Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

L’esthétique au cinéma participe-t-elle au sens des scénarios?

Écrit par Alain Penso, apenso@hotmail.fr
13.12.2011
| A-/A+

  • Music Lovers de Ken Russell (1970): Evocation de la vie et de l’œuvre de Piotr Ilitch Tchaïkovski.(攝影: / 大紀元)

Pendant des lustres la photographie, avant de devenir animée et donner naissance au cinéma, était considérée comme un art dont la beauté était puisée dans les combinaisons de lumière qui émanaient des sujets filmés. Ainsi, la photographie a longtemps été rapprochée de la peinture et des arts plastiques.

Vincente Minelli, le réalisateur esthéte hollywoodien

Vincente Minelli (1903-1986) trouvait statiques et tristes les mises en scènes hollywoodiennes. Il a voulu retrouver les atmosphères qui l’ont tant touché, secrétées par les courants picturaux et en particulier les fauvistes, les impressionnistes et les surréalistes. Minelli baigne ainsi dans les couleurs et l’ambiance des artistes qu’il a côtoyés, il assimile cette humeur et la transporte dans ses films.

La connaissance de la culture, des arts et des êtres qui la produisent permet de mélanger les styles, la danse et la tragédie. Un Américain à Paris (1951) avec Gene Kelly et Leslie Caron, le rêve et l’amour, Gigi (1958), le film aux neuf Oscars, avec Judy Garland et Robert Walker: Joe profite d’une permission pour visiter New York. Il rencontre Alice, ils découvrent la ville ensemble et décident de se marier. Joseph Ruttenberg reçoit un Oscar de la meilleure photographie en couleur pour Gigi. La Vie passionnée de Vincent Van Gogh (1956), adaptation cinématographique du roman Lust for life écrit par l’Américain Irving Stone, où Kirk Douglas interprète Vincent Van Gogh et Antony Quinn, Gaugin. La photographie exceptionnelle de Freddie Young et Russel Harlan cherche à créer un univers fait de tableaux où évoluent des personnages intégrés dans la plastique tendue par la dramaturgie rehaussée par la musique de Miklós Rózsa.

Dans les films de Jean Renoir, le cinéaste est le fils d’Auguste Renoir. La famille entière crée dans le «pictural». Le patriarche, Auguste Renoir, aime les femmes bien en chair et le montre dans ses toiles. Son fils Jean, influencé à bon escient, le fait passer dans ses films notamment dans Une Partie de campagne (1936) avec la photographie de son frère Claude Renoir. Il est assisté par de grands artistes comme Jacques Becker et Yves Allégret. Il y a une filiation dans l’art et toutes les disciplines qu’il ne faut pas ignorer pour suivre la piste d’une œuvre ou d’un auteur dont on veut cerner le savoir-faire et ses origines. La compagne de Jean Renoir, Marguerite Renoir, monte Le Crime de monsieur Lange (1936). Elle travaille avec Jacques Becker et Luis Buñuel, donnant un sens aux œuvres qui se croisent. L’héritage esthétique se transmet, franchit les montagnes, les mers et passe les frontières pour se confondre dans toutes les cultures. Il y a un temps d’imprégnation et une période latente où les artistes voyagent dans leurs œuvres et s’approprient des outils intellectuels et matériels pour créer.

Du plasticien au cinéaste

Steve MacQueen n’a pas besoin de réaliser La Grande Évasion de John Sturges (1963) avec son homonyme pour donner dans le spectaculaire afin de fidéliser un grand public.

Avec Hunger (2008) de Steve Mac Queen II et le scénariste Enda Walsh, la violence culmine dans une prison où l’affrontement avec des sympathisants de l’IRA, accusés sans preuve de terrorisme, face à la Dame de Fer (Margaret Thatcher) donne la dimension de l’injustice. La violence est telle que les prisonniers n’ont plus de limites dans leur révolte: ils refusent de manger, d’obéir dans un univers rempli d’excréments et de toutes sortes d’insectes et d’asticots. Steve Mac Quenn II peint avec sa rage «plastique» toutes les injustices faites à des êtres humains privés de leur liberté et de leur droit à s’exprimer. Michael Fassbinder était déjà l’acteur principal de ce film s’appuyant sur une histoire vraie où le héros devait perdre la vie après une trop longue grève de la faim. Dans Shame (2011) film produit par le Royaume-Uni, Mac Queen II peint l’histoire d’un homme addict au sexe. Pendant tout le film d’une précision et d’une finesse picturale où chaque point abordé est repris plusieurs fois, existe une histoire qui bégaie entre le désir de faire ou non une tentative amoureuse.

Brandon, l’esthète du jeu d’acteur

Brandon est un trentenaire new-yorkais dont la vie tourne autour du travail et du sexe, dont il est addict. Sa sœur cherche un homme pour faire sa vie, sans jamais le trouver. Elle se sent complètement perdue, elle aime son frère plus que de raison, ce qui le trouble. Plusieurs de ses aventures tournent autour du glauque. Le jeu de Michael Fassbinder est d’une grande justesse. Les scènes les plus banales deviennent de petits chefs-d’œuvre de précision et de beauté, comme cette scène dans le métro où il croise le regard d’une femme qui tombe sous son charme: échanges précis entre la dextérité du metteur en scène et l’apport délicieux des comédiens. Michael Fassbinder né d’un père allemand et d’une mère irlandaise, est le descendant du grand leader de l’IRA, Michael Collins. Michael Fassbinder a débuté grâce à François Ozon qui lui octroie le rôle d’Esmé, le mari de l’héroïne du film Angel (2007). Un an plus tard, il va étonner la sphère cinématographique en jouant le rôle de Bobby Sands, le résistant irlandais mort le 5 mai 1981 après une grève de la faim de 66 jours dans la prison de Maze, en Irlande du Nord. La performance d’acteur de Fassbinder est exceptionnelle.

Le retour de Polanski

De retour au cinéma, Roman Polanski adapte une pièce à succès de Yasmina Reza, Le Dieu du Carnage (2007). La pièce est un huis clos où deux couples de parents d’élèves s’affrontent autour d’un incident grave où l’un des enfants a été défiguré par l’enfant d’un des couples. Situation difficile qui laisse les plus profonds ressentiments sortir du giron de l’intimité. D’abord les acteurs sont fabuleux, Jodie Foster est critique d’art et écrivaine ce qui dérange Kate Winslet qui s’occupe de l’intendance de son mari, avocat d’un laboratoire pharmaceutique criminel et auprès de la Cour Internationale de Justice à La Haye. Le personnage est interprété par Christoph Waltz. Polanski a appelé son film Carnage (2011). Il a emprunté l’intrigue de la pièce pour construire une critique sur la façon dont les États-Unis se satisfont de rendre la justice. Polanski a construit un film subtil où toutes les réflexions peuvent accompagner un regard critique.

Disparition d’une esthétique de «l’immédiateté» avec la mort de Ken Russel (dans la nuit du 27/28 novembre 2011)

Ken Russell est l’un des cinéastes les plus importants de la cinématographie anglaise des années 1970. Il a choqué tout un public et renouvelé une façon de penser sur l’histoire et la mémoire des mortels.

Ken Russel, c’est Love (1969) avec Oliver Reed, Jennie Linden, Glenda Jakson et Alan Bates, d’après le roman de D. H. Lawrence sur la vie sentimentale de deux sœurs et leurs amants pendant l’entre-deux-guerres. Music Lovers (1971) est une belle et effrayante histoire. Une biographie de Tchaïkovsky où les problèmes, liés à l’amour, prédominent sans cependant négliger l’esthétique de la lumière et des intérieurs auxquelles le cinéaste est attaché. Les Diables (1971) conte l’histoire du traitement de l’hystérie émanant d’un monastère où résideraient des sorcières. Attaché au fantastique, Ken Russell trouvera du grain à moudre dans sa recherche d’une esthétique signifiante en 1984 avec Les Jours et Les Nuits de China Blue. Ken Russell était avant tout un homme de télévision qui s’est dirigé vers le cinéma avec des réalisations prenantes et appréciées du public. Il a dégagé une esthétique de l’immédiateté qui se rattache au traitement de forme de l’actualité. L’histoire avec lui devient actuelle.

L’esthétique, en matière cinématographique, régit de plus en plus le fond, car suivre une seule recette dans cet art condamne à mort ce mode d’expression. Spectaculaire au départ, le cinéma au fil du temps avait commencé son endormissement attendu que rien n’avait été entrepris pour changer de cap. Alors sont apparus les esthéticiens dont nous devrons reparler puisque nous entrons dans une nouvelle ère: celle où la beauté règnera pour mieux saisir le sens de nos vies.

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.