Si la réputation du bœuf fumé et salé des Grisons n’est plus à faire, sait-on que ce canton, le plus vaste du pays, offre une diversité inégalée en Suisse? Avec ses 150 vallées, ses 600 lacs et ses 12 000 km de sentiers, les Grisons multiplient les merveilles naturelles à couper le souffle.

C’est ici qu’est née Heidi, la Suissesse la plus populaire au monde qui, depuis 1880, a tiré des larmes à des générations de petites filles. Inutile toutefois d’aller se perdre dans le décor artificiel recréé par les édiles du village de Maienfeld pour immortaliser l’histoire de la petite orpheline. Les flancs pentus et boisés des montagnes grisonnes abritent de nombreux pâturages où s’ébattent des chèvres et autant de coquettes fermettes isolées où il est aisé d’imaginer évoluer la petite héroïne, son grand-père et son compagnon de jeux, le petit chevrier.

La magie du pays tient sans aucun doute à la pérennité des sites. Les siècles ont épargné la Suisse, la préservant des grandes calamités, celles du ciel et celles des hommes. Apparemment, les épidémies ne résistent pas au bon air pur de la montagne et les Alpes ont toujours découragé l’ardeur des troupes ennemies. Par ailleurs, l’univers montagnard et rural de la Suisse grisonne est fier de ses traditions et se protège soigneusement des excès de l’industrie et de la société de consommation, en privilégiant l’art de gérer la nature en n’entamant d’elle que ce qu’il faut pour la rendre habitable. Eté comme hiver, les Grisons sont un véritable paradis pour les amoureux de la vie au cœur de la nature.

L’Engadine, le toit de l’Europe

C’est à St-Moritz, la très chic station de villégiature, garante d’une longue tradition touristique, que s’ouvre la  prestigieuse vallée de l’Engadine. Elle s’étire sur près de 90 km du sud-ouest des Grisons jusqu’au nord-est, à la frontière autrichienne, à une altitude moyenne de 1500 mètres, ce qui en fait une des régions habitées les plus hautes d’Europe. Aucune frontière visible ne sépare la Haute-Engadine de sa voisine, la Basse-Engadine. Cependant, ce sont deux mondes différents. Dans la première, de hautes falaises couronnées de glaciers étincelants et de sommets enneigés, même en été, se mirent dans de grands lacs bleu turquoise.

La seconde, plus pittoresque, déroule des villages de vacances, proches les uns des autres, parsemés le long de la rivière Inn qui creuse la vallée avant de se jeter dans le Danube en Autriche. Samedan, Guarda, Ardez, Ftan, Sent, autant de hameaux qui alignent comme une guirlande des maisons peintes, décorées de sgraffites, une technique décorative qui consiste à gratter la couche supérieure d’un enduit pour y dessiner des fleurs, des lettres, des personnages et des légendes oubliées. Une balade le long des tortueuses ruelles pavées permet de découvrir des petites fenêtres évasées vers l’extérieur, des oriels fantaisistes, des grilles forgées, d’imposantes portes cochères ou encore des fresques originales qui racontent ce qu’était la vie ici au siècle dernier.

Au plaisir des randonneurs

Il faut peu de temps pour quitter les villages et grimper plus haut, à pied, en vélo ou en voiture, quelques lacets le long d’une pente raide. On peut alors apercevoir les maisonnettes nichées sur le contrefort de la montagne, comme posées entre les forêts de mélèzes et les prés veloutés. De là-haut, on dirait même que chaque village pourrait tenir dans le creux de la main, comme s’il sortait d’un magasin de jouets. Magie infinie du grand spectacle des montagnes, de l’épaulement des forêts et du damier des pâtures, tandis que le ciel azur semble se suffire de ce large horizon barré par les falaises.

Il faut franchir un vieux pont en dos d’âne pour pénétrer dans le village montagnard de Savognin qui n’a rien perdu de son charme d’antan malgré l’apparition de résidences secondaires dont le bois n’a pas encore été patiné par les ans. À la tombée du jour, les ruelles s’animent, on devine les grincements d’essieux à l’entrée des granges, le jappement des chiens, les cris joyeux des enfants. Les uns et les autres aiment à se retrouver sur les marches du petit sanctuaire St-Martin qui surplombe le village. À cette heure, la lumière rasante semble soulever les choses, les murs et les pignons, les haies vives et les voix, le bourdonnement de la rivière et les parfums des parterres fleuris.

Chaque jour, les télécabines s’ébranlent vers les sommets à près de 2000 mètres, dans un paysage de roches serties de touffes d’herbes. De là-haut les passionnés de vitesse et d’aventures s’élancent, qui en trottinette géante, qui en kart tout terrain, sur les sentiers qui dévalent la montagne. D’autres plus décontractés s’engagent dans des sentiers thématiques balisés par des panneaux didactiques sur la flore et la faune du site.

Le même souci didactique se retrouve à Zernez, l’unique parc national  du pays conçu de telle manière qu’il dégage une impression d’immense solitude. Des vallons sauvages recouverts d’un manteau forestier sont seulement interrompus par le lit des torrents et les chemins soigneusement balisés. Les troncs des arbres morts jonchent le sol pour mieux protéger les nouvelles pousses. Ici la nature est reine, l’homme n’est qu’un observateur silencieux.

Après le calme, la tempête

Pays qui s’offre aux randonneurs de tout poil, les Grisons sont aussi un paradis pour les amateurs de sports d’eau. Le lac de St-Moritz attire les régates et les grands noms de la scène des match-racing, sous le regard des badauds qui s’égaient sur les pelouses du rivage. Plus vaste et plus paisible, le lac de Sils qui abrite une petite presqu’île romantique attire davantage les poètes et les promeneurs. Sur le lac de Silvaplana, d’un bleu sombre presque violet lorsque les nuages pointent à l’horizon, chaque matin d’été le calme règne sur l’eau. Quelques pêcheurs, assis dans leurs barques, attendent des prises. Les vététistes et les joggeurs font leurs rondes autour du lac. Il faut attendre les premières heures de l’après-midi pour que se lève le vent de la Maloja qui a rendu l’Engadine célèbre auprès des plaisanciers et des véliplanchistes. Quelques  minutes suffisent alors pour que s’ouvre le grand ballet des voiles sur le lac et dans les airs. Les véliplanchistes empoignent leurs planches, les surfeurs cerf-volistes leurs cerfs-volants, les plaisanciers hissent leurs voiles et tous se jettent à l’eau. Un spectacle aérien haut en couleur et tout en légèreté qui invite les curieux à la rêverie.

Infos pratiques

Pour tout renseignement sur le canton des Grisons, deux sites utiles : www.graubuenden.ch ou www.myswitzerland.com ou l’office de tourisme suisse au numéro gratuit 00800 100 200.

Budget

La Suisse est chère et il est inutile de rêver de vacances bon marché dans ce pays. Il faut compter un prix moyen de 60 euros par nuit et par personne pour une chambre d’hôtel et un minimum de 20 euros pour un simple repas. Par contre, les Grisons abritent l’unique zone franche du pays, dans le triangle formé par la Suisse, l’Autriche et l’Italie, à Samnaun. Site de vacances idéal pour tous ceux qui aiment la randonnée et le vélo tout terrain (VTT) au cœur d’une nature intacte. Lorsque les hordes de touristes intéressés par les parfums, les cigarettes, les bijoux, les appareils photos et les pompes à essence offrant des prix défiant toute concurrence ont quitté le site, la station répartie en cinq hameaux traditionnels offre une qualité de vie exceptionnelle.

Où loger 

L’hôtel Laret (www.laret.ch) à Samnaun offre le confort d’une petite pension de famille dans un décor très couleur locale. La cuisine familiale y est abondante et savoureuse. À Savognin, il faut tester la formule étonnante de l’hôtel Cube (www.cube-hotels.com) dont toutes les chambres se répartissent autour d’un vaste hall central qui sert à la fois de salon, de salle de jeux et de salle à manger. Une rampe d’accès utilisable pour des vélos mène aux étages et chaque chambre est précédée d’un petit hall chauffé où il est possible de suspendre son vélo, de laisser ses chaussures, ses bagages, les maillots et les draps mouillés, etc. La cuisine est correcte, sans plus. Par contre, l’hôtel est construit au bord d’un agréable plan d’eau touristique qui attire les familles. L’hôtel travaille également avec le NTC (www.ntc-sport.com), un centre sportif qui loue VTT, trottinettes et autres karts pour ceux qui arrivent ici sans matériel personnel.