sud, dans la région d’Ica. Avant le tracé de la Panaméricaine, la précieuse eau-de-vie était acheminée à dos de chameaux et de mulets jusqu’au port de Pisco. C’est là qu’il était embarqué à destination de Lima. De nos jours, Pisco a retrouvé toute sa quiétude de petit port de pêche envahi par l’odeur un peu saumâtre de la marée et le cri strident des mouettes. Cependant, le tremblement de terre du 15 août 2007 a ravagé le site, réduisant à néant huit maisons sur dix. Longtemps, les décombres ont enseveli la ville. Aujourd’hui, ils ont disparu, faisant place à de grands espaces vides et fantomatiques. Çà et là, des croix de bois marquées d’un nom en feutre rappellent l’ampleur du drame.

À sept kilomètres de Pisco, les îles Ballestas méritent le détour malgré leur surnom de Galapagos des pauvres. La traversée sur un petit bateau longe d’abord la côte pour découvrir un curieux géoglyphe en forme de candélabre à trois branches, dessin géant tracé sur une colline sablonneuse. Personne n’en connaît ni l'origine, ni la signification. Certains pensent qu'il représente la constellation de la Croix du Sud et qu'il servait de repère aux navigateurs d'antan. D'autres suggèrent qu'il aurait été inspiré par une variété de cactus locaux aux propriétés hallucinogènes… La croisière est bruyante entre les remous de l’océan, le ronronnement du moteur et les cris stridents des oiseaux : des pélicans, des cormorans, des manchots..., sans oublier les rugissements des phoques qui se disputent l’espace congru de quelques rochers blanchis par les déjections des oiseaux de mer. 

Ica, mirage du désert

À moins de cent kilomètres de Pisco, plus riante et épargnée par le tremblement de terre, Ica, nichée au cœur d’une oasis verdoyante, est le berceau du pisco et elle maintient vivace une tradition viticole vieille de trois siècles. Les Espagnols y ont créé autrefois de vastes fermes fortifiées aux murs blanchis à la chaux. La demeure des propriétaires s’ouvrait sur des jardins intérieurs fleuris et ombragés, cernés par des greniers, des ateliers, des écuries et de sombres caves abritant les pressoirs en bois. Isolée du reste du pays par des dunes de près de 200 mètres de haut et des bancs de sable qui se déplacent au gré du vent, Ica était encore, jusqu’à la réforme agraire de 1960, une enclave protégée, constituée de grandes propriétés dont les maîtres exerçaient un pouvoir presque féodal sur un petit peuple de Métis et de Noirs, descendants d’anciens esclaves, qui travaillaient pour eux dans les vignobles et les champs de coton. Aujourd’hui, les haciendas se travestissent en hôtels au charme suranné et se laissent visiter. Le vin vieillit toujours dans les fûts en chêne, mais de nombreux ceps de vigne ont séché au soleil, faute de soin. On saisit encore un subtil parfum de cèdre et de chaux dans les vastes salles à manger où se dressent les tables autour desquelles se réunissaient les anciennes familles patriarcales. Les terrasses, ombragées par les bougainvilliers roses et mauves, sont envahies par le sable et le rire des touristes qui sacrifient au plaisir d’aller surfer sur les dunes dans la lagune de Huacachina, à moins qu’ils ne préfèrent danser sur les dunes au volant de petits véhicules tubulaires qui se lancent en pétaradant à l’assaut de leur sommet arrondi. Là-haut, ils s’arrêtent, figés par la beauté du spectacle qui s’ouvre sur un moutonnement infini d’ondulations ocre, grises et dorées. Une féerie de couleurs mouvantes entre les festons des crêtes filant à l’infini et les pentes lisses qui dégringolent vers des creux plus sombres.

Au sommet d’un massif sablonneux s’étale, fascinant et majestueux, un immense lézard de pierre qui semble veiller sur ce désordre de dunes éparpillées par le vent au fil des siècles. Les buggys zigzaguent entre les monticules de sable, il faut chercher la piste qui débouche soudain dans une cuvette inondée d’eau douce envahie par les plantes. L’escapade jusqu’à cette oasis perdue a quelque chose d’irréel, et s’accompagne d’une étrange sensation de roulis et de douceur.

Le grenier des chercheurs de trésors

Le sable doré de la côte est aussi le gardien de la mémoire péruvienne. Les anciennes pyramides d’adobe, qui abritaient autrefois d’antiques civilisations, ont malheureusement été rasées par les Espagnols pour faire place aux plantations de coton. Les violentes bourrasques de vent qui soufflent depuis l’océan soulèvent facilement des nuages du sable, appelés localement paracas, du nom de la tribu indigène qui a colonisé la région de Ica. La plupart des dunes gardent jalousement les mystères des anciennes cultures régionales. Momies assises, céramiques décoratives et tissus somptueux ont miraculeusement été préservés dans le sable grâce au climat désertique qui sévit à longueur d’année. En effet, les anciennes civilisations précolombiennes ont toujours aménagé leurs nécropoles dans des sites surélevés qui n’étaient jamais noyés, même en cas de fortes crues. Chaque année, d’inestimables trésors sont ainsi exhumés par les archéologues, ces chercheurs du temps qui travaillent dans le respect des sépultures. Ils ont ainsi recueilli près de 500 fardos funéraires, soit autant de momies soigneusement enveloppées dans des tissus finement brodés, dont les couleurs – 190 nuances ont été répertoriées – sont restées éclatantes. Ils ont dénombré jusqu’à 300 points de couture au centimètre carré! Certains mantos, comme on les appelle là-bas, atteignent des dimensions impressionnantes de 20 mètres de long sur 5 de large. Plusieurs sont même recouverts de plumes dont la plupart sont celles d’oiseaux d’Amazonie : des aras, des perroquets ou même des toucans vivant bien loin de Paracas, au-delà des hauts sommets de la cordillère des Andes.

  • La vie s’écoule au ralenti dans le village d’Ica sous un soleil de plomb.(攝影: Mahaux photography / for any information about this image please contact Mahaux Photography r11 Gelivaux B4877 Olne Belgiumr)

Au-delà de l’oasis d’Ica, la Panaméricaine traverse sur une centaine de kilomètres un vaste plateau désertique couvert de cailloux avant de s’enfoncer dans un tunnel sous une petite chaîne de montagnes. Elle débouche alors sur la dépression du río Grande et remonte vers la célèbre pampa de Nazca : la perle du désert, avec ses mystérieuses lignes tracées dans le sable, le cimetière de Chauchillo et la cité religieuse de Cahuachi.

Dessinées pour l’éternité

L’air du désert, déjà brûlant malgré l’heure matinale, s’engouffre en rugissant par les hublots de l’avionnette qui survole le site archéologique de Nazca. Comme fasciné par le spectacle, le petit monomoteur décrit des cercles lents au-dessus de ces dessins aux dimensions impressionnantes : un pélican, un colibri, un singe, une araignée, mais aussi un éventail de figures abstraites et de dessins géométriques. Autant de lignes tracées depuis plus de 2000 ans comme sur une ardoise géante s’étendant sur près de 500 km2. Invisibles de la plaine, visibles dans leur totalité depuis les airs, ces géoglyphes sont restés ignorés du monde jusqu’en 1939, lors de la publication des premières photos aériennes. Aujourd’hui encore, ils constituent une énigme archéologique qui suscite de nombreuses hypothèses : signes adressés aux dieux, pistes d’atterrissage pour des soucoupes volantes, lieux d’offrandes religieuses, carte hydraulique à l’échelle de la nature? Le mystère reste entier.

Qui était le peuple Nazca dont la culture plus que millénaire s’est subitement éteinte en 500 après J.-C. après s’être développée dans une région aride, brûlée par le soleil et balayée par les vents? Un archéologue italien, Giuseppe Orefici, fouille le site depuis une vingtaine d’années. Il a découvert que la cité religieuse de Cahuachi a été partiellement détruite par le raz-de-marée d’un énorme Niño en l’an 500. Pensant que les dieux étaient contre eux, les Nazcas auraient recouvert eux-mêmes la ville sous des tonnes de sable. Vu du ciel, il apparaît que ce centre, dédié aux cérémonies et aux offrandes, est relié à la pampa par une des mystérieuses lignes tracées sur le sol, sans doute par quelques prêtres de Cahuachi.

D’autres sites abandonnés ont été répertoriés dans la vallée. Proche de Nazca, le cimetière de Chauchillo témoigne ainsi de la présence d’une population agricole. Mais de nombreuses tombes ont malheureusement été profanées et pillées. Les huaqueros, des saccageurs d’histoire qui dépouillent sans scrupules le patrimoine historique de leur pays pour répondre à la demande de collectionneurs privés, arrachent les momies de leurs sépultures et les abandonnent sur le sable. Pauvres restes qui blanchissent au soleil sous le regard des touristes qui passent et qui, à leur tour, n’hésitent pas, hélas eux aussi, à emporter un souvenir de leur passage : des lambeaux de tissus, quelques cheveux, voire des ossements…

En pratique

Des formalités?

Seul le passeport en cours de validité est demandé.

La monnaie?

L’unité monétaire est le nuevo sol, mais la monnaie référentielle est le dollar américain. Les cartes de crédit les plus connues sont acceptées partout.

    

Y aller?

Pour se rendre dans le sud du pays, il suffit de prendre le bus au départ de Lima. Les compagnies les plus connues sont Perubus et Ormeño,  elles desservent toutes les villes importantes. Il faut compter environ 14 $ et 4 heures de voyage pour rallier Pisco.

Un contact sur place?

Aventura latinoamericana (http://www.perou.net ), une organisation de voyage belge et donc francophone avec licence au Pérou et son propre personnel sur place. Une adresse avec un excellent rapport qualité/prix pour traiter en direct un programme de voyage personnalisé.

La recette du Pisco sour

Dans un shaker, pressez un citron vert et ajoutez du sucre en poudre (plus ou moins selon votre sensibilité à l'acidité du citron) et le Pisco. Ajoutez un blanc d'œuf et de la glace pilée, frappez, versez et dégustez.

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.